L’Oriental
« Quand
l’homme ne tue pas l’homme, il tue ce qu’il peut,
c’est-à-dire ce qui l’entoure. Il sort de son cadre, veut
prendre la place des forêts et des animaux, souille les
rivières, pollue l’air, se multiplie sans raison, se bâtit
un enfer et s’étonne ensuite naïvement de n’y pouvoir
vivre. »
René Fallet
Au
pays du Levant
« Trop
à l'Est, il y a l'Ouest. »
Proverbe anglais
Au Maroc, la meseta est un domaine structural qui se
manifeste de part et d’autre de l’ossature plissée et
faillée des Moyen et Haut Atlas, tant à l’ouest pour ce qui
concerne les plates-formes atlantiques, qu’à l’est pour ce
qui est des Hauts Plateaux communs avec l’Oranais et
généralement désignés au Maroc sous le vocable générique de
l’Oriental. Cette région de l'Oriental se situe dans la
partie est et nord-est du pays, délimitée à l’ouest par
l’Oued Moulouya, au nord par la Méditerranée et au sud par
les limites de la courbe isohyète saharienne 100 mm, voire
celle plus significative des 150 mm. La frontière
sud-orientale de cette écorégion peut donc se situer aux
alentours de la Plaine de Tamlelt (région de Bouârfa) ou du
Djebel Krouz limitrophe avec l’Algérie voisine, et celle
sud-occidentale aux limites avec le Haut Atlas. Ces hautes
terres partagées avec l’Algérie sont souvent désignées sous
le vocable restrictif des Plateaux du Dahra. La Meseta
orientale couvre une superficie totale d'environ 82.000
km2,
soit 11,6 % de la superficie globale du Royaume. Oujda,
Berkane, Nador, Jerada, Taourirt et Figuig (déjà sous
influence saharienne avec un univers oasien) en sont les
principales villes.
Cet panorama mésétien est parfois rehaussé ou bordé d’un
système collinéen, notamment dans sa partie
septentrionale : ce sont alors les Monts de
l’Oriental, lesquels, du point de vue orographique, peuvent
être déjà attribués à l’Atlas Tellien (ou Tell algérien),
aussi nommé Sahel oranais. Cette chaîne prend la suite de
la Cordillère rifaine depuis la Moulouya jusqu’au Cap Bon
(Tunisie) pour former en façade méditerranéenne le
continuum de l’ossature frontale du Maghreb. Ayant délaissé
à l’ouest le Moyen Atlas, ou franchissant plus au nord
l’étroit couloir de Taza qui sépare le versant atlantique
de celui méditerranéen, le voyageur pénètre dans l’Oriental
une fois passé le fleuve Moulouya qui en est la frontière
naturelle. Et c’est aussi la porte d’entrée dans un nouveau
monde très particulier pour qui visite les écosystèmes
puisqu’il
est immédiatement identifié par la steppe à
Alfa : cette
grande Graminée qui a perte de vue imprime au paysage une
morne physionomie et dont elle représente la figure
climacique.
C’est aussi un vaste univers de terres de parcours
extensifs.
La structure lithologique de ce « no man’s land »
se réparti sommairement entre Jurassique et Crétacé
(calcaires, dolomies avec gabbros, dolérites et basaltes),
et des sédiments néogènes et quaternaires. Les sols des
hautes plaines sont bruns, de croûte calcaire,
caractéristiques du bioclimat semi-aride. Sur les modestes
reliefs, avec de meilleures précipitations, les sols
deviennent de type brun fersialitique.
Région de faible humidité, les précipitations ne sont que
de quelques 300 mm sur la meseta et parviennent très
localement à l’isohyète 600 mm sur les monts, notamment
ceux privilégiés de Beni-Snassen, îlot de bioclimat
subhumide au milieu de cet horizon semi-aride avec
variantes à hivers frais et froid, voire aride ou per-aride
plus au sud en se rapprochant du saharien. Exception faite
de la frange méditerranéenne, le climat est franchement
continental, avec des vents d’est et du sud à effet
desséchant et causant une évapotranspiration dommageable.
L’enneigement est partout nul ou très rare. L’essentiel de
l’Oriental et de ses hautes plaines maroco-oranaises
appartient au mésoméditerranéen, sauf les reliefs et le
littoral qui s’encartent dans le thermoméditerranéen. Cette
écorégion à gradient bioclimatique relativement sec est
celle où prédominent les formations steppiques et quelques
forêts sclérophylles.
