Les sentiers du Rif
« Vous
aimez la liberté ?
Elle
habite la campagne. »
Andrés Bello
Le Rif : un terroir
A
l’ouest de Ketama
Malgré le
passage de plusieurs cultures étrangères au Maroc
(phénicienne, romaine, vandale, arabe, française et
espagnole), les toponymes amazighs originaux sont partout
restés en place, preuve s’il en fallait de
l’attachement de l’Homme à sa terre. Rif : rrif ou
arrif, signifie « la rangée » et le vocable est
probablement tiré de l’alignement des crêtes montagneuses
dont le déploiement fait frontière à la façade
méditerranéenne, voire de l’Homme qui fait barrière aux
invasions étrangères. Le terme arifi veut dire
« l’Homme libre ». Chefchaouen ou Chaouen :
achawen est le pluriel de ich qui désigne « la
corne », soit la forme des deux montagnes qui dominent
la ville.
La chaîne rifaine est une succession de massifs littoraux
répondant au système alpin et représentant le prolongement
de la Cordillère bétique de l’Andalousie de l’autre rive.
Le Rif occidental humide comprend un continuum de massifs
appartenant au croissant rifain, réelle cordillère
ininterrompue depuis le Tangérois jusqu’à l’embouchure de
la Moulouya. A l’extrême Ouest, un premier tronçon
septentrional de petits djebels usés s’élève au nord de
Tétouan (Djebels Moussa et Dersa). Au-delà de la vallée du
fleuve Martil, le relief s’élargit et se dresse en une
dorsale de calcaire jurassique (Djebels Ben-Karriche,
Kelti, Bouhachem, Sougha) pour atteindre son expression
culminante une fois passé l’Oued Laou par les Djebels
Tassaot, Taloussisse, Meggou, Kelaa, Tisouka puis Bouhalla
et Lakraa (Lechhab) dont certains sommets dépassent alors
2000 m. Contrairement à l’édifice atlasique, les altitudes
rifaines sont assez modestes mais la massivité et les
pentes très accentuées donnent à l’ensemble un aspect
vigoureux et représentent de sérieuses difficultés de
desserte. Un peu plus à l’est, à partir du Djebel Tisirene,
les affleurements calcaires émergent très souvent et près
de Ketama, le Mont Tidiquin culmine à 2456 m. Au sud
apparaît une zone marno-schisteuse et passé le Rif central,
jusqu’au bassin du Nekkor, il ne reste plus que des
formations de flysch. Au-delà et jusqu’aux Monts de
l’Oriental, on quitte les bioclimats humide et perhumide
sur sols de forte rubéfaction (bruns fersialitiques) pour
un Rif oriental essentiellement semi-aride et aux sols
marrons ou châtains (croûte calcaire), parfois même
dégradés et peu évolués. L’érosion a vivement entaillé
l’ensemble. Dans ce labyrinthe montagnard de plis brusques,
les eaux ont creusé un réseau de vallées encaissées et
riantes, aux versants encore très couverts et boisés. Dans
le finage des bourgs à toits de chaume se développe une
agriculture rarement intensive où le travail se fait encore
à la houe. Le littoral anime des paysages remarquables,
avec des criques et de belles plages, mais il est très
enclavé et dominé par de puissantes falaises.
Quelques trésors cachés
Le Rif ne rime pas seulement avec kif et Chefchaouen n’est
pas que le « Katmandou maghrébin » de certains.
Bien heureusement. D’autres y voient
un paradis naturel et culturel, un réservoir
biopatrimonial et un remarquable foyer de ressources
socioculturelles. L’histoire des Ghomara, habitants
notamment la Province de Chefchaouen, reste encore peu
connue et riche d’enseignements antéislamiques. Il convient
de rappeler que cette région a hébergé certains des pôles
les plus représentatifs du soufisme. Les arts et les
pratiques, qui n’entrent pas dans le concept de ce livre, y
sont d’un grand intérêt et méritent bien des excursions.
Région d’une grande potentialité touristique, elle
constitue pour les Européens la destination la plus
dépaysante des exotismes de proximité.
Contrasté par un versant méditerranéen assez aride où se
développe un matorral clair ponctué de Genévriers et de
Thuyas, auquel s’oppose un versant atlantique fort humide
qui recèle les formations à Quercus,
à Cedrus
et
à Abies,
le pays rifain, montueux lorsqu’il n’est pas montagneux,
offre un sans fin de petites routes, de pistes, de chemins
et de sentiers à parcourir et à arpenter. Exceptionnels en
Afrique, on y rencontre parfois sur substrat siliceux de
très rares Châtaigniers. Il serait regrettable de négliger
certains sites naturels des basses altitudes de ce Rif
occidental et comme ils ne sont pas aisés à découvrir, nous
en dressons un programme sommaire. Ils sont globalement
d’intérêts floristique, faunique et paysager, agrémentés
parfois de fantaisies minérales. Ce sont aussi des idées
d’excursions qui complètent les initiatives de randonnées
que peuvent susciter les chapitres précédents traitant de
la cédraie et de la sapinière, écosystèmes emblématiques du
Rif occidental. Cet ouvrage n’a nullement l’ambition de
suggérer des itinéraires tout préparés et il est donc rare
que nous donnions des directives excursionnistes. Nous
comptons sur l’esprit d’aventure et la propre initiative du
lecteur pour qu’il construise seul ses randonnées dans les
forêts de Cèdres ou de Sapins, ou qu’il rejoigne quelques
altitudes sommitales écorchées (éboulis, rares pelouses,
modestes xérophitaies). Dans cette perspective et avec un
minimum de prudence, l’on peut contacter sur place
d’excellents guides pour de telles ballades écologiques qui
consistent en la traversée pédestre du Parc naturel de
Talassemtane, en l’accès par des pistes hasardeuses des
sapinières du Tassaot ou du Lakraa, en des ballades
ombragées dans les cédraies mixtes du Tisirene ou du
Tidiquin. Entre la péninsule Tingitane et la région de
Chefchaouen, les sites suivants permettent une découverte
complémentaire à celles des grands massifs.
Perdicaris, le « poumon » de Tanger
Accessibilité : par la route, immédiatement au nord-ouest
de Tanger vers le Cap Spartel.
A 150 m au-dessus de la mer, sur un mamelon gréseux dont le
versant nord plonge sur le Détroit de Gibraltar, se
développe une végétation luxuriante (due au
thermoméditerranéen humide et chaud) et de moyenne
conservation à base de Chêne zène, de Chêne-liège, de Chêne
kermès, ainsi qu’une vigoureuse arbouseraie. De beaux
sujets artificiels de Pins pignon et d’Eucalyptus
globulus attestent
d’anciennes plantations datant du tout début du siècle
précédent. La proximité de l’agglomération tangéroise n’a
que peu érodé ce havre de verdure, comme en atteste le
maintien d’intéressants Lépidoptères tels que le Voilier
blanc (Iphiclides
feisthamelii), la Proserpine
(Zerynthia
rumina africana), l’Aurore de
Barbarie (Anthocharis
belia), la Thécla de
l’Arbousier (Callophrys
avis) et le Pacha à
deux queux (Charaxes
jasius).
Le Djebel Ben-Karriche, un discret refuge
Accessibilité : le début de la petite route dégradée
qui y monte, très difficile à trouver, se situe juste au
sud-est de la ville hispano-mauresque de Tétouan, une fois
franchi l’Oued Martil.
A découvrir de bas en haut : une pineraie à
Pinus
halepensis (afforestation
parfaitement transformée) abrite une cocciféraie
relictuelle en garrigue et un puissant matorral à Cistes,
Bruyères, Lentisques et Palmiers nains ; un alignement de
hautes falaises riches en Rapaces ; un secteur pastoral
très dégradé ; une zone sommitale à relief karstique
ponctué de quelques éléments floristiques d’intérêt
(certains blottis dans les rochers ruiniformes), avec un
exceptionnel panorama mer-montagne aux quatre vents,
disponible les rares jours où le brouillard tenace cède la
place à l’azur. Cette nébulosité, caractéristique des
massifs mitoyens à la péninsule Tingitane où s’affrontent
Atlantique et Méditerranée, préside à l’originalité des
biocénoses locales.
L’Oued Laou et alentours : une « vallée
heureuse »
Accessibilité : par la route secondaire 8304 de
Dar-Akoubaa (au nord de Chefchaouen) à
Et-Tleta-de-l’Oued-Laou (sur le littoral), ses vicinales et
pistes adjacentes, puis par le réseau non balisé de
sentiers pédestres.
Le cours d’eau sans grand étiage tranche la dorsale
calcaire par une cluse impressionnante et offre sur une
quinzaine de kilomètres un parcours de gorges surmontées de
majestueuses falaises parfois fréquentées par les adeptes
de l’escalade. Dans le même espace et par la route
tertiaire qui mène au barrage d’Akchour, les
impressionnantes Gorges de l’Oued Farda valent le détour.
Ce cours d’eau est alimenté par la résurgence de la source
d’Aïn-Danou, dont le débit printanier est de 800 l/s et qui
est le siphon de la grotte du même nom (piste muletière
depuis le village d’Azilan). Le trajet est ponctué de
chutes, de marmites de géants et de diverses fantaisies
minérales dont une arche naturelle dénommée le Pont de Dieu
et vénérée par les habitants des douars voisins. La
ripisylve, parfois envahissante et inextricable, crée
quelques obstacles et fait office de refuge à une faune
variée, notamment d’Oiseaux, d’Amphibiens (le Discoglosse
peint et le Pleurodeles de Waltl fréquentent les bras morts
de l’oued), de Reptiles (Émydes, Couleuvres) et de
Mammifères dont la Loutre, la Mangouste, la Genette et
plusieurs Rongeurs. Il faut y observer la Loutre avec
précautions par les nuits de pleine lune. Une biocénose
similaire des cours d’eau froide se retrouve dans l’Oued
Kelaa, situé dans les parages, parallèle à l’Oued Farda et
d’une même accessibilité. Son canyon est célèbre. Ces
gorges sont aussi des artères sauvages pour la pratique du
canyoning dans une eau pour le moins revitalisante. Tous
les alentours du village de Talembote sont intéressants et
quelques oliviers séculaires suscitent l’admiration. C’est
aussi depuis la belle vallée de l’Oued Laou et du douar
Ifansa que l’on peut accéder au Djebel Kelti qui de partout
s’affiche en proue au nord-ouest de l’horizon. D’un accès
très difficile et de longue haleine, l’aventure commence
sous la plante des pieds et l’ascension jusqu’aux 1926 m
sommitaux traverse de nombreuses manifestations karstiques
(remarquables dolines) et une petite cédraie qui représente
la plus septentrionale du Maroc.
Le site d’Aïn-Souyah :
fantaisies karstiques
Accessibilité : par la route côtière jusqu’à
Bou-Ahmed, piste à Souk-El-Had, puis sentier muletier
jusqu’au moulin de Tajite.
