RHOPALOCERA PAPILIONOIDEA
PIERIDAE
Sous-famille
Pierinae
Genre Euchloe
11 Euchloe tagis
Le Marbré de Lusitanie
Origine et
répartition
Atlanto-Méditerranéen.
Maroc, Algérie (Euchloe pechi Staudinger, 1885, appartient
au même complexe), Péninsule ibérique, France méridionale
(mais il remonte jusqu’au département de
l’Ain), Italie (Piémont, Alpes Apuanes, Mont Calvi).
Type
Euchloe tagis Hübner, 1804 ; LT :
Peidade (Portugal).
Taxa au
Maroc
Euchloe tagis
reisseri Back et Reissinger, 1989 ;
LT : Chefchaouen, Rif (Maroc).
Le Marbré rifain.
E. tagis
atlasica Rungs, 1950 ; LT : Col de
Tamrabta et Ifrane, Moyen Atlas (Maroc).
Le Marbré du Moyen Atlas.
Distribution au
Maroc
Ssp. reisseri. Race peu prolifique et jamais abondante mais
dont les biomes attestent une certaine stabilité, avec un
effectif repérable chaque année : Djebels Kelti,
Tassaot, Tisouka, Lakraa, Adebdal, etc. dans le Rif
occidental. Il est à peu près certain que ce charmant
papillon habite toute la dorsale calcaro-dolomitique du
Parc naturel de Talassemtane, d’un accès pas toujours
aisé. Une race affine habite le Djebel Tazzeka dans le
Moyen Atlas septentrional.
Ssp. atlasica. Toujours signalée comme « rare »,
y compris par son descripteur en 1950, nous avons pourtant
été témoins de l’excellente dynamique populationnelle
de cette race, le temps que son habitat ne soit pas ravagé.
Etroitement localisée au Massif du Kandar et aux proches
alentours d’Ifrane d’où l’espèce semble
avoir disparu. Ses dernières manifestations sont :
Source Vittel (dans la chênaie verte supérieure),
d’où plusieurs auteurs ont signalé leurs captures et
d’où nos quelques spécimens de mai 1995 n’ont
plus été suivi d’observations (véhémente
fréquentation touristico-récréative ayant fait de ce havre
de verdure l’équivalent d’un champ de
foire) ; environs d’Imouzzèr-Kandar, en
abondance en mars-avril 1996-1997, puis toute la formation
lépidoptérique fut biffée par l’anéantissement brutal
du matorral dû à un envahissement extrême du pastoralisme,
doublé d’un aménagement des lieux en parc pour des
safaris de cochons sauvages, activités préjudiciables ayant
remplacé la strate végétale du maquis par un sol
pulvérulent. Développement durable et lutte contre la
désertification oblige ! On trouve dans la
bibliographie quelques autres localités désormais rendues
azoïques, comme : la pinède à Pinus pinaster du Col de
Tamrabta (ex-grand réservoir génétique dont toute la
composante naturelle a été vidée par une gestion
déplorable), la Vallée des Roches (livrée aux parcours
d’ovins), Annoceur (dont les espèces insignes ont
succombé au pâturage intensif), etc. De nouvelles figures
de conservation apparaissent parfois, notamment dans le
Massif du Kandar, et il n’est pas exclu de pouvoir
retrouver cette précieuse Piéride, par exemple dans le
secteur du Mont Kandar lui-même (1768 m) ou au sein du SIBE
(site d’intérêt biologique et écologique) de
Takeltount où les stations bioécologiquement favorables et
où pousse l’Ibéride ne manquent pas. Le Marbré du
Moyen Atlas est aussi à rechercher en lisière de la cédraie
mixte du Mischliffen où se manifestent de beaux tapis de
fleurs pourpres d’Iberis odorata, tout comme sur
l’escarpement d’Azrou, voire au Djebel
Tarharhat (région d’Itzer). Mais dans ce Moyen Atlas,
même en des sites idoines et fortement calcaires, la
présence de l’Ibéride-hôte n’implique pas celle
de son papillon, apparemment très sensible à un ensemble de
facteurs additionnels très subtils.
Cartographie nationale
(2003)
Nombre de mailles 10 x 10 km : 8.
Plantes-hôtes et
sources nectarifères
Oligophage, la chenille vit aux dépends de rares Ibérides.
