PAPILIONOIDEA
LYCAENIDAE
Qui dit Lycène pense Petits
Bleus, ou Azurés, ou encore Argus, joyaux ailés dont le
dernier nom vernaculaire provient de l’ocellation
particulière de leur face inférieure (Argus Panoptès
– celui qui voit tout - monstre anthropomorphique et
polyophtalmique de la mythologie grecque, était le gardien
aux cent yeux qui terrassa le taureau sauvage qui
terrorisait l'Arcadie. Pour lui rendre hommage, Héra
distribua ses cent yeux sur les plumes du Paon... et
peut-être aussi le revers des ailes de ces
Papillons !). Ces Argus bleus appartiennent à la
sous-famille des Polyommatines. Une autre sous-famille, les
Théclines, est également bien représentée au Maroc avec,
selon la classification récente, les Thècles mais aussi les
Cuivrés, Lycènes d’un autre habitus et modestement
caudés.
Les caractères essentiels de cette
famille cosmopolite aux 6000 espèces sont : la petite
taille, la vive coloration alaire (le plus souvent bleu
intense, rouge, orangé ou cuivré), le dimorphisme sexuel,
notamment chez les Polyommatines bleus où la femelle est
brune, l’existence fréquente d’androconies
(écailles odoriférantes regroupées en touffes
d’aspect duveteux sur les ailes du mâle), les
antennes très souvent annelées de blanc, les pattes
antérieures des adultes mâles s’achevant par des
tarses réduits et dépourvus de griffes, la protogynie
(émergence synchrone des deux sexes), le vol très vif, les
chenilles onisciformes (en forme de cloporte), trapues et
aplaties, à tête rétractile, vivant sur des Légumineuses
(Fabacées) pour les Polyommatines, les chrysalides de forme
courte, succinctes ou libres et enfin la myrmécophilie de
la plupart des espèces.
En Méditerranée
occidentale, une vingtaine d’espèces de Lycènes est
associée avec des Fourmis du genre Myrmica, et « les genres
Crematogaster
et Camponotus sont de loin les plus concernés par ce
commensalisme avec les chenilles de Lycaeninae. » (Fiedler, 2001). La myrmécophilie est
caractérisée par les chenilles vivant en relations
commensales plus ou moins prononcées avec des Formicidés et
possédant alors trois organes glandulaires excertiles sur
les urites VII et VIII (glandes de Newcomer), lesquelles
secrètent un miellat attractif, riche en acides aminés,
affin à celui d’autres provendes que sont certains
Pucerons et Cochenilles pour les Fourmis, très friandes de
leurs exsudats. Pour en bénéficier, elles courtisent,
soignent et palpent les larves de Lycènes directement sur
les plantes-hôtes. Sollicitée, la chenille entre en
catalepsie et s’abstient de toute réaction de
défense. La « contrefaçon » aphidienne que
constitue l’exsudat des larves de Lycènes est tout
autant exploitée par les Hyménoptères. Pour pouvoir
bénéficier de cette gourmandise, les Fourmis sont aux
petits soins avec les chenilles élevées, allant dans les
cas les plus sophistiqués jusqu’à les installer au
sein du couvain de leurs fourmilières, les nourrissant par
trophallaxie (nourrissage par échange entre Fourmis où
cette disposition est liée à une organisation anatomique
particulière que constitue le jabot social et un
proventricule fonctionnant comme une pompe). Il n’y a
guère de différence de taille entre cette minuscule
chenille de Lycènidé et une larve de Formicidé,
d’autant plus qu’elle produit une substance
allélochimique qui confond la Fourmi ouvrière. Ce sont
probablement les Lycènes aux chenilles les plus attractives
qui bénéficient du privilège d’être installés au sein
du nid. Différentes figures de liaisons myrmécophiliques
ont été notées et peuvent être classées selon les
grades suivants : partiel ou accidentel (toutes les
larves ne sont pas sollicitées), temporaire (seulement aux
derniers stades), prolongé, obligatoire à l’extérieur
ou à l’intérieur de la fourmilière. Dans ce dernier
cas absolu qui confine à une symbiose, les larves sont
exclusivement dépendantes des Fourmis pour leur
développement et la disparition de l’espèce de
Formicidé pourrait présenter les mêmes conséquences que
l’éradication de la plante-hôte : elle
entraînerait la fin du Papillon. Mince avantage, les
Fourmis veillant sur elles les protègent des parasites, des
autres Hyménoptères et de certains Diptères. Dans
l’incapacité de produire un miellat équivalent, la
chrysalide ne porte que des glandes strictement
odoriférantes, lui assurant une similaire sécurité. Dans le
cas de liaison extrême, la nymphose a lieu dans un secteur
paisible de la fourmilière d’où l’imago en
émerge. La myrmécophilie, parfois désignée sous le vocable
trop réducteur de clepto-parasitisme, s’avère être
une association plus raffinée et dont les cas de figure
s’échelonnerait depuis le simple commensalisme
jusqu’à des rapports quasi symbiotiques.