L’itinéraire consiste à remonter l’Oued El-Kanar jusqu’aux
gorges de l’Adelmane, au niveau du moulin. C’est un
parcours de forte dénivellation, sauvage et solitaire dans
une épaisse végétation fluviale à riche zoocénose. La
région est dominée par le massif du Tassaot dont sont
issues les résurgences. Les cascades sont nombreuses et
lors des épisodes pluvieux, il faut se méfier des montées
violentes du régime torrentiel. L’entrée de la grotte se
trouve à une altitude de 270 m dans le canyon de l’Oued
Adelmane et elle nécessite un équipement de plongée. La
source vauclusienne possède l’impressionnant diamètre de 3
m pour un débit de 400 l/s.
Sur le sentier de la sapinière : la source
d’Aïn-Tissimlan
Accessibilité : à partir de la piste contiguë au
camping de Chefchaouen et en ressaut du petit Djebel Kelaa.
La source, hélas vidée des plus précieuses espèces
fontinales de ses alentours, constitue l’un des
approvisionnements de la ville et se trouve à l’intérieur
d’une grotte. C’est la première étape d’un chemin qui,
après avoir délaissé un grand ravin glaciaire où l’on peut
découvrir une flore très variée, s’élève en méandres
jusqu’à la sapinière du Djebel Tisouka et de ses sous-bois
fleuris de Pivoines (avril). Les Batraciens et Reptiles
sont nombreux au tout premier printemps, puis les Papillons
dès mai-juin. En début d’été, on peut y admirer
quelques Berberia
lambessanus, grand
Rhopalocère noir, descendant en vol plané de quelques
touffes de Stipes suspendues aux plus hautes falaises.
Le site naturel de Brikcha : un îlot de climax
Accessibilité : par la route P28 depuis Chefchaouen en
direction de Ouezzane, puis la 2641 à droite depuis
Es-Sebt.
A la faveur d’une strate arborescente de grande amplitude,
la vallée et ses abrupts offrent un îlot végétal très
verdoyant sur sols profonds, où le climax est représenté
par les Chênes sclérophiles (dont une remarquable formation
mature de Chêne kermès) et par le Chêne zène. D’une grande
diversité floristique, la biocénose compte aussi plusieurs
Mammifères (Loutre, Genette, Chat ganté, Belette), une
avifaune de 75 espèces recensées (très nombreux Rapaces) et
d’appréciables cortèges herpétologique (dont l’Alyte
accoucheur et le Discoglosse peint) et entomologique. S’ils
s’éternisent un peu pour prospecter, les amateurs de
microcosme ne seront pas déçus.
Le Crapaud accoucheur : la quarantaine du mâle porteur
d’œufs
Le mode de
reproduction du sympathique Alyte accoucheur
(Alytes
obstetricans) commence à
être bien divulgué tant elle est singulière. Après
l'accouplement, qui est terrestre, le mâle entortille le
chapelet d’œufs entre ses pattes postérieures et les
promène ainsi jusqu’à une quarantaine de jours, les
humidifiant régulièrement dans une flaque. Les larves
développées profitent d'une de ces baignades pour
s'échapper et poursuivre leur croissance dans l'eau. Ces
têtards sont alors totalement Herbivores et ce n’est qu’à
l'âge adulte qu’ils se nourriront d'Insectes, notamment de
Fourmis, de vers et d'Araignées. Certains d’entre eux
n’achèvent leur métamorphose qu'au printemps suivant et ils
sont reconnaissables à leur grande taille (jusque 80 mm).
Rare au Maroc, le Crapaud accoucheur vit souvent en
syntopie avec la Salamandre tachetée, tous deux confinés
dans les montagnes rifaines les plus humides et les plus
sauvages du pays.
La grotte de Kef Toghobeit : une féerie souterraine
Accessibilité : par la très mauvaise piste au départ
de Bab-Taza vers les douars du Djebel Lakraa (demander la
direction de Beni-M’hammed !)
Au niveau de l’abri de Outa-Malaeb, il faut escalader la
pente jusqu’à l’entrée située à 1700 m d’altitude. C’est
une des grottes majeures du Maroc, avec un développé de
plus de deux kilomètres de galeries et une profondeur de
700 m. Comme dans tous les avens, grottes et cavités du Rif
karstique, les Ptéridophytes (Fougères) et les mousses
abondent aux abords de l’entrée. La faune troglobie
(Arthropodes cavernicoles) n’y a pas encore fait l’objet
d’une étude exhaustive. Les Chauves-souris y sont les
troglophiles les plus spectaculaires : plusieurs
Rhinolophes, Petit Murin, Pipistrelle commune, Minioptère.
Le site est destiné aux passionnés de spéléologie et,
poursuivant la montée par la chênaie mixte, puis la
sapinière du Lakraa, les non initiés porteront leur intérêt
sur le remarquable cortège floristique, l’entomofaune, les
Reptiles, les Rapaces et le Singes Magot qui attestent que
nous sommes ici dans le Parc naturel de Talassemtane. La
« cerise sur le gâteau » serait d’y être témoin
du vol majestueux du Gypaète barbu, citation toujours
reprise dans les catalogues faire-valoir. Hélas, il n’en
reste que l’ombre du souvenir car sa disparition du Rif a
précédé la figure de protection administrative, comme c’est
bien souvent le cas des animaux climaciques. Les bonnes
actions ont toujours un tour de retard... Alors, en
partenariat avec la Fondation Aga Khan et le WWF, il est
ici, là et ailleurs, déjà, encore ou plus question (on ne
sait plus !) de le... réintroduire. Régénérer,
reboiser, réintroduire : une industrie de la poudre
aux yeux ! Nous ferions mieux de préserver... Car
tandis que l’on joue ici à réintroduire, l’identique est à
côté en voie d’extinction.
El-Had-d’Agadir : au pays des Papillons
Situation :
quitter la route P28 (Chefchaouen-Ouezzane) sur la gauche à
hauteur du Pont du Loukos (El-Had-d’Agadir-El-Krouch) en
direction de Mokrissèt par la vicinale 2639.
Il convient d’abandonner le véhicule après quelques
kilomètres lorsque la route domine fortement la vallée et
de prospecter la mosaïque de vergers et de jardins aux
modestes cultures vivrières qui se détachent en contrebas.
La flore des bermes de la route est d’une richesse
fabuleuse, avec entre autres des massifs tapissant
de Putoria
calabrica et les parcelles
préservées du maquis à Arbousier sont très denses (le
Sanglier y est chez lui). Partout, partout volent des
Papillons ! Lorsqu’il n’est fait aucun usage de
biocides, de tels espaces culturaux peuvent ainsi
constituer de généreux refuges pour certaines espèces à
affinités rudérales. Le réseau de sentiers discrets qui
sillonne au gré d’une végétation assez luxuriante permet de
descendre vers les vallons et les cours d’eau que l’on
aperçoit d’en haut. C’est alors un réel ravissement que de
se perdre au fil des méandres où alternent les jardins et
les prairies, surprenant çà et là une Couleuvre ou un
Agame. Levant le regard, le ciel est une toile où tournent
impassibles Buses, Milans et Aigles dont les cris
interpellent en fendant l’air dans l’apaisante solitude. Un
petit paradis aux senteurs du pays rifain. Si l’on visite
un piton rocheux, un arbre bien exposé au-dessus du vide ou
un quelconque support en proue sur les vallons, on y
observera un incessant manège « masculin » de
Papillons. Ce sont des mâles d’Iphiclides
feisthamelii (le Voilier
blanc) (la génération estivale est ici de très grande
taille), de certaines Piérides vernales
(Euchloe
belemia et
crameri),
de quelques Lycènes et de Charaxes
jasius (le Pacha à deux
queues) s’adonnant au hilltopping.
Ce phénomène ne concerne que certaines espèces dont les
mâles ont pour « habitude » de s’attribuer un
poste d’observation stratégique au sommet des collines les
mieux exposées. C’est là que, dominant l’espace, ils se
reposent entre deux « patrouilles » à la
recherche des femelles. Ces lieux électifs sont toujours
des repères sommitaux aux conditions éoliennes favorables
et peuvent rassembler un congrès de plusieurs sujets de
différentes espèces. Lorsqu’ils sont dérangés par un
congénère, ils s’affrontent au cours d’impétueuses rixes
ascensionnelles, puis retrouvent le support conquis.
Lalla Outka : le monde de la futaie
Très excentré au sud du Rif central (accès depuis Ourtzarth
et Rhafsaï dans le pré-Rif), le Djebel Lalla Outka est un
massif bien individualisé et dont la couverture forestière
s’étage du thermoméditerranéen subhumide tempéré au
mésoméditerranéen humide frais jusqu’au supraméditerranéen
perhumide froid (1600 m). Une chênaie mixte
remarquable : suberaie, chênaie verte, zénaie et
tauzaie mêlées, abrite dans ses sous-bois une flore très
diversifiée, avec de nombreuses tourbières et la faune
idoine.
Des poubelles peu écotouristiques
« Qui aime
bien châtie bien » dit la
sentence populaire ! Il est vrai que la critique est
un acte d’amour car à quoi bon vouloir parfaire ce qui nous
indiffère ? « Préserver la
nature passe par la colère »
est une seconde sentence qui se superpose au souci de ce
livre et qui revient en leitmotiv. Hélas, la preuve est
faite au quotidien que celui qui voit, s’aperçoit, critique
et dénonce est davantage fustigé que celui qui détruit,
sans nul doute par ce qu’il fait subséquemment surgir
quelques responsabilités politiques, lesquelles sont par
tradition susceptibles, voire arrogantes. Assumons donc.
Les grands principes contemporains du recyclage et du
développement durable entrent dans une synergie de l’échec
à Chefchaouen où tous les efforts semblent entrepris pour
la promotion d’une remarquable plate forme de
démonstration. Dommage pour la belle cité culturelle et son
écrin de nature. C’est peut-être
un clin d’œil de l’éthique verte à l’intention de
ceux qui douteraient encore de l’absence des retombées
espérées des innombrables congrès et tables rondes sur le
sujet de l’environnement et de la santé publique ? Et
pourtant, au Maroc et ailleurs les biotechnocrates
matraquent la « gestion durable » jusqu’à
l’indigestion. Mais n’ayons crainte : ce n’est qu’un
discours avec arrière-pensée.
Le choix du site est judicieux. Pour qui prend le sentier
« de grande randonnée » qui conduit par le petit
Djebel Kelaa et la fameuse source Tissemial jusqu’aux
hautes sapinières du
Tisouka et au Parc naturel de Talassemtane, les
préliminaires de l’excursion verte ont pour cadre
enchanteur un bon kilomètre de cheminement dans une
« tranchée » entre deux murs d’ordures déposées
là quotidiennement par les riverains et amplifiées par les
pertes des camions éboueurs puisqu’un peu plus loin se
trouve, pour la plus grande joie de l’avifaune charognarde
(aspect biodiversité), l’immense décharge municipale à ciel
ouvert. L’odeur âcre et nauséabonde permet au randonneur de
retrouver son chemin. Masque à gaz conseillé pour démarrer
l’excursion ! Le camping municipal à l’intention du
tourisme international est aussi agrestement là, envahi par
des hordes de chiens errants se disputant jour et nuit les
restants comestibles. Un peu en contrebas, l’hôtel de luxe
Asma (piscine et tout) domine depuis son piton la
pittoresque médina de maisons blanches aux linteaux bleu
pâle. Les jours de vent, les sacs emblématiques de
plastique noir s’élèvent de pair avec les Milans, les Buses
et les Corbeaux, puis retombent çà et là dans la pinède,
ponctuant la chaméropaie ou tapissant la valeureuse
formation à Quercus
coccifera qui constitue le
joyau floristique des lieux. Dommage, non ? Bof !