Au Maroc et hors milieux de cultures, les principaux types
de végétations sont la forêt, le matorral, l’erme et la
steppe. Dans le vaste Oriental, ces quatre types se
manifestent très inégalement et impriment au paysage une
particulière physionomie, résultant de l’accumulation
majoritaire de tel ou tel végétal, au sein d’une faible
diversité. Floristiquement, l’ensemble s’inclut dans la
région méditerranéenne avec un contingent d’entités de
souche irano-touranienne.
La division physionomique proposée se résume ici aux Hauts
Plateaux de la steppe à Alfa et aux Monts de Beni-Snassen,
avec un bref regard sur la plaine de la Moulouya et ses
écosystèmes dunaires maritimes à halophytes d’estuaire.
Les Hauts Plateaux : un océan d’Alfa
L’Alfa
Le
genre Stipa
rassemble des
Graminées vivaces, hautes et puissantes, propres à l’aride
mais non sahariennes. La plus connue car prééminente
est Stipa
tenacissima (Alfa) dont le
nom latin évoque le sens de la résistance et de la lutte.
L’Alfa possède des rhizomes courts et fortement ramifiés,
munis de racines adventives. Ses tiges robustes peuvent
atteindre 150 cm de hauteur et sont coiffées par des épis
de graines.
L’Alfa occupe sept millions d’hectares en Afrique du Nord
et la superficie nationale marocaine de cette herbe est
estimée à trois millions d’hectares (bilan douteux
car ce même chiffre est repris depuis le
protectorat !), dont l’essentiel couvre les sols bien
drainés et à texture grossière des hautes plaines
orientales. L’Alfa fit l’objet d’une forte exploitation
désormais en complète désuétude. Plus de 50.000 tonnes
étaient par exemple exportés, notamment vers la Grande
Bretagne, jusque dans les années 60. L’Alfa est parfois
aussi désigné sous le nom de Sparte, notamment dans bien
des dictionnaires, mais le vrai Sparte est
Lygeum
spartum (halfa
mahboula, Alfa fou),
d’écologie plus gypsophyte bien que souvent présent dans
les mêmes formations alfatières, se distinguant facilement
par ses inflorescences entourées d’une large spathe
enveloppant les épillets. Après rouissage, le Sparte et
l’Alfa sont utilisés en « sparterie », art de
fabriquer des cordes, nattes, tapis, paniers, corbeilles,
chaussures du type espadrille, etc. D’autres utilisations
de l’Alfa à partir des feuilles adultes sont celles pseudo
industrielles d'une pâte de papier d’imprimerie et de
tissus grossiers. Il sert également au rembourrage. Les
jeunes feuilles ont un intérêt pastoral.
La steppe alfatière et sa phytocénose
Les formations à Graminées sont souvent induites par des
facteurs anthropozoogènes et représentent alors un
processus de dégradation, notamment par la substitution du
matorral (stade initial de transformation) en une steppe
herbacée mieux adaptée à la xéricité stationnelle. Elles
peuvent aussi dériver de formations présteppiques. Mais en
montagne ou en haute plaine et sous climat aride ou
saharien, grâce à un ensemencement soutenu, voire par la
fragmentation des touffes,
la formation herbacée stabilisée devient une véritable
expression climatique : il en
est ainsi de la steppe alfatière. Un aspect de cette steppe
graminéenne est parfois chétivement arbustif ou arboré par
la présence de Jujubiers, de rares Genévriers oxycèdres ou
de Thuyas.
L’Alfa couvre presque uniformément l’essentiel des Hauts
Plateaux situés à l’ouest d’une ligne reliant Melilla à
Er-Rachidia où la grande Graminée trouve son optimum
bioclimatique. Elle prend aussi part à la végétation de
quelques secteurs des collines de cette même région,
notamment à l’est du Massif de Debdou, en piémont
occidental des Monts de Beni-Snassen et sur la plus grande
partie des reliefs ondulés qui s’étendent d’El-Aïoun à
Jerada et à la frontière algérienne. Plus au sud, la steppe
alfatière cède alors la place à des figures nettement
sahariennes et de bien moindre couvert, du type steppes
claires de regs plus ou moins ensablés, formations à
Aristida
obtusa (excellente
plante pastorale et bonne fixatrice du sol), steppes
ligneuses à Fredolia,
à Haloxylon
scoparium, mais
Stipa
tenacissima est encore bien
présent sur quelques secteurs très avancés entre Boudnib et
Figuig. Certains massifs subsahariens dominant la haute
plaine s’avèrent très favorisés, c’est par exemple le cas
du Djebel Krouz, immédiatement à l’ouest de Figuig, qui
abrite une riche diversité végétale avec quelques
endémiques comme Lyautea
ahmedi (Fabacée) et où
se développe une juniperaie rouge (Juniperus
phoenicea).
