RHOPALOCERA PAPILIONOIDEA
PAPILIONIDAE
Sous-famille
Papilioninae
Genre Zerynthia
1 Zerynthia
rumina
La Proserpine
Origine et
répartition
Elément faunistique atlanto-méditerranéen (sensu de Lattin,
1967)
Maroc, Nord de l’Algérie et de la Tunisie, Portugal,
Espagne, Sud de la France.
Type
Papilio rumina Linnaeus, 1758 ; LT : Sud de
l’Europe.
Taxa au
Maroc
Zerynthia rumina africana
(Stichel, 1907) ; LT : Alger, Algérie.
La Proserpine
d’Afrique.
Z. rumina
tarrieri Binagot et Lartigue, 1998 ;
LT : Tafraoute (Maroc).
L’Oasienne.
Distribution au
Maroc
Tout le Maroc non saharien, dans les écorégions des forêts
humides et des forêts sclérophylles, jusqu’aux
formations arborées présteppiques (où le papillon a trouvé
refuge dans les oasis) et aux formations arborées
macaronésiennes (région d’Agadir), c’est-à-dire
depuis l’inframéditerranéen sur la côte atlantique
jusqu’au montagnard méditerranéen, et depuis des
régions de 200-400 mm de précipitations annuelles
jusqu’aux massifs enregistrant un isohyète de plus de
1400 mm. La présence d’une aristoloche implique tout
simplement celle du papillon.
La ssp. africana habite l’essentiel des massifs du
Nord et du Centre, jusqu’au versant septentrional du
Haut Atlas : Péninsule tingitane (depuis le niveau de
la mer) et Rif occidental, Monts de Beni-Snassen, Djebel
Tazzeka, Moyen Atlas central et méridional, région de
Rabat, Pays Zaër-Zaïane, Haut Atlas central à basse
altitude (vallées arrosées au sud de Marrakech : Asif
Reraya, Oued Ourika, Oued Zate). Sur cette vaste étendue et
compte tenu de la forte ségrégation raciale
qu’implique le manque de flux génétique résultant
d’un isolement quasi insulaire dans ces montagnes, on
dénombre un certain nombre de races locales statistiquement
caractérisées par une modification de la forme générale, de
l’apex alaire, de l’intensité de la couleur de
fond, de l’exagération ou au contraire de
l’oblitération de l’ornementation, de la
composition la patterne (taches des cellules, festons),
etc. En raison de la protéiformie intra-populationnelle
déjà très prononcée et pour ne pas encombrer la
systématique, un consensus tend néanmoins à les ranger dans
la grande sous-espèce africana mais il est facile, sur le
critère des dix, de retrouver par exemple des sujets du Rif
occidental (très assombris) volontairement mélangés à une
série du Moyen Atlas central (grande taille), lesquels
contrastent avec ceux des Monts de l’Oriental (très
faible envergure), la colonie altimontaine des contreforts
septentrionaux du Djebel Toubkal s’illustrant par
l’abondance de spécimens aux ailes très ornementées
de rouge, etc.
La ssp. tarrieri ne se rencontre qu’au-delà de la
barrière du Haut Atlas, depuis son flanc sud et occupe
ainsi tout le Sud-Ouest marocain, quasiment défini par
l’arganeraie : petites vallées en ressaut du
Haut Atlas méridional, vallée du Souss depuis le piémont
occidental du Djebel Siroua jusqu’à Agadir dans les
vergers (non intensifs !) et les jardins (non
traités !), vallées des Ida-Outanane (au nord
d’Agadir), puis au Sud, dans l’Anti-Atlas
sud-occidental, tout le Djebel Lekst où il existe un nombre
infini de stations dans le finage d’Aït-Baha, de
Tafraoute et même jusqu’a Tiznit. De 100 m (Agadir)
jusqu’à 1750 m (Massif du Lekst). Compte tenu de la
forte aridité contemporaine de cette contrée, il ne reste
que très peu de stations originelles, ouvertes et
accrochées à la montagne, datant de la période du Sahara
vert, subséquente à la glaciation würmienne (- 22000 à
– 5000 ans). L’habitat ancestral devenu
hostile, l’Insecte a eu progressivement
l’opportunité de se replier dans
l’agroécosystème très accueillant qu’est
l’espace oasien et qu’il a globalement colonisé
en partenariat avec son aristoloche nourricière.
C’est ainsi que la ssp. tarrieri, véritable
transfuge, a investi l’essentiel des oasis et des
espaces de cultures vivrières irriguées. C’est aussi
cette grande saga évolutive qui est à l’origine
d’une sous-espèce stable et homogène, bien scindée
des autres populations septentrionales. Un tel exemple où
un Insecte (voir un Amphibien, un petit Mammifère ou une
plante adventice), n’a eu l’occasion de
perdurer qu’à la faveur de l’homme dont il est
devenu un véritable commensal, est plus fréquent
qu’on ne le pense, du moins dans une version
ancestrale car indemne des actions anthropogènes agressives
contemporaines,
Cartographie mationale
(2003)
Nombre de mailles 10 x 10 km : 83.