Pourquoi les cacher puisqu’une telle exhibition,
susceptible d’émouvoir les coopérants de passage, peut être
la source stratégique d’intarissables aides
internationales ?
Les vallées du Rif occidental : un jardin botanique
Ne revenons pas ici aux écosystèmes identifiés par le Cèdre
et le Sapin et qui, aux altitudes plus hautes des grands
Djebels dominant la dorsale rifaine que sont :
Bouhachem, Tassaot, Tisouka, Lakraa, Tisirène et Tidiquin,
ont été traités dans les chapitres plus avant. Ce sont des
sanctuaires de la nature. Il s’agit maintenant de prendre
connaissance du Pays rifain si particulier en s’intéressant
à sa campagne et à ses vallées aux réelles valeurs de
terroir.
Jusqu’à 500 m d’altitude, c’est souvent des types rudéraux
qui reçoivent les biocénoses, notamment l’entomofaune que
des tendances commensales orientent vers les friches, les
ermes, les abords des cultures aléatoires et les vergers.
Ce sont ici des biotopes essentiels car favorisés par le
miraculeux maintien des « mauvaises » herbes. Les
ripisylves et les berges de fonds de vallons constituent
aussi d’excellentes niches de refuge sciaphile et de
camouflage quand elles subissent l’envahissement des
ligneux et des lianes. Les matorrals revêtent parfois dans
le bas Rif une ossature remarquable où, sur silice, ils
organisent de belles formations pluristratifiées à Cistes
et à Bruyères, dont l’arbouseraie en pans appréciables est
ici très remarquable par la densité et la hauteur de son
développement. C’est à cette altitude l’une des meilleures
ambiances régionales. Certains groupements préforestiers
vestigiaux à figure de brousse ont comme espèces arbustives
prééminentes l’Oléastre, le Caroubier et le Lentisque. Ils
abritent parfois le Chêne kermès, Fagacée insigne du revers
méditerranéen rifain, désormais réduit à quelques habitats
préservés ou maraboutiques. Nombre d’espèces soulignent le
stade de dégradation de ces groupements qui font office
d’excellents havres de biodiversité. Les chênaies-liège
(suberaies) ont colonisé l’essentiel du thermoméditerranéen
forestier du Rif. Individualisant des groupements où
règnent les Genistées et les Bruyères, elles sont néanmoins
trop souvent vidées de leur contenu par une extrême
exploitation. En s’élevant un peu dans le
mésoméditerranéen, la chênaie verte est souvent parente de
la suberaie dès 600 m et constitue de bons habitats sur les
collines schisteuses du Pays Jebala. Sur sols humifères
plus profonds, interviennent les chênaies caducifoliées
comme la zénaie ou la tauzaie, cette dernière toujours plus
dense et fermée.
Herbier des vallées et des collines rifaines
« Une fleur
est un être entièrement poétique. »
Cet inventaire, constitué au gré des sentiers et des
livres, ne reprend ni les espèces des étages
supraméditerranéen et montagnard, ni celles propres à la
cédraie et à la sapinière rifaines. Entre parenthèses sont
inclus les noms vernaculaires français que nous avons pu
compiler et plus rarement ceux marocains (arabo-berbères en
général et non spécialement rifains), variables d’une
région à une autre et comportant un certain potentiel de
confusion. Ces derniers ne sont aisément disponibles que
pour ce qui concerne les plantes dites « utiles »
ou la malherbologie. Pour les espèces non domestiques ou
non « nuisibles », les noms communs sont très
aléatoires, puisque d’aucun usage populaire. Le classement
est alphabétique.
PTERIDOPHYTES
OPHIOGLOSSACEAE :
Ophioglossum
vulgatum (Ophioglosse
vulgaire, Langue de serpent)
OSMUNDACEAE :
Osmunda
regalis (Osmonde royale)
POLYPODIACEAE :
Adianthum
capillus-veneris (Capillaire de
Montpellier, chaâr
l-ghoul,
qesbiat
l-bir),
Asplenium
petrarchae (Asplénie de
Pétrarque), Asplenium
spp. (Asplénie,
Doradille), Athyrium
filix-femina (Fougère-femelle),
Blechnum
spicant (Fougère
pectinée, Blechnum en épi), Cystopteris
filix-fragilis (Polypodium
fragile), Dryopteris
acculeata, D. villarsii, Phyllitis
scolopendrium (Fougère
Scolopendre), Ph.
hemionitis (Scolopendre
officinale), Polypodium
vulgare (Réglisse des
bois), Pteridium
aquilinum (Fougère aigle)
EQUISETACEAE :
Equisetum
maximum (Grande
Prêle), E.
ramosissimum (Prêle rameuse)
OPHIOGLOSSACEAE :
Ophioglossum
vulgatum (Ophioglosse
vulgaire)
ISOTACEAE :
Isoetes
hystrix (Isoète épineux)
CONIFEROPSIDES
ABIETACEAE :
Pinus
halepensis (Pin
d’Alep, snouber,
taïda)
CUPRESSACEAE :
Juniperus
oxycedrus rufescens (Genévrier
oxycèdre, taqqa,
tiqqi),
Tetraclinis
articulata (Thuya de
Berbérie, ârâar,
azuka,
amelzi)
TAXACEAE :
Taxus
baccata (If
commun, dakhs,
imerwel, igen)
GNETOPSIDES
EPHEDRACEAE :
Ephedra
major (Grand Éphèdre)
ANGIOSPERMOPSIDES
ADOXACEAE :
Adoxa
moschatellina (Moscatelline)
AMARYLLIDACEAE
Leucojum
trichophyllum (Nivéole,
bsela),
Narcissus
viridiflorus (Narcisse vert)
ANACARDIACEAE :
Pistacia
lentiscus (Lentisque,
dru),
P.
terebinthus (Térébinthe,
btem),
Rhus
pentaphylla (Sumac à cinq
feuilles, tizgha)
APIACEAE :
Ammi
majus (Ammi
élevé, tlaylân,
tribal,
kryu),
A.
visnaga (Ammi
visnaga, busniha,
bechnikha),
Daucus
carota (Carotte,
khizzu,
sefnarya,
jaâda,
etc.), Eryngium
campestre (Panicaut,
zerriga),
E.
ilicifolium (Panicaut,
zerriga,
sekkour,
kaf
sbaâ),
Ferula
communis (Férule, Faux
Fenouil, kelh,
bubal,
fasuh),
Foeniculum
vulgare (Fenouil,
besbas,
amsa,
nafaâ),
Oenanthe
crocata (Pensacre),
Oe.
pimpinelloides (Oenanthe faux
boucage), Smyrnium
olusatrum (Maceron,
heyyâr,
habbat
gerri,
hayar),
Thapsia
garganica (Thapsie
faux-Fenouil, deryâs,
rwaba,
abagur,
abu,
bu
neffa)
APOCYNACEAE :
Nerium
oleander (Laurier-rose,
defla)
ARACEAE :
Arisarum
vulgare (Arum des
bois, ayerni,
oudinat
l-kelb)
ARISTOLOCHIACEAE :
Aristolochia
baetica (Aristoloche
bétique), A. longa
paucinervis (Aristoloche
longue, barreztem)
ASTERACEAE :
Andryala
integrifolia (Andryale à
feuilles entières, bu
nail),
Anthemis
arabica (Camomille
arabe, tofs),
A.
fuscatum (Camomille
précoce), A.
pedunculata (Camomille
pédonculée), Astericus
spinosus (Pallenis
épineux, tafsa),
Bellis
annua (Pâquerette,
hallâla),
Calendula
suffruticosa (Souci
arbustif), Carduus
myriacanthus (Chardon),
Carthamus
arborescens (Chardon
arborescent), Centaurea
sp. (Centaurée,
baâjnhal,
zmamour,
chafraj,
etc.), Chrysanthemum
coronarium (Chrysanthème à
couronnes, gehwan,
hellala,
i-gentus),
Ch.
segetum (Chrysanthème
des moissons, kraâdjaja,
gahwane,
ghadou
mlal),
Cichorium
intybus (Chicorée,
hendaba),
Launaea
nudicaulis (lgherrima,
makr,
hnunat,
marrara),
Echinops
spinosus (Boule d’azur
épineuse, taskere, lkerchuf),
Notobasis
syriaca (Chardon de
Syrie, lkerchuf el
gemel),
Onopordum
macracanthum (Chardon aux
ânes, lchubrak),
Phagnalon
saxatile (laateytsa),
Santolina,
rosmarinifolia (Santoline à
feuilles de Romarin, ayrar,
tayrart),
Scorzonera
pygmaea (chella),
Tolpis
barbata (Trépane
barbue), Tragopogon
porrifolius (Salsifis,
l’giz),
Urospermum
dalechampii (Urosperme de
Daléchamps, merrira)
BERBERIDACEAE :
Berberis
hispanica (Épine vinette
d’Espagne, izzirki,
argis)
BETULACEAE :
Alnus
glutinosa (Aulne
glutineux), Betula alba
fontqueri (Bouleau
pubescent, Bouleau verruqueux)
BORAGINACEAE :
Anchusa
undulata,
Borago
officinalis (Bourrache,
horraycha,
bou
hamdoun),
Cerinthe
major (Mélinet),
Cynoglossum
creticum (Langue de
chien), C.
dioscoridis,
Echium
horridum (l-harcha
s-çalha,
tanasat),
E.
humile (Vipérine,
I-harcha
lhamra),
E.
plantagineum (lsan
el-bgar),
E.
pomponium (Viperine
turban), E.
vulgare (Vipérine),
Lithospermum apulum (Grémil)
BRASSICACEAE :
Biscutella
didyma (Lunetière,
gugalman),
Diplotaxis
catholica (Diplotaxis
catholique, ba
hammu,
lkerkaz,
awerdal),
Matthiola
fruticulosa (Matthiole en
buisson, chgera),
M.
parviflora (Matthiole à
petites fleurs, chgera),
Sinapis
arvensis (Moutarde des
champs, bahammou
l-hou,
kerkaz)
BUXACEAE :
Buxus
balearica (Buis des
Baléares)
CACTACEAE :
Opuntia
ficus-indica (Figuier de
Barbarie, zaâboul,
aknari,
khermus
hindya)
CAMPANULACEAE :
Campanula
rapunculus (Raiponce,
djara)
CANNABINACEAE :
Cannabis
sativa (Chanvre
indien, kif)
CAPRIFOLIACEAE :
Lonicera
biflora (Chèvrefeuille,
juher-ed-dar),
L.
etrusca (Chèvrefeuille
d'Étrurie, louayate el
yasmine),
L.
implexa (Chèvrefeuille,
juher-ed-dar),
Sambucus
ebulus (Boule de neige,
Hièble, Petit Sureau), S.
nigra (Sureau
noir), Viburnum
tinus (Laurier-tin)
CARYOPHYLLACEAE :
Arenaria
montana (Sabline des
montagnes), Cerastium
gibraltaricum (Céraiste de
Gibraltar), Hernaria
glabra, Paronychia argentea (Paronyque
argentée), P.
echinata (Paronyque
hérissée), P. kapela,
Silene spp.