Sur des aires au sol plus riche et à recouvrement non
jointif, viennent s’infiltrer des chaméphytes, ligneux de
taille modeste, comme l’Armoise blanche
(Artemisia
herba-alba) vulnérabilisée
par une forte appétabilité pour le cheptel, et des Thyms
comme Thymus
ciliatus. Des
Légumineuses thérophytes variées émergent, fleurissent et
grainent en un temps record dans les espaces les moins
garnis, voire sur des terrains lacunaires, dès qu’une pluie
favorable annonce une providence pour ces plantes
opportunistes.
Un certain nombre d’autres végétaux peuvent se fourvoyer de
façon parcellaire ou constituer des sous-strates au sein de
la nappe alfatière qui néanmoins reste floristiquement
pauvre et peu diversifiée. En voici un bref aperçu
hétérogène, inspiré de localités variées des Hauts Plateaux
et agrémenté de quelques autres plantes vasculaires de
l’Oriental tabulaire.
AIZOACEAE :
Aizoon
hispanicum
APIACEAE :
Brachyapium
graveolens,
Deverra
sp.
ASTERACEAE :
Atractylis
humilis,
Carbina
involucrata,
Centaurea
lagascae,
Onopordon
acaule,
Santolina
rosmarinifolia
BRASSICACEAE :
Malcomia
africana
CARYOPHYLLACEAE
:
Paronychia
argentea
CHENOPODIACEAE :
Anabasis
aretioides,
Atriplex
dimorphostegia,
A.
glauca,
Halogeton
alopecuroides,
H.
sativus,
Noaea
mucronata,
Nucularia
perrini,
Polycnemun
fontanesii,
Salsola
tetrandra,
S.
gemmascens,
Suaeda
mollis
CISTACEAE :
Fumana
thymifolia,
Helianthemum
apertum,
H.
cinereum,
H
hirtum,
H.
lipii,
H.
syriacum,
H. virgatum
CONVOLVULACEAE :
Convolvulus
valentinus
DIPSACACEAE :
Scabiosa
stellata
EUPHORBIACEAE :
Euphorbia
calyptrata,
E.
serrata
FABACEAE :
Coronilla
juncea,
Cronanthus
biflorus,
Ebenus
pennata,
Genista
ramosissima,
Hippocrepis
scabra,
Lotus
corniculatus
GLOBULARIACEAE :
Globularia
alypum
LAMIACEAE :
Rosmarinus
officinalis,
Teucrium
polium,
Thymus
ciliatus
POACEAE :
Bromus
rubens,
Stipa
parviflora,
Lygeum
spartum, etc.
PLANTAGINACEAE :
Plantago
albicans
RANUNCULACEAE :
Delphinium
peregrinum
RUBIACEAE :
Asperula
cynanchica
THYMELAEACEAE :
Thymelaea
microphylla,
Th.
virescens
Sur les Hauts Plateaux, quelques autres types d’écosystèmes
subsidiaires et spacialement restreints peuvent venir
rompre la physionomie graminéenne plutôt monotone. Il
s’agit alors de la ripisylve à Lauriers-roses, à Saules ou
à Tamaris (il existe entre-autres une tamariçaie linéaire
de grande vigueur peu à l’ouest d’Aïn-Benimathar), de la
pistaciaie à Pistacia
atlantica, élément
irano-touranien dont les boisements ont été détruits pour
la fabrication de l’huile de cade et qui ne subsiste que
sous protections traditionnelle et maraboutique (un beau
défilé de sujets puissants se maintient de part et d’autre
de la route entre le Col de Jerada et Aïn-Benimathar), etc.
Enfin, quelques indices très dégradés de l’arganeraie
(Argania
spinosa) persistent au
pied des Monts de Debdou, en piémont nord-ouest des
Beni-Snassen et au sud d’El-Aïoun où la station est
quasiment éteinte. Ces isolats témoignent d’un lointain
passé chorographique outre-Souss de l’Arganier.
Parmi les cryptogames les plus remarquables du Maroc que
sont les Ascomycètes hypogés ou Truffes
(terfass),
plusieurs espèces sont propres aux nappes aflatières, il
s’agit de Tirmania
pinoyi et de
T.
nivea, associées
à Helianthemum
hirtum, ainsi
que Terfezia
boudieri,
T.
claveryi et
Picoa
juniperi associées
à Helianthemum
lipii et
H.
apertum.