La ssp. atlasica pond sur Iberis odorata et I. atlantica (=
I. linifolia) (cette dernière mérite confirmation) ;
et la ssp. reisseri sur Iberis grosmiqueli.
Assez peu butineur, l’imago puise le nectar de son
Ibéride et se rencontre souvent sur le Romarin.
Types d’habitats,
conservation et attributions
bioindicatives
Il s’agit d’une espèce strictement calcicole
dont les quelques dèmes marocains sont cantonnés sur
substrats calcaires et dolomitiques. La ssp. reisseri
rifaine semble strictement confinée à l’orée de la
sapinière tingitane à Abies maroccana, refuge de nombreuses
espèces eurosibériennes, dans un bioclimat subhumide dont
la pluviométrie des localités tingitanes peut atteindre
2000 mm sur les sommets ! Les colonies sont souvent
circonscrites sur des lignes de faîte, quelques hauts
pitons et des couloirs d’éboulis où le bel Ibéride
blanc se développe aux confins des 2000 m. Dans le Tazzeka,
le papillon habite la chênaie verte arbustive inférieure à
la cédraie. La ssp. atlasica moyen-atlasique hante le
matorral troué à chêne vert infiltré d’Arbousiers (du
type maquis), l’orée des forêts sèches et le causse
karstique du bioclimat humide entre 1300 et 1700 m. Elle
n’a pas été rencontrée sur les massifs
d’Ibérides qui poussent dans la forêt de Cèdres. La
niche de ce papillon est toujours très ouverte et de nature
localement xérique, mais s’encartant globalement dans
des écorégions de forêts humides. Il est à noter que si, du
côté africain de la Méditerranée, le biotope du Marbré
rifain est inconditionnellement accroché à de hauts
reliefs, sur la rive européenne et à bien peu de distance,
on retrouve le Marbré de Lusitanie quasiment au niveau de
la mer et ses colonies les plus luxuriantes habitent les
médiocres altitudes des petites montagnes côtières dans les
provinces espagnoles de Malaga et de Cadix (Nerja, Alhaurin
de la Torre, Sierra de Mijas, Sierra de Alpujata, Sierra de
Ojen, Sierra Blanca, hauteurs de San-Pedro de Alcantara,
San Roque, Vejer de la Frontera, etc.)
Euchloe tagis doit être considéré au Maroc (comme ailleurs
dans le biome de la Méditerranée occidentale) comme un
papillon cardinal dont la seule présence implique des
mesures conservatoires absolues de l’espace.
C’est une espèce-ombrelle qui, en matière de
bioévaluation, suppose l’existence d’un
réservoir génétique d’espèces calcicoles fauniques et
botaniques de tout premier ordre. Cette Piéride est
actuellement sur le déclin, ignorée par les instances
protectrices, malmenée par l’exploitation pastorale.
E. tagis est très menacé par les parcours ovins et
notamment caprins dans le Rif occidental. Il est en voie
d’extinction ou éteint dans le Moyen Atlas tabulaire
où le pâturage exponentiel a eu raison de ses quelques
habitats et voit ses effets néfastes complétés par le
piétinement et le saccage récréatif qui chaque année
s’amplifie sur les sites ifranais. Les retombées
négatives du succès populaire de la station d’Ifrane
devraient être évaluées et contrôlées en connaissance de
cause des hauts indices tant qualitatifs que quantitatifs
d’une biodiversité emblématique à base
d’endémismes, impliquant une très sévère gestion dans
un souci de futur viable, plutôt que l’actuelle
politique ambiguë de la terre brûlée.
Phénologie
Monogoneutique de mars à juin, selon l’exposition et
l’altitude, sur un mode en plateau dans le Rif, en
« as de pique » et quelques jours
d’abondance dans le Moyen Atlas. Les conditions
écoclimatiques qui régissent les deux sous-espèces sont
fort contrastées. Dans le Rif, l’imago vole en mars
au Djebel Tassaot, en avril-mai au Tisouka, en mai-juin au
Lakraa. Les éclosions de la ssp. atlasica qui habite des
sites chauds et de moindre altitude sont plus précoces.
Identité
éco-éthologique
Sténoèce, xéromésophile, montigène (voire altimontain dans
le Rif), anémophile, territorialiste (hilltopper), mâle
patrouilleur, opportuniste.
Etat de
connaissance et statut conservatoire
Moyen.
La ssp. reisseri est en danger. La ssp. atlasica est en voie d’extinction ou disparue.