CISTACEAE :
Cistus
albidus (Ciste
blanc, bou
chikh,
tanaghoust),
C.
creticus (Ciste de
Crète), C.
crispus (Ciste
ondulé), C.
ladaniferus (Ciste à
résine), C.
laurifolius (Ciste à
feuilles de Laurier, amziwet),
C.
libanotis (Ciste du
Liban), C.
monspeliensis (Ciste de
Montpellier), C.
populifolius (Ciste à
feuilles de Peuplier), C.
salviifolius (Ciste à feuille
de sauge, chettaba,
irgel,
tuzzalt),
C.
varius (Ciste
variable), Halimium
atlanticum,
H.
commutatum, H. halimofolium,
H.
lasianthum,
H.
ocymoides,
H.
umbellatum,
Helianthemum
spp. (Hélianthèmes),
Pomelina
fontanesii
CORIARIACEAE :
Coriaria
myrtifolia (Corroyère,
Coriaire à feuilles de myrte, arwaz)
CRASSULACEAE :
Cuscuta
epithymum (Cuscute),
Pistorinia
breviflora (jeljel),
Umbilicus
horizontalis (Nombril de
Vénus, udnin-diel-begra)
CUCURBITACEAE :
Bryonia
dioica (Navet du
diable, âneb
d’dib,
adil
n-wuchen),
Echallium
elaterium (Momordique,
feggous
l’hmir)
CYPERACEAE :
Carex
muricata (Laîche de
Paira)
DIOSCOREACEAE :
Tamus
communis (Tamier)
DIPSACACEAE :
Scabiosa
atropurpurea (Scabieuse des
jardins), S.
stellata (Scabieuse à
facettes, bumgar)
ERICACEAE :
Arbutus
unedo (Arbousier,
bakhannou,
sasnou),
Calluna
vulgaris (Bruyère
commune, Bruyère callune), Erica
arborea (Bruyère
arborescente, hlenj, bou
heddad),
E.
australis (Bruyère
d'Espagne), E.
ciliaris (Bruyère
ciliée), E.
multiflora (Bruyère à
fleurs nombreuses), E.
scoparia (Bruyère à
balai), E.
terminalis (Bruyère de
Corse), E.
umbellata (Bruyère)
EUPHORBIACEAE :
Euphorbia
characias (Euphorbe
characias), E.
clementei (Euphorbe),
Euphorbia
spp., Mercurialis annua (Mercuriale
annuelle, archud),
M.
reverchonii (Mercuriale de
Reverchon)
Ricinus
communis (Ricin,
kharwaa,
awriwra,
semkala
;
c’est en fait une peste végétale introduite que l’on ne
devrait pas citer !)
FABACEAE :
Adenocarpus
complicatus (Adénocarpe à
feuilles pliées), A.
decorticans, A. telonensis (Adénocarpe à
grandes feuilles), Anagyris
foetida (Anagyre
fétide), Anthyllis
vulneraria (Anthyllide
vulnéraire, akrus), Astragalus
glaux (Astragale
glaux), A.
hamosus (Astragale),
A.
lusitanicus (Astragale du
Portugal), A.
monspessulanus (Astragale de
Montpellier), Calicotome
villosa (Calicome
velu), Chamaespartium
tridentatum,
Colutea
atlantica (Baguenaudier,
qboura),
Coronilla
valentina glauca (Coronille
glauque), C.
viminalis (Coronille
faux-Baguenaudier), Cronanthus
biflorus, Cytisus linifolius (Cytise, Faux
Ébénier, mrah),
Ebenus
pinnata (Ébénier,
jibana),
Genista
anglica (Genêt
d'Angleterre), G.
capitata,
G.
erioclada (Genêt),
G.
quadriflora (Genêt à quatre
fleurs), G.
retamoides, G. tournefortii,
G.
triacanthos,
G.
tricuspidata,
G.
tridens,
Hippocrepis
sp.
(Hippocrépide, Fer à cheval, menjel),
Lathyrus
aphaca (Gesse,
tibawsin),
L.
clymenum (Gesse
articulée, jelbânat
l-hnâs),
Lotus
creticus (Lotier,
mzerag-dieb-akreb),
L.
tetragonolobus (Tétragone),
Lupinus
angustifolius (Lupin à
feuilles étroites, senqala,
bou
zgaiba),
L.
luteus (Lupin
jaune, senqala,
bou
zgaiba),
Medicago
intertexta, Melilotus indicus (Mélilot,
nefla),
Ononis
biflora (Bugrane à deux
fleurs), O.
natrix (Bugrane fétide,
Bugrane jaune, Bugrane gluante, Bugrane puante,
Coqsigrue, l’henna),
Psoralea
bituminosa (Herbe-au-bitume),
P.
americana, Retama monosperma (Genêt
blanc, rtem,
algou),
Sarothamnus
arboreus baeticus (Genêt de la
forêt), S.
grandiflorus (Genêt à grandes
fleurs), Stauracanthus
boivini, Teline osmarensis, Trifolium stellatum
(Trèfle
étoilé, nefla),
Tripodion
tetraphyllum (Anthyllide),
Ulex
parviflorus (Ajonc à petites
fleurs), Vicia
lathyroides (Vesce),
V.
lutea (Vesce
jaune, bou
zgayba),
V.
onobrychioides (Vesce faux
sainfoin), V.
sativa (Vesce cultivée)
FAGACEAE :
Castanea
sativa (Châtaignier,
qostal),
Quercus
coccifera (Chêne
kermès, kermez),
Q.
faginea (Chêne zène,
Chêne zéen, ballout
ez-zane, techt),
Q.
fruticosa (=
Q.
lusitanica) (Chêne
nain), Q.
pyrenaica (le Chêne
tauzin, techt),
Q.
rotundifolia (Chêne
vert, ballout
lakhdar, kerrouch, tassaft),
Q.
suber (Chêne-liège,
ballout-l-ferchi,
l-fernane)
GENTIANACEAE :
Blackstonia
perfoliata (Centaurée
jaune), Centaurium
erythraea (Petite
Centaurée, qantarun),
C.
pulchellum (Petite
centaurée, fesset el
far)
GERANIACEAE :
Erodium
aethiopicum (lregma),
E. cheilanthifolium (Bec-de-Grue)
GLOBULARIACEAE :
Globularia
alypum (Globulaire,
zerga)
HYPERICACEAE :
Hypericum
pubescens (Millepertuis)
IRIDACEAE :
Crocus
salzmannii (Safran
sauvage), Gladiolus
communis bizantinus (Glaïeul,
sif
d-dib,
tafrut
n-wussen),
Iris
planifolia (Iris),
I.
sisyrinchium (Iris),
I.
tingitana (Iris de Tanger)
JUNCACEAE :
Juncus
acutus (Jonc
aigu), J.
conglomeratus (Jonc
aggloméré), Luzula
forsteri (Luzule de
Forster), J.
squarrosus (Jonc rude)
LAMIACEAE :
Cleonia
lusitanica (Cléonie),
Lavandula
dentata (Lavande
dentée), L.
multida (Lavande,
klila-diel-amir),
L.
stoechas (Lavande
stéchade, chelchel),
Marrubium
vulgare (Marrube
blanc, merriut),
Mentha
pulegium (Menthe
pouillot, fliyu),
M.
rotundifolia (Menthe à fleurs
rondes), Mentha
sylvestris (Menthe
sylvestre), Nepeta
apulei (Fausse Mélisse,
Herbe-aux-chats, quechtan),
Phlomis
crinita mauritanica,
Prasium
majus (uden-el-kheruf),
Rosmarinus
officinalis (Romarin,
azir),
Salvia
argentea (Sauge
argentée), S.
barrelieri,
Stachys
fontqueri,
S.
ocymastrum,
Teucrium
fruticans (Germandrée
arbustive, rchid-u-mellal),
T.
luteum (Germandrée),
Thymus
broussonetii (Thym de
Broussonet, zâitra),
T.
capitatus (Thym de
Candie), T. ciliatus
LAURACEAE :
Laurus
nobilis (Laurier-sauce,
chajrat,
sidna
moussa)
LILIACEAE :
Allium
ampeloprasum (Ail,
busela),
A.
subvillosum (Ail à feuilles
ciliées, busela),
Aphyllanthes
monspeliensis (Aphyllanthe de
Montpellier), Asphodelus
cerasiferus (Asphodèle
porte-cerises), A.
fistulosus (Asphodèle
fistuleux, berwag,
ingri,
berwiga),
A.
microcarpus (=
A.
aestivus)
(Asphodèle à petits fruits, berwag,
ingri,
tigri,
ansel),
Fritilaria
hispanica (Fritillaire),
Gagea
durieui (Gagée de
Durieu, busela),
Hyacinthoides
lingulata,
Muscari
comosum (Muscari à
houppe, ansel
srhir),
M. neglectum
atlanticum (Muscari
négligé, Muscari en grappe, Ail des chiens),
Ornithogallum
umbellatum (Dame-d’onze-heures,
tiyerret),
Scilla
autumnalis (Scille
d’automne), S.
undulata (Scille à
feuilles ondulées), Smilax
asperus (Salsepareille,
luwâya,
uchba,
tanesfalt)
LINACEAE :
Linum
angustifolium,
L.
austriacum (Lin
d’Autriche), L.
numidicum (Lin de Numidie)
LORANTHACEAE :
Viscum
album (Gui,
lenjbar,
asemmum,
dakhtane)
LYTHRACEAE :
Lythrum
junceum (Lythrum de
Graeffer, sabun
l-ma)
MALVACEAE :
Lavatera
olbia (Mauve
royale, l’khobbiza,
beqqula),
L.
trimestris (Lavatère,
l’khobbiza,
tibbi,
abejjir),
Malva
hispanica (Mauve
d’Espagne, l’khobbiza,
beqqula)
MYRTACEAE :
Myrtus
communis (Myrte commun)
OLEACEAE :
Fraxinus
angustifolia (Frêne
oxyphylle, dardar,
aseln, tuzzalt),
Fraxinus
dimorpha (Frêne variable,
imts, aseln, tuzzalt), Jasminum
fruticans (Jasmine jaune,
l’yasmine, juer ed-dar), Olea
europaea (Olivier
d’Europe, zaïtuwn),
Olea europea
sylvestris (Oleastre,
zebouge),
Phillyrea
angustifolia (Filaire à
feuilles étroites)
ORCHIDACEAE :
Ophrys
lutea (Ophrys
jaune), O. scolopax
apiformis (Ophrys
bécasse), O.
tenthredinifera (Ophrys
Guêpe), Orchis
italica (Orchis
militaire), O.