Zoocénose
La
grande faune sur le déclin
L’Hyène rayée semble avoir pris la tangente du Maroc
oriental puisqu’on est sans nouvelle du Carnivore dans
cette immensité depuis une vingtaine d’années. Il en
restait au Maroc un millier d’individus (évaluation des
années 90), concentrés bien loin d’ici sur le littoral
saharien atlantique, où les garnisons militaires
stationnées dans ces régions n’ont probablement pas dû
représenter les conditions d’une symbiose adéquate !
Bilan peut-être moins pessimiste pour le Lynx caracal dont
les derniers signalements de la région d’Oujda
correspondent à des localisations de 1987 à 1995, hélas
sans actualisation depuis. Pour ce qui est des Gazelles, la
région de Missour (notamment Outat-El-Haj) reste l’un des
secteurs marocains d’observations de la Gazelle de Cuvier,
et plus épisodiquement de la Gazelle dorcas. Là aussi, la
pression pastorale hypothèque gravement la bonne
optimisation de maintien et l’entièreté d’une zone minimale
de 10.000 ha devrait être soustraite au pacage si l’on veut
en maintenir le pool génétique. La Gazelle de Cuvier n'est
pas une espèce du désert proprement dit et fréquente des
zones montagneuses (jusqu’à 2100 m d’altitude) et boisées
où elle vit en petits troupeaux de cinq à six individus.
Dans l’Oriental, elle se nourrit notamment d'Alfa. Si
la Gazelle dorcas ne semble se maintenir difficilement que
dans la région d’Outat-El-Haj et sur le Djebel Grouz, la
Gazelle de Cuvier possède des groupes çà et là sur tous les
Haut Plateaux, mais l’effectif général tend à
s’amenuiser. Le Mouflon à manchettes a disparu du Maroc
nord-oriental (un programme de réintroduction existe dans
les Monts de Beni-Snassen) et n’en finit plus de régresser
dans tout l’Oriental, où l’on ne recense déjà plus qu’une
vingtaine de sujets en réserves. Le Renard roux et le
Chacal se maintiennent globalement tout en payant un lourd
tribut aux fatales campagnes d’empoisonnement et plus
sporadiquement aux épandages – toujours chimiques – contre
les invasions acridiennes. Quant au Lièvre du Cap, il est
particulièrement à l’aise dans l’océan d’Alfa où l’on ne
manque pas d’admirer les prouesses de sa course.
La gent trotte-menu
« Je
suis oiseau : voyez mes ailes (...)
je suis souris, vivent les rats. ! »
La Fontaine
Par leur
« profil bas », le petit monde des Rongeurs et
des Insectivores est parfaitement adapté à cet univers
steppique, en témoignent pour le visiteur les innombrables
terriers que l’on peut y constater, champs par places
véritablement minés. Le Rat de sable diurne est à cet effet
un véritable « Rongeur » du sol et se complait
notamment dans le labyrinthe des touffes de Chenopodiacées
dont il se nourrit. Si la densité habituelle ne dépasse
guère la centaine d’individus à l’hectare, il peut
connaître des acmés populationels et la pullulation est
alors un peu alarmante. Diurne comme l’Écureuil de
Barbarie, il est d’observation très aisée. Les Mériones et
les Gerbilles, nocturnes et essentiellement granivores,
peuvent causer quelques ravages aux cultures céréalières
alentours, stockant à n’en plus finir des réserves dans
leurs terriers. Les Gerbillidés ne colonisent que des
milieux naturels et ne sont pas des commensaux comme les
Rats et les Souris. On peut reconnaître sur les Hauts
Plateaux : le Mérione de Shaw (Meriones
shawi), le Mérione à
queue rouge (Meriones
libycus), le Mérione du
désert (Meriones
crassus), la Petite
Gerbille de sable (Gerbillus
gerbillus), la Petite
Gerbille à queue courte (Dipodillus
simoni), la Gerbille
champêtre (Gerbillus
campestris), le Rat de
sable diurne (Psammomys
obesus), le
Pachyuromys à queue en massue (Pachyuromys
duprasi), la Grande
Gerboise (Jaculus
orientalis), la Petite
Gerboise (Jaculus
jaculus), le Goundi
d’Afrique du Nord (Ctenodactylus
goundi), le Porc-épic
(Hystrix
cristata), l’Écureuil de
Barbarie (Atlantoxerus
getulus), le Lérot
(Eliomys
quercynus), le Mulot
(Apodemus
sylvaticus), le Rat noir
(Rattus
rattus), la Souris
grise (Mus
musculus), le Hérisson
d’Algérie (Erinaceus
algerus), le Rat à
trompe (Elephantilus
rozeti), liste à
laquelle s’ajoutent quelques rares chiroptères en quête
d’abris.