Plantes-hôtes et
sources nectarifères
Aristolochia baetica (notamment dans le Rif et le
Sud-Ouest), A. longa paucinervis (notamment sur le Plateau
Central et dans le Moyen Atlas) et même A. pistolochia
(dont il existe un isolat dans la Vallée de la Reraya du
versant Nord du Haut Atlas central). Les trois espèces
semblent être indifféremment adoptées quand la femelle a le
choix.
L’adulte butine un grand nombre
d’inflorescences, avec une nette préférence pour les
Lavandes.
Types
d’habitats, conservation et attributions
bioindicatives
Paysages montueux, flancs exposés, prairies mésophiles,
ermes cultivées, lisières des champs, jachères incultes,
jardins jusqu’aux abords des habitations, vergers,
oasis, lits d’oueds, matorral troué (arbouseraie,
cistaie, chaméropaie, lavandaie...) et forêts ouvertes
(cédraie mixte, callitraie, chênaies vertes et pubescentes,
arganeraie), du moment où croît l’Aristoloche.
Aristolochia baetica ayant un port en liane, elle nécessite
les supports adéquats et affectionne notamment les haies,
les halliers, les clôtures constituées de plantes
récalcitrantes enchevêtrées, les murets des terrasses, etc.
A. longa étant une plante basse, elle se maintient surtout
à l’avantage des chaos et des pierriers. Les habitats
limites sont d’une part les quelques flancs écorchés
et falaises de l’Anti-Atlas (Lekst) où les
peuplements d’Aristoloches sont chétifs et la niche
écologique du papillon très exiguë, d’autre part
certains pâturage sub-intensifs du Moyen Atlas (région
d’Azrou, de Khenifra, d’Oulmès, de Beni-Mellal)
quand le substrat (haies vives, halliers, épineux,
pierriers) parvient tout de même à assurer la sauvegarde
les bouquets d’Aristolochia longa paucinervis du
piétinement du cheptel ovin.
Z. rumina tarrieri est un indicateur insigne de
l’arganeraie du Sud-Ouest marocain, écosystème qui
implique deux millions d’habitants sur trois millions
d’hectares et qui a subi une perte documentée de la
moitié de sa surface en un siècle, déclin résultant
d’une érosion infernale induite par un abus usager
dont le surpâturage et le déboisement au profit de la
monoculture forment un effet faisceau. Z. rumina pourrait
en être la véritable sentinelle pour un suivi
méthodologique et des diagnostics réguliers car le papillon
ne survit ni à une rupture d’équilibre, ni à un début
d’érosion.
A condition qu’on y respecte sa plante, comme
c’est très généralement le cas, la présence de Z.
rumina dans les espaces culturaux (champs, jardins,
vergers) vient garantir la qualité biologique de ceux-ci en
témoignant de l’absence de produits phytosanitaires,
même d’usage mitoyen, auxquels sa larve ne résiste
pas.
Enfin, le maintien de ce splendide papillon dans certains
pâturages atlasiques est la garantie que la règle
d’or « user, ne pas abuser » est observée
et que le divorce homme-nature n’est pas prononcé. Le
tout dans un légitime souci d’avenir et non pour le
seul ravissement esthétique et contemplatif qui
n’aurait aucun poids face à l’argument
économique.
Le débroussaillement intensif est une menace pour ce
papillon presque fétiche du biome de la Méditerranée
occidentale car l’Aristoloche, amie de l’ombre,
ne survit pas à une insolation directe.
Phénologie
Univoltin à potentiel bivoltin exceptionnel quand des
conditions favorables l’autorisent. Théoriquement
janvier-mai puis novembre-décembre.
La ssp. africana peut voler dès février à bas niveau dans
le Rif, la région d’Oujda ou celle de Marrakech,
jusqu’à fin mai dans les cédraies les plus froides
d’Ifrane ou les hauteurs de l’Ourika (race
christinae nova). A Rabat, les éclosions automnales se
manifestent fréquemment.
La phénologie de la ssp. tarrieri est nettement plus
chaotique et dépendante de la pluviométrie, compte tenu de
la semi-aridité de son aire. Mais nonobstant les années
sèches, l’artifice de l’irrigation fait
qu’on la rencontrera tout de même dans les cultures
oasiennes. Les années les plus propices génèrent aux plus
basses altitudes les premières émergences dès
novembre-décembre (comme à Taroudannt) et ces pontes
pionnières engendrent alors une seconde génération
d’imagos qui voleront en mars-avril. A plus haute
altitude (Lekst, etc.) : février-avril en une seule et
même génération étalée.
Identité
éco-éthologique
Euryèce, rudéral, mésophile, héliophile, territorialiste
(le mâle est percheur), opportuniste.
Etat de
connaissance et statut conservatoire
Etat de connaissance : bon.
Statut :
vulnérable.