lactea (Orchis
laiteuse), O. morio
champagneuxi (Orchis
casque, l-heyya
ul-miyyta,
baej
n-hal),
Serapias
lingua (Helléborine)
OROBANCHACEAE :
Orobanche
crenata (Orobanche,
suwwal
l-chruf),
O.
sanguinea (Orobranche
sanguine, fernûn)
PALMACEAE :
Chamaerops
humilis (Palmier
nain, doum,
ghaz,
jemmar,
tigeztemt)
PAPAVERACEAE :
Papaver
rhoeas (Grand
Coquelicot, belaâmane,
waluda,
aflidou),
P.
setigerum (Pavot,
afyun),
Roemeria
hybrida (Coquelicot
violet, nker-diel-rhorab)
PLUMBAGINACEAE :
Limonium
lobatum (Statice lobé),
L.
sinuatum (Statice
sinué)
POACEAE :
Nombreuses espèces
POLYGONACEAE :
Emex
spinosa (hummeida,
henzab,
zumar,
dirs
el’aguz),
Rumex
bucephalophorus (Rumex tête de
boeuf, hummeida),
R.
papilio,
R.
pulcher (Faux
épinard), R.
tuberosus (Oseille
tubéreuse), R.
vesicarius (Oseille
sauvage, hummeida,
gurisa)
PORTULACACEAE :
Montia
fontana (Montie des
sources)
POTAMOGETONACEAE :
Potamogeton
oblongus (mares),
P.
polygonifolius (mares)
PRIMULACEAE :
Cyclamen
africanum (Cyclamen
d’Afrique)
RANUNCULACEAE :
Adonis
aestivalis (Adonis
d’été), A.
palmata (Anémone),
Clematis
cirrhosa (Clématite à
vrille, louwwaya,
mouqbila),
C.
flammula (Clématite
petite flamme, nar
l-barda,
azenzou),
Delphinium
halteratum (Pied
d’Alouette), Helleborus
foetidus (Pied-de-griffon),
Nigella
damascena (Nigelle de
Damas, Barbe de capucin, sanuj),
Ranunculus
aquatilis (Renoncule
aquatique), R.
bullatus (Renoncule
boursouflée), R. ficaria
ficariiformis (Ficaire fausse
Renoncule), R.
flammula, (Renoncule
flamette, Petite Douve) (dans les mares),
R.
macrophyllus (Bouton d'or à
grandes feuilles), R.
paludosus (Renoncule des
marais)
RESEDACEAE :
Astrocarpus
sesamoides (Astérocarpe)
RHAMNACEAE :
Rhamnus
alaternus (Nerprun,
Alaterne, ambîles,
amlilis),
R.
lycioides, R. myrtifolia (Nerprun à
feuilles de Myrte), R.
pumilis (Nerprun nain)
ROSACEAE :
Agrimonia
eupatoria (Aigremoine
eupatoire), Cotoneaster
nummularia (Cotoneaster),
Geum
urbanum (Benoîte des
villes), G.
sylvaticum (Benoîte des
bois), Potentilla
micrantha (Potentille à
petites fleurs), P.
erecta (Tormentille,
Potentille dressée), Prunus
avium (Merisier),
P.
lusitanica (=
Laurocerasus
lusitanicus) (Laurier du
Portugal), P.
mahaleb (Cerisier de
Sainte Lucie, Faux Merisier), Rosa
canina (Eglantier, Rose
sauvage, Rose des chiens, werd),
Rosa
micrantha (Églantier à
petites fleurs, werd),
R.
sempervirens (Rosier des
champs), Rubus
ulmifolius (Ronce rustique,
Ronce à feuilles d’Orme, üllig,
sermu,
aseddir,
tabgha),
Sanguisorba
minor (Pimprenelle),
Sorbus
torminalis (Alisier
torminal, mechtehi,
zaârour)
RUBIACEAE :
Asperula
hirsuta (Aspérule
hérissée), Putoria
calabrica,
Rubia
peregrina (Garance
voyageuse, fuwa,
tarubia,
tigmit,
lhamri)
SALICACEAE :
Populus alba
hickeliana (Peuplier
blanc, sefsaf
abyad,
asefasf
amellal),
P.
nigra (Peuplier
noir, sefsaf,
blinz),
Salix
alba (Saule blanc,
Saule doré), S.
cinerea (Saule
cendré, oum
soualf),
S.
elaeagnos (Saule
drapé), S.
pedicellata (Saule),
S.
purpurea (Saule pourpre
Osier rouge), S.
triandra (Saule-Amandier
Osier brun)
SCROPHULARIACEAE :
Anarrhinum
fruticosum (ayn-r-rneb),
Bellardia
trixago (Bellardie),
Digitalis
purpurea (Digitale
pourpre), Gratiola
linifolia,
Kickxia
lanigera (geid
nâam, dseyma),
Parentucellia
viscosa (Eufragie
visqueuse), Scrophularia
sambucifolia,
Veronica
anagallis-aquatica (Mouron d’eau)
SOLANACEAE :
Datura
stramonium (Pomme
épineuse, chdek
j-mel,
taburzgit,
krank),
Mandragora
autumnalis (Mandragore,
bid
l-ghul,
taryala,
yabruh),
Solanum
linnaeanum (Pomme de
Sodome, hdaj),
S.
nigrum (Morelle
noire, eneb
addib,
adil
n-wuchen),
Triguera
osbeckii,
Whitania
frutescens (lbayda,
irremt)
THYMELAEACEAE :
Daphne
gnidium (Garou,
elzaz,
lezzaz,
inif,
metnane),
D. laureola
latifolia, (Laurier des
bois, lili
w-adrar,
walidrar),
Thymelaea
villosa, T. virgata, T. tartonraira
(Tartonraire)
URTICACEAE :
Urtica
urens (Ortie brûlante,
Petite Ortie, l-hurrayga,
imezri,
tismekt)
VALERIANACEAE :
Centranthus
calcitrapa (Centranthe),
Valeriana
tuberosa (Valériane)
VERBENACEAE :
Vitex
agnus-castus (Faux Poivrier,
Gattilier, Agnus-castus, angarf,
angrif,
herwaâ)
VIOLACEAE :
Viola
arborescens (Violette
arborescente)
Dans le ciel et sur les branches
« Chaque
oiseau vole avec les oiseaux de son
espèce. »
Mahomet
Préalablement abordée au chapitre de la cédraie, l’avifaune
du Rif est exceptionnellement riche. Dans les vallées et
vallons où nous mènent les chemins, il y a toujours
quelques Rapaces en vol : Milan noir, Circaète,
Épervier d'Europe, Buse féroce, Aigle botté, Busard des
roseaux, Faucon pèlerin, Faucon crécerelle et, plus rares,
Aigle de Bonelli, Faucon lanier et Autour des palombes.
Parmi les Oiseaux des écosystèmes établis à basse ou
moyenne altitudes, dans les chênaies, les matorrals ou les
campagnes, on peut citer les espèces suivantes :
Cigogne blanche, Héron gardeboeuf, Perdrix gambra, Caille
des blés, Oedicnème criard, Pigeon ramier, Tourterelle des
bois, Hibou petit-duc, Rollier d'Europe, Guêpier d'Europe,
Alouette lulu, Cochevis de Thékla, Cochevis huppé, Pipit
rousseline, Tchagra à tête noire, Cisticole des joncs,
Fauvette mélanocéphale, Traquet oreillard, Rossignol
philomèle, Agrobate roux, Grand Corbeau, Bruant proyer.
Chasses fines dans la campagne rifaine
« Pour
connaître la rose,
quelqu’un emploie la géométrie et un autre le
papillon. »
Paul Claudel
Voici la narration de deux enquêtes personnelles en vue de
retrouver deux belles Zygènes, « parties sans laisser
d’adresse ».
Revoir tatla,
le Papillon d’une petite bergère...
En tout lépidoptériste, il y a un zygénologue qui
sommeille. Personne n’est parfait ! C’est la faute aux
belles Zygènes, Papillons « de nuit » qui volent
de jour : a t’on idée ! Il n’est donc de
« chasse aux Papillons » qui ne soit agréablement
troublé par le vol d’une Zygène, a fortiori au Maroc,
aboutissement des lignées phylétiques du genre et par
conséquent « foyer » biologique d’une vingtaine
d’espèces.
Nous étions en... mai 1941, au vieux temps rifain du
Protectorat espagnol. L’entomologiste-voyageur (tous les
entomologistes le sont...) Werner Marten récolte alors dans
la péninsule Tingitane, non loin de Tétouan, une forme
nouvelle et mélanisante de Zygaena
orana, espèce connue
du Maroc, d’Algérie, de Tunisie et de Sardaigne.
Jusqu’alors, on n’en connaissait pas de forme noire. Elle
fut nommée « tatla »,
du prénom de la petite bergère berbère qui procura à
l’entomologiste « les premiers
spécimens qu’elle tenait par les
antennes ». Depuis
ce temps, de nombreux spécialistes se mirent sur les traces
de Zygaena
orana tatla, mais sans
succès. On ne la revit jamais plus et tatla
rejoignit le
rang des Papillons mythiques dont on ne connaît que les
types.
Après dix années de traque vaine aux alentours de Tétouan,
notamment au Cabo negro - la localité supposée des captures
de Marten - passant au peigne fin nombre de peuplements de
Lotier, la plante-hôte habituelle de l’espèce, puis aussi
de prospections plus étendues sur tout le front nord
jusqu’à... Saïdia, je ne nourrissais plus grand espoir de
revoir tatla.
Le mélanisme d’une espèce partout plus claire au sud,
sous-entendait son étroite localisation dans un habitat
humide et côtier du Maroc septentrional. L’influence
mélanigène induite par l’élévation hygrométrique est une
bonne règle entomologique, mille fois vérifiée. Ce
principe fut en l’occurrence conforté par ma découverte
simultanée dans l’Anti-Atlas marocain d’une petite race
xérophile claire d’altitude décrite d’Algérie
subsaharienne : Z.
orana
oberthueri, race d’habitus
opposé puisque évoluant aux extrêmes géonémiques marocaines
de l’aire. Fidèle à cette théorie du mélanisme littoral, je
pressentais fortement tatla
dans
un petit djebel à peine en retrait de la frange côtière et
dominant Tétouan : le Djebel Ben-Karriche. C’est en
dépit de sa modeste altitude un massif très arrosé et la
plupart du temps enveloppé d’une écharpe de nébulosité. Un
vrai « Pays basque » marocain. Le vif intérêt de
cette montagne m’avait été souligné par la rencontre, dans
la série karstique des rochers ruiniformes du sommet, d’un
petit Géranium rupicole sensible : Erodium
cheilanthifolium. Dans les
Atlas, il ne descend guère en dessous de 2000 m. Sous
l’influence du bioclimat humide, nous l’avons là, à
quelques 1200 m. Mais point de Lotier pour les chenilles
de tatla !
Le 3 avril 2001 fut un jour faste. Si elle vit toujours, la
petite bergère pourrait avoir 70 ans, 70 ans sans qu’aucun
chercheur n’ait pu remettre la main sur
l’orana
noire du Rif.
C’est alors qu’en visitant un splendide pan
d’Astragalus
lusitanicus, se développant
au sein d’un matorral conquis par la cistaie et en orée
d’une pinède, que mon attention fut attirée par un vol vif
et rectiligne : ce ne pouvait qu’être un spécimen
de tatla !
De très nombreux exemplaires furent ensuite observés
butinant les fleurs de ciste ondulé, ainsi que des femelles
surprises en oviposition sur l’Astragale qui est ici sa
plante-hôte, l’espèce restant fidèle à la famille des
Fabacées.
Mission accomplie ! Après tant d’errances, la trace de
la Zygène disparue était retrouvée et sa présence
réhabilitée.
Dernière carte au Pays des Beni-Routen
La scission continentale n’ayant qu’un effet ségrégatif
très relatif et seulement « filtrant » sur la
flore et la faune, les endémovicariants et autres espèces
géminées sont légion de part et d’autre du Détroit de
Gibraltar. Zygaena
fausta est une espèce
atlanto-méditerranéenne fréquente en Espagne, notamment en
Andalousie. L’existence d’une forme géminée
« africaine », nommée Z. (fausta)
elodia, est due au
mérite du célèbre entomologiste Harold Powell qui en fit la
découverte dans le Val d’Ifrane (Moyen Atlas) en 1934. Mais
petit à petit, la Coronille-hôte (Coronilla
valentina) fut éradiquée
de la ripisylve ifranaise sous les effets néfastes de la
dent des Caprins et la belle fausta
fut
gommée de l’Atlas. Fin du premier acte.
Il n’en restait plus alors qu’une sous-espèce rifaine,
quelque part dans le pré-Rif, au Pays des Beni-Routen,
fruit des valeureuses prospections de nos aînés (années
40). Mais voilà que depuis les années 70, elle prit aussi
la tangente du Rif, toujours sous la trop forte pression
caprine et le Landernau ésotérique des zygénologues s’en
inquiéta fortement. Fin du second acte.
Je me mis donc en route pour la retrouver au sein de
l’univers collinéen de la vaste et belle région qui s’étend
de Ouazzane à Chefchaouen, avec Mokrissèt comme Q.G. Le
toponyme de Mokrisset venant de tamoukrist, qui signifie
nœud ou problème, le choix était déjà très
encourageant ! Bien des pistes fournies par des
collègues pionniers et connaisseurs du terrain me menèrent
chaque fois sur des localités vidées de leur contenu :
Coronille et Zygène. Les Chèvres m’avaient précédé de
quelques longueurs. Une vraie compétition !
Dans les années 90, dès mes premiers voyages au Royaume du
Maroc, quand la traversée n’entraînait pas de retard et que
les formalités se faisaient légères, j’avais pris
l’habitude, avant la longue et exaltante descente vers le
sud, d’un déjeuner à Chefchaouen, « histoire de me
remettre dans le bain ». Après quoi, digestion oblige, je
prospectais une heure ou deux sur la charmante petite route
qui, depuis El-Had-d’Agadir-el-Krouch, s’élève entre
jardins, vergers et matorral dense vers le village de
Mokrissèt. En plein Pays Beni-Routen. Ce fut là ma toute
première station marocaine d’observation, sorte de
localité-fétiche où je revenais chaque fois.
« Aux
innocents les mains pleines » car en
méconnaissance de cause, j’avais vu juste. Nous allons voir
pourquoi.
Par on ne sait quel hasard, les quelques troupeaux sont ici
modestes et leur effet est positif, ne contribuant qu’à
éclaircir une végétation assez luxuriante. Entre vallons
frais, sous-oliveraies au tapis florifère et maquis bien
stratifiés dominés par l’arbouseraie, je fis ici et au fil
des saisons l’inventaire de l’un des plus éloquents
cortèges lépidoptériques rifains. Même l’excellent site
voisin de Brikcha, connu par les naturalistes pour sa
biocénose d’exception, ne résistait pas à la concurrence.
Dès mai-juin, les fleurs de Scabieuses y sont nombreuses et
exercent un attrait nectarifère pour les Papillons. Et
c’est une Scabieuse qui me livra en 1997 ma
première... Zygaena
fausta portée disparue.
Posée, elle butinait splendide au sein d’un petit théâtre
où papillonnaient des Voiliers blancs (Iphiclides
feisthamelii) aux grandes
femelles très caudées, de vigoureux Machaons
(Papilio
machaon) et des
Cardinaux (Argynnis
pandora) impulsifs.
Une..., trois..., des dizaines, des centaines de
fausta.
Mais d’où venaient-elles pour être passées si longtemps
inaperçues à mes yeux et m’avoir imposé tant
d’infructueuses journées de pistes dans toutes les vallées
alentours ? Je découvris que la rare Coronille glauque
peuplait l’essentiel des sommets des collines environnantes
et la Zygène faisait le va-et-vient entre les Scabieuses et
la plante nourricière de sa chenille. Depuis, je tente de
revisiter les lieux à la même date et le rendez-vous ne
fonctionne que rarement. Quand la fragile Zygène m’attend,
c’est alors par nuées, en essaims, à tel point que – fait
exceptionnel - l’on constate des accouplements illégitimes
avec une autre Zygène phylétiquement éloignée et tributaire
d’un Panicaut : Zygaena
favonia, comme une
photo ci-contre en témoigne. Il en résulte que cette espèce
vole massivement mais en une génération très brève et à une
date variable. Cette phénologie fantaisiste conjuguée à la
vie fugace de l’imago, s’ajoutant à la raréfaction de sa
source trophique, font de Zygaena
fausta elodia une Zygène
« fantôme » de rencontre hasardeuse. Ironie du
sort : elle m’attendait là où je passais mon temps à
ne pas m’en préoccuper.
Un entomologiste ne voit que ce qu’il cherche...
Quelques Papillons indicateurs de la verte campagne rifaine
A l’extérieur des formations rifaines emblématiques
à Cedrus
atlantica et à
Abies
maroccana, marquées par
des Papillons sténoèces d’importance cardinale et
intimement solidaires de ces écosystèmes climaciques, et de
l’étage sommital écorché induisant quelques espèces
rupicoles, les Papillons indicateurs des autres paysages
naturels rifains sont : Iphiclides
feisthamelii (le Voilier
blanc) qui témoigne de l’irréprochable qualité
« bio » des arbres fruitiers dont il est
majoritairement tributaire ; Zerynthia
rumina africana (la Proserpine)
qui indique une campagne en équilibre, riche de ses bermes
de chemins et de ses plantes de fourvoiement ;
Anthocharis
belia (l’Aurore de
Barbarie) qui implique le respect de ses crucifères-hôtes,
répondant toutes au critère ségrégatif des mauvaises
herbes, Tomares
ballus (le Faux-cuivré
smaragdin), solidaire de petites Légumineuses
fragiles ; Callophrys
avis (la Thécla de
l’Arbousier) et Charaxes
jasius (le Pacha) qui
sont liés à un maquis bien diversifié ;
Euphydryas
aurinia (le Damier de la
Succise) qui décline ou s’éteint au moindre défrichement
futile des formations préforestières (en Afrique du Nord la
chenille se nourrit notamment de Chèvrefeuille et non de
Succisse) ; Coenonympha
fettigii (le Fadet de
l’Atlas) et C.
arcanioides (le Fadet
maghrébin) qui exigent un tapis herbacé riche en bromes et
prennent la tangente au moindre parcours pastoral
exagéré ; auquel panorama lépidoptérique on peut
joindre Berberia
lambessanus (Le Grand Nègre
des Atlas), mieux implanté dans l’univers atlasique mais
qui compte quelques rares isolats rifains, là où
surviennent de modestes taches alfatières (Kelaa, Azilan,
Tassaot) non broutées par les Caprins.
Polémique
autour d’une herbe
De
qui se moque t’on ?
A
l’aise
Afin d’ôter à ce chapitre toute ambiguïté pouvant être
attribuée à une quelconque cause partisane, n’étant ni
consommateur de quoi que ce soit, ni spécialiste de la
santé publique,
l’auteur ne prend part à la polémique que pour ce qui
concerne l’opportunité de telle ou telle culture par
rapport aux causes majeures de la détérioration du capital
biologique. Il n’en demeure
pas moins qu’en examinant la situation avec recul et compte
tenu du parti pris de la plupart des acteurs, il faudrait
être fourbe pour ne pas être narquois. La transparence de
l’esprit naturaliste prêche en faveur de la seconde option.
« Et
Dieu dit : « Que Darwin soit ! »
Stephen Jay
Gould
Avec cette
chance cognitive de l’aptitude à s’émouvoir du vol de
la Proserpine, du miracle de la métamorphose, des prouesses
de la myrmécophilie ou de la simple beauté d’une
inflorescence d’Astragale, et de toute la survie
darwinienne d’un microcosme en combat et de son
« intelligence », l’auteur de ces lignes a donc
traversé (péniblement !) plus d’un demi-siècle en
restant à jeun de tout artifice spirituel ou chimique. Tous
les naturalistes, contemplateurs rationnels, sont en règle
générale logés à la même enseigne. Se conformer aux
« inaccessibles » lois naturelles est aussi la
meilleure façon d’esquiver l’oppression institutionnelle.
Il peut donc parler à l’aise et sans parti pris des dogmes,
des croyances, des tabous, des vieux démons, des mythes, de
l’alcool, de la nicotine, du kif et des « éléphants
roses » ! Les émotions sont des phénomènes
évolutionnaires jouant un rôle essentiel pour la survie.
Une fois accomplies nos émotions primaires et viscérales
(manger, se protéger, reproduire...), il n’y a pas plus
salutaire que d’aller puiser les autres (joie,
tristesse...) dans l’environnement naturel. On y rencontre
non seulement des intelligences, mais aussi l’art à l’état
pur et sans arrière-pensée.
L’observation d’un Charançon à la loupe binoculaire permet
de reconsidérer à sa juste mesure l’art des Hommes.
Et
point n’est besoin du moindre psychotrope pour voir
« voler » des Manet, des Monet, des
Renoir...
Cet incroyable produit de quinze milliards d'années
d'évolution porte vraiment à l'émerveillement.
Tout milite actuellement pour détourner les jeunes
générations de cet attrait pour les sciences naturelles,
probablement parce qu’il s’agit d’une activité à
rentabilité zéro dans le système marchand. Il faut ici
exclure la quantité surnuméraire d’ONG faisant la quête
pour la restauration biopatrimoniale. Pour bien mentaliser
le sujet, on n’a de cesse de nous présenter la nature
persécutée, l’extinction des espèces, la fin des paysages.
C’est une des rares vérités médiatisées qui soit
récurrente. Avec les guerres. Il faut bien maintenir la
pression. La nature est ainsi réduite à l’image d’une
mendiante et ses beaux restes font l’essentiel du culturel
télévisé, et encore, sous l’unique aspect des espèces
emblématiques (très grosses ou très colorées !)
Protéger la nature n’est pas une idée neuve, sauf qu’elle
est maintenant cotée en bourse. Le mercantile a
la recette de ce qu’il faut mettre en vitrine. Et toutes
ces déclarations incantatoires des grands bateleurs depuis
le blockhaus de leur théâtre écologique ne modifient en
rien les sombres échéances puisqu’en raison du rapport de
forces, la volonté pratique ne suit et ne suivra pas. Ce ne
sont pas les quelques amendes honorables à saveur
environnementale des compagnies multinationales qui
suffiront à stopper les causes incontournables de
l’agression de notre biosphère que sont les émissions
polluantes des véhicules moteurs, des usines et des
systèmes de chauffage fonctionnant au combustible fossile,
la déforestation et la perte des habitats fauniques, le
surpâturage et la surpêche, les rejets toxiques et
radioactifs nocifs pour des millénaires dans
l'environnement, la perte annuelle de millions de tonnes de
sols fertiles par l'érosion à cause des méthodes de culture
intensive, et ainsi de suite.
D'ici moins de trente ans, plus de 20 % de toutes les
espèces seront éteintes à tout jamais et en anticipant
un peu, plus de la moitié pourraient même disparaître d'ici
une centaine d'années. Cette perte de la biodiversité va en
s'accélérant sans cesse et on parle d'une vitesse de
destruction des centaines ou même des milliers de fois plus
rapide qu'avant l'essor de la civilisation humaine. On peut
toujours fustiger au passage quelques boucs
émissaires. « Après
la géogenèse, c'est-à-dire la genèse de la Terre, et la
biogenèse ou genèse de la Vie, l'évolution est arrivée au
stade de la noogenèse, la genèse de l'esprit »
(Peter Russell,
reprenant Teilhard de Chardin). C’est le désespoir et
qu’est devenu l’observation ? Relire Jean-Henri Fabre
permet d’y voir clair, de s’inscrire en faux de cette
dysneylandisation du vivant et de ce culte du chaos et du
déclin. Et l’on comprend parfaitement les points faibles de
l’enfant « ciblé » par les communicants, celui
qui grandit « sans
abeille sur les pots de confiture »
dans
une cité carcérale en béton.
« Avant
longtemps, nous pourrons constater les méfaits engendrés
par l’absence de beauté. Fadeur et tristesse de
l’environnement occasionnant maladies, chagrin,
désespérance :
n’en déplaise à certains, c’est aussi de l’écologie. »
Jürgen Dahl
La dangerosité du Cannabis doit-elle être
« cultivée » ?
Sa consommation étant de plus en plus dépénalisée en
Europe, dernière cartouche démagogique voici maintenant que
le Cannabis est affiché comme un ennemi du développement
durable. C’est une culture certes moins prioritaire que le
Blé ou la POmme de terre, mais décrire pourquoi elle serait
plus agressive et dévastatrice que celles de la vigne ou du
tabac relèverait d’une démystification facile mais
nécessitant plusieurs chapitres. De tous temps depuis la
sédentarisation du chasseur-cueilleur, l’agriculture
humaine a façonné les paysages et rongé la biomasse
forestière. Depuis l’Antiquité, les paysages ont été
modelés par les activités agropastorales, ce n’est pas un
fait nouveau. L’actuel anéantissement de l’arganeraie au
profit de la tomate hors saison ou de l’agrumiculture ne
semble pas courroucer l’opinion publique. Est-ce parce
qu’on ne fume pas la tomate ? Et nous avons longtemps
fréquenté les « nobles » régions vinicoles
françaises sans percevoir la moindre rumeur critique à
propos de la biodiversité défunte des riches coteaux
calcaires investis par la monoculture très chimique de la
vigne ou lu telle ou telle critique dithyrambique sur
l’ancestrale formation boisée qui aurait – évidemment –
présidé au site avant son défrichement au profit de la
liqueur pour alcooliques anonymes... Il en va de même du
tabac et le comble est qu’on voudrait nous imposer des
champs de Maïs transgénique dont la modification du
caractère gustatif et olfactif de la fleur perturbe le
butinage des Abeilles ! Alors, de qui se moque
t’on ?
Encore cette arrogance pour imposer au Sud d’être le gentil
jardinier d’un monde que le Nord manipule et détruit ?
Quelques références
Cannabis
indica (=
C.
sativa) (Chanvre
indien, kif) est le produit psychotrope le plus consommé
par les jeunes actuellement. C’est une herbe cultivée dans
toutes les parties du monde pour des usages divers. Son
utilisation psycho active est connue depuis des
millénaires.
A l’usage de drogue, le Cannabis est consommé sous trois
formes :
- L'herbe, ou marijuana, qui se prépare à partir des
feuilles supérieures de la tige et des graines séchées et
hachées. Elle se fume, souvent mélangée avec du tabac,
roulée comme une cigarette, en pipe ou en narguilé ;
- Le haschisch (shit ou tosh) est de la résine de Chanvre
indien séchée et mélangée à différents produits tels que de
la paraffine, de la colle, du cirage, du henné ou des
excréments d'animaux. Il se présente sous la forme de
plaques compressées ou barrettes de couleur brune, verte ou
jaune. Il se fume réduit en poudre et mélangé à du tabac,
roulé dans du papier à cigarettes, en pipe ou en narguilé
mais il peut aussi s'inhaler ;
- L'huile est obtenue par distillation de feuilles ou de
résine de Cannabis. Elle se fume après avoir été déposée
sur le tabac d'une cigarette ou d'une pipe.
Cette plante, contient un principe actif, le
TetraHydroCannabinol (THC), qui a été découvert en 1964. Le
THC à l'état pur est un hallucinogène aussi actif et nocif
que le LSD. Le THC se trouve dans les tiges, les feuilles
et plus encore dans les fleurs des plants femelles. La
nocivité du Cannabis et de ses dérivés est donc liée à
leurs taux de THC. L'herbe contient de quelques pour-cent à
22 % de THC (8 à 10 % en moyenne) ; le
haschich contient un taux variable de quelques pour-cent à
plus de 30 % selon son origine et le mélange
réalisé ; l'huile, particulièrement toxique, contient
60 % de THC. A titre de référence, le Chanvre
industriel cultivé en France ne doit légalement pas
dépasser un taux de 0,3 %.
Brève rétrospective marocaine
6000
ans av. J.-C., les graines de
Cannabis étaient utilisées comme aliments en Chine ;
500 ans av. J.-C., le Chanvre est introduit en Europe du
Nord par les Scythes : une urne contenant des feuilles
et des graines de Cannabis a été mise à jour près de
Berlin, datée de cette époque ; en l’an 1000 de notre
ère, les chercheurs débattent déjà du pour et du contre de
la consommation de haschisch dont l’utilisation se répand à
travers l'Arabie ; au XIIe siècle, en fumer devient
très populaire au Moyen Orient ; au XVIe siècle, on
note l’existence de cultures déjà centenaires dans la
région de Ketama : elles remonteraient au VIIe siècle
et à l’arrivée des Arabes ; en 1890, le Sultan Hassan
I confirme l’autorisation de cultiver Cannabis
indica dans cinq
hameaux des tribus des Ketama et des Beni-Khaled ; le
dahir (décret-loi royal) de 1932 interdit cette culture
dans tout le Maroc sous Protectorat français, la France,
contrairement à l’Espagne, ayant alors signé l’accord
international sur les stupéfiants ; un nouveau dahir
confirmant l’interdiction de 1932 est promulgué en 1954 par
Mohammed V et censé s’appliquer à tout le Royaume dès
l’indépendance, la tolérance restant admise au seul
bénéfice des noyaux ethniques traditionnels ;
nonobstant des pics velléitaires de menaces et de
restrictions étatiques, l’extension pernicieuse des
surfaces n’a eu de cesse (70.000 ha en 1993, 134.000 en
2002) et le laxisme régnant ne manque pas de raisons
d’être, même s’il confine parfois à la pure
schizophrénie ;
la période répressive de 1958 à 1984 verra trois
soulèvements durement réprimés ; 1980 : le Maroc
devient l’un des plus grands, si ce n'est le plus grand
producteur et exportateur de haschisch ;
XXIe
siècle : avec une consommation à tort ou à raison de
plus en plus déculpabilisée et de mieux en mieux tolérée en
Europe, le Cannabis est en voie d’être acquitté et il ne
reste qu’à légiférer sur son mode de distribution pour
sortir du contestable trafic, lequel confère au Pays rifain
la regrettable image d’une zone « narcotisée » aux plans
politique, économique et social.
Quelques chiffres
134.000 ha est l’actuelle moyenne estimée mise en cultures
(1,5 % des terres arables du Maroc) pour 47.000 tonnes de
kif récolté, occupant 800.000 personnes et générant un
revenu annuel de 12 milliards de dollars, sans grand retour
financier (214 millions de dollars) pour les
« fermiers » (Source : UNODC, 2003, enquête
réalisée en partenariat avec les autorités marocaines et
grâce notamment aux clichés du satellite européen Spot).
Dans cette région, 70 % de la surface agricole utile est
occupée par le Cannabis, le reste étant voué aux cultures
vivrières (Céréales, Légumineuses, fourrages). La presse
indépendante marocaine fait quant à elle état de quelques
200.000 hectares.
Usage occidental et tradition intra-muros
Les raisons de l’actuel acquittement du Cannabis en Europe
tiennent largement compte de certaines de ses vertus
médicales avancées par le monde médical, mais surtout du
consensus universel de condamnation du tabac, voire des
excès de l’alcool, drogues dures et létales mais
officielles. Précisons que les mêmes excès
« planants » du Cannabis au volant seraient la
cause des mêmes hécatombes ! La photo médiatique tient
aussi de l’image caricaturale et le traitement n’obéit pas
toujours à l’enquête scientifique. Les risques liés à la
consommation du Cannabis ont fait l'objet d'une abondante
littérature qui se caractérise par la coexistence de points
de vue diamétralement opposés. En conséquence, il n'est pas
toujours facile de faire la différence entre les
hypothèses, les spéculations et les affirmations tendant à
exagérer ou à en minimiser d'une part les dangers et
d'autre part les risques objectifs, seuls scientifiquement
fondés. En l'état actuel des connaissances, sa toxicité
organique, est considérée comme bénigne. Au niveau
psychologique, il ne peut être considéré comme induisant,
en soi, l'escalade aux autres drogues, les vraies.
Il
est seulement un fait : le Cannabis, lui, ne tue
pas ! Au Pays rifain,
la pipe de kif fait partie de la tradition. Ici, la fumette
est beaucoup plus apparentée à une manifestation de
convivialité qu'à une quelconque consommation de
drogue.
Le délire des champs est toujours moindre que le délire des
villes. C'est pour cela
que le discours sur l'éradication de la culture du kif
n'est pas perçu de la même manière. "Le kif ne
tue pas, la faim, si !" (A. Hammoudani,
ancien député-maire de la région).
Substitution, reconversion, ressources alternatives
En ce domaine,
l’imagination est au pouvoir et parcourir les textes de
tout ce qui a pu être prédit, dit, voire même tenté prouve
que certains acteurs n’ont rien à envier à l’esprit
psychédélique. Ont été suggérés en substitution et
expérimentés sans suite : le Pommier, le Poirier, et
l’Amandier, déjà très habituels du verger marocain,
l’Avocatier (Persea
americana) (craint le
long stress hydrique estival), le chérimolier ou anonier
(Annona
cherimola) (peu
d’exigences agro-climatiques), le raisin de table, le
Jojoba (Simmondsia
chinensis), un arbrisseau
dont les graines sont utilisées pour des huiles de soins
aromatiques (...), l’apiculture, la Chèvre alpine, etc.
L’une de ces offres serait-elle plus respectueuse de
l’environnement ? Les conseilleurs connaissent-ils les
vergers intensifs, notamment en Andalousie, d’Avocatiers et
de Chérimoliers au sol pulvérulent et que la moindre plante
adventice a irréversiblement déserté ? Le recours
illusoire au Jojoba pour substituer un revenu de 12
milliards de dollars fait encore rire dans le bled. Quant à
la Chèvre alpine, le remède est évidemment pire que le mal.
De tous les projets avancés, c’est maintenant le Tabac qui
est opportunément pressenti comme idée-pilote presque
incontournable.
Si la santé doit partir en fumée, autant que ce soit avec
l’assentiment étatique : les Régies des
Tabacs d’Espagne et de France sont dans le coup... En fait,
seule l’option de l’agriculture biologique, la seule
parfaitement idoine pour s’encarter dans le contexte
régional et profiter pleinement de tous les atouts sur
place, n’a jamais été évoquée...
Dans le Rif, le Chanvre indien n'a pas besoin d'être pris
en charge, il s'accommode de toutes les terres et de tous
les microclimats, il y a peu il n’exigeait même pas de
fertilisants (mais les offres sont si alléchantes que les
temps ont changé...), ni de précautions particulières. On
ne peut pas trouver culture plus docile et plus facile à
entretenir. Ni l'orage, ni la grêle, encore moins le
chergui, n'ont jamais constitué pour le kif un véritable
danger. Il se cultive sur terres pluviales (bour) ou
irriguées. C'est une des raisons qui explique peut-être les
difficultés de la reconversion. "En
l'absence de tout développement économique et social, la
région du Rif, historiquement réfractaire au pouvoir
central, deviendrait une véritable poudrière si ce moyen de
survie lui était retiré... L'année 1995 restera dans les
annales comme celle où les villageois, femmes et enfants en
première ligne, ont investi les champs pour empêcher les
gendarmes de les brûler sur pied. A leurs yeux, c'était un
droit qu'ils défendaient."
(A. Ouazzani, chercheuse marocaine).
Oh ! le beau champs de Nicotiana !
Nicotiana
tabacum est à fleurs
rouges, N.
rustica à fleurs jaunes.
C’est ce dernier qui est notamment cultivé en Afrique du
Nord. C’est un tabac fort et de moindre qualité dont la
teneur élevée en nicotine permet de l’utiliser comme tabac
à priser. Le genre Nicotiana
appartient à la
famille des Solanacées et à l’instar de certaines
Papavéracées, Papillonacées, Renonculacées, etc., les
parties non comestibles de ces plantes contiennent des
alcaloïdes, composés toxiques auxquels se réfère la
nicotine.
Nicotine létale
Les
entomologistes tuent habituellement leurs captures soit aux
vapeurs d’acétate d’éthyle, soit à celles du cyanure de
potassium. Mais il est un groupe d’Insectes d’une
résilience excessive, ce sont les Zygènes. Si quelques
secondes suffisent aux autres pour rendre l’âme avec les
produits susnommés, ils ne sont d’aucun effet sur les
coriaces Zygènes. Pour elles, l’entomologiste pratique une
injection à la nicotine et l’effet létal est immédiat.
L’exemple est peut être édifiant.
Brun ou blond, light ou super light, en cigare ou en pipe,
le tabac nuit tellement à la santé qu'il est cause chaque
année dans le monde, d'environ 3,5 millions de décès (dont
60.000 en France) et au moins 1,5 millions de nouveaux cas
de cancers. Le tabac est ainsi la cause la plus importante
de maladies et de décès évitables. Le Maroc est le
cinquième marché africain pour les cigarettes avec une
consommation de 14,4 milliards d'unités en 2002. La Régie
des Tabacs y détient le monopole de la distribution des
produits du tabac et sa production représente 85 % du
marché national en volume. Marquise
(cigarettes
blondes), Casa
Sports (cigarettes
brunes sans filtre) et Olympic
(cigarettes
brunes avec filtre) sont les produits phares. Très
rentable, l'entreprise a enregistré un chiffre d'affaires
net de 260 millions d'euros au 31 décembre 2002. Selon une
étude réalisée par cette même Régie des Tabacs, plus de 57
millions de paquets de cigarettes de contrebande (un
milliard de cigarettes !) auraient été par ailleurs
commercialisés au Maroc en 2001. «Vous l’avez
dans l’os !» : c’est un
des spots publicitaires du Ministère de la Santé publique
français contre le tabagisme. Question de proximité, les
méfaits du tabagisme sont universels et, au Maroc,
contrairement aux idées reçues, le Ramadan dope la
consommation de cigarettes.
Voilà donc un judicieux candidat à la substitution du
Cannabis !
Oh !
le beau champs de Vitis
vinifera !
On pourrait ici faire la même envolée dérisoire sur la
Vigne (dalya,
d-litit,
laâneb,
adil)
et en revenir alors à ses aspects on ne peut plus négatifs
pour ce cher développement durable que l’on veut bien
sortir du placard lorsqu’il fait l’affaire. Une visite du
Médoc ou de l’Aude provoque ipso facto chez l’écologue une
nostalgie de la nature rifaine ! L’éradication du
Chêne-liège des alentours de Ketama ou les défrichements
anarchiques des franges inférieures de la cédraie et de la
sapinière ne sont pas à porter à la culpabilité spéciale du
Chanvre indien mais de tout grignotage au profit de
l’agriculture. Ils n’auraient pas échappé davantage à la
Vigne ou au Tabac. Avec même des risques d’incidences
aggravées par le fait qu’il ne s’agit plus d’une culture
pseudo clandestine mais officialisée par des subventions.
Un exemple parmi tant d’autres de mise en culture ne
blessant pas l’ordre moral ? Nous venons d’assister
(2000-2001), dans la région de Sidi-Rahal (Marrakech), au
méga remembrement à l’aide d’engins lourds d’une
remarquable mosaïque de bonnes terres reconverties en
immensité céréalière intensive. Les opérations ravageuses
et l’arasement des haies et des talus ont fait table rase
du moindre ourlet végétal, des alignements bocagers, du
dernier « écoinçon » d’herbes folles et faute de
refuges et de zones de transition, il n’y a plus un seul
Oiseau pour (dé)chanter, ni une fleur ségétale à butiner.
Personne n’ignore que
tout remembrement du genre est une guerre d’extermination à
l’égard du vivant. Ce type de
dérapage habituel de l’agriculture industrielle qui
nécessite la refonte des domaines laisse donc songeur sur
le respect écologique des cultures
« transparentes ». Et chacune des exactions du
genre nous interpelle sur le fait que les piètres exemples
d’innombrables erreurs similaires vécues en Europe, puis
universellement condamnés a posteriori pour leurs effets
drastiques, n’aient pu servir de leçon à nos amis
marocains.
« Le cheptel
caprin, facteur de promotion de la femme
rurale »
(Chefchaouen,
Maroc, mai 2000)
Ce slogan (qui n’est qu’un slogan), péremptoirement exhibé
sur nombre de calicots dans les rues de la charmante ville
en référence, nous mit – une fois de plus – la puce (ou la
Chèvre) à l’oreille sur
la pratique ordinaire du
paradoxe, désormais
complètement familier, jusqu’au quotidien. Devenu
politiquement correct et accepté par l’inconscient
collectif, on en comprend bien les multiples avantages.
Dévorant tout et sans discernement sur son passage, la
Chèvre (qu’elle soit alpine ou bédouine !) est le pire
ennemi de la nature et donc du développement durable tant
suggéré. L’essentiel des meilleurs paysages semi-arides
d’Afrique du Nord est depuis des lustres mis à sac par des
hordes de Chèvres qui en éradiquent la moindre plante au
sol. L’augmentation exponentielle du cheptel Ovin et Caprin
de ces dernières décades a déjà contribué à l’établissement
de
nouveaux déserts dans bien des
djebels. Dans la vallée du Souss, il ne reste quasiment
plus aux Chèvres qu’à « butiner la canopée »
des Arganiers. Il nous semble donc un peu étrange que
simultanément, sous prétexte d’un Nord un peu humide et
moyennement préservé, une campagne de promotion du cheptel
caprin soit de mise. L’Espagne partenaire est
financièrement à l’origine de ces efforts malvenus de
subtile promotion caprine.
Si c’est « encore » une idée de substitution au
Cannabis, elle est cynique pour ce qui concerne la
durabilité des écosystèmes.
Dédiaboliser le Cannabis ?
Pour sortir de la psychose entretenue autour de cette
herbe, il conviendrait au moins d’en décrisper le thème,
avant qu’il ne soit suranné. Nous en sommes aptes « en
substance » et pour ce qui n’en concerne que les
atteintes aux biocénoses locales en affirmant que
cette culture s’inscrit dans une moyenne destructive moins
agressante que les alternatives jusque là
proposées. Si l’idée de
substituer tout ou partie des cultures de
Cannabis
indica persistait,
l’option de l’agriculture biologique et du panel de
produits qu’elle implique, devrait être la plus
judicieuse compte tenu de
la nature du terrain rifain, du savoir-faire local et de
l’incontestable qualité « terroir ». Et ce tant que
les sols ne sont pas contaminés.
Si en matière de tourisme vert on cherche à marier les
termes naturel et culturel, on peut aussi tenter cette
belle association au profit de la ruralité autochtone.
Une autre alternative un peu cynique pour les jeunes
rifains est de traverser la Méditerranée
pour aller « tousser » dans les déserts agraires
et pestiférés du Sud du Royaume d’Espagne et rejoindre
« l’apartheid sous plastique »
auquel
y est soumise la communauté immigrée. Car parlons-en ici de
la gestion durable et du respect pour les
phytocénoses ! Où sont-ils les donneurs de leçons
écologiques ? Avec des provinces entièrement sous
plastique au profit d’une agriculture intensive, le futur
du pays est désormais incertain. Dans celle d’Almeria et
avec 30.000 ha, c’est 80 % qui sont désormais plastifiés.
Mais la fin justifie les moyens car les
agriculteurs-banquiers (nouveaux gentlemen-farmers d’un
bien triste western) s’enrichissent grandement. De Grenade
à Alicante, l’entièrité de la frange littorale est le
paysage chaotique d’une mer de plastique ayant eu raison de
la moindre biocénose, les nappes de plus en plus salées
sont condamnées, les serres s’accrochent maintenant aux
basses montagnes.
Il est bien peu probable que le Cannabis soit un jour
prochain biffé du terroir rifain où il est implanté depuis
le VIIe siècle. Quant à la sempiternelle polémique qui
sévit sur le sujet, elle remonte à l’an 1000 de notre ère.
Avec de telles références séculaires, on peut avec le
moindre bon sens arguer de la célèbre formule d’un non
moins célèbre musicien « Cela doit-il
être ? Cela est ! »