La reptation dans la steppe alfatière
« Il
était un pauvre serpent qui collectionnait toutes ses
peaux. C’était l’homme. »
Jean Giraudoux
Exception faite de quelques doux poètes très en marge,
l’Homme semble n’avoir que deux regards sur le
vivant : ce qu’il pourchasse et détruit pour trop
l’apprécier, comme la Gazelle ou l’Outarde, et ce qu’il
pourchasse et détruit pour l’exécrer comme dans le cas
irrationnel des Reptiles. Les Serpents des Hauts Plateaux
n’ont pas fait exception, d’autant plus que dans ce vaste
observatoire morne et tranquille, le berger est un
redoutable prédateur au quotidien qui tôt ou tard saura
vaincre le Reptile repéré. Comme dans l’arganeraie ou le
Sahara, de nombreuses espèces sont également pourchassées
pour leur usage dans la pharmacopée traditionnelle ou
consommées par les populations locales, sans parler de la
non moindre prédation pour la vente aux touristes. L’animal
le plus traqué et symbole de cet acharnement
« pluridisciplinaire » est sans doute le
Fouette-queue, qui plus est fréquemment écrasé sur les
routes et les pistes. Sur les plateaux ou les petits
reliefs de cet écosystème un peu mystérieux, les espèces
suivantes sont, selon les cas, encore observables ou
seulement signalées et difficilement repérables : la
Tarente commune, le Sténodactyle de Maurétanie, le
Saurodactyle de Maurétanie (géonémie occidentale), le
Caméléon commun (condamné au sol et souvent découvert dans
sa vaine tentative de chercher à se hisser au plus haut des
Graminées ployant sous le poids de l’animal...), l’Agame de
Bibron, l’Agame changeant, le Fouette-queue
(dob),
le Psammodrome algire (limite occidentale), le Psammodrome
de Blanc, le Lézard à oeil de serpent (un indigène exclusif
des lieux puisque sa chorologie se limite à la zone
alfatière entre Debdou et Aïn-Benimathar), l’Érémias
d’Olivier, l’Érémias à gouttelettes, l’Acanthodactyle
commun, l’Acanthodactyle-panthère, l’Acanthodactyle
rugueux, l’Acanthodactyle de Duméril (pressenti mais très
en marge dans les formations aréneuses), le Seps ocellé, le
Petit Seps tridactyle, l’Eumécès d’Algérie, le Trogonophis
jaune (très étrange Amphisbénien), le Boa javelot
(rarissime et seul représentant du genre
Eryx
au
Maroc, de mœurs souterraines, il a été observé ça et là sur
les Haut Plateaux), la Couleuvre fer à cheval, la Couleuvre
à capuchon, la Couleuvre vipérine, la Couleuvre de
Montpellier, la Couleuvre de Schokar, la Vipère de
Mauritanie, la Vipère à cornes (présence probable) et la
Couleuvre fouisseuse à diadème (il n’existe qu’un seul
signalement des Hauts Plateaux de cette petite espèce
saharienne).
Des arbres pour les Caméléons !
Le Caméléon est un petit animal fascinant à de nombreux
points de vue, tant dans son habitus que dans son
éthologie. Il porte sur lui une certaine signature
ancestrale et sa lenteur légendaire lui confère un aspect
de « je-m’en-foutisme » eu égard à l’échelle des
temps. Le premier caractère qui nous interpelle est
évidemment son aptitude cryptique à changer de teintes,
modification due aux cellules pigmentaires de sa peau.
Cette capacité est aussi utilisée en cas de danger. Son
système oculaire n’est pas banal non plus. Ses yeux
s’orientent dans toutes les directions et bougent
indépendamment l’un de l’autre, ce qui lui procure un champ
de vision très opérationnel. Autre trait remarquable est sa
langue protractile et collante, démesurément longue (la
moitié de la longueur de son corps) et qui jaillit pour
capturer les proies. Enfin, son adaptation à la vie
arboricole est un prodige de formatage évolutif : des
pattes longues et fines munies de doigts soudés les uns aux
autres pour servir comme une pince. La queue est préhensile
et lui permet de s’accrocher puissamment. Tout concourt
ainsi à l’efficacité... sauf que dans la steppe marocaine
de l’Oriental où l’animal a persisté, tout arbre ou presque
en a disparu ! Le Caméléon devra t’il attendre de
nouveau quelques millions d’années pour un nouvel
« équipement » ou va t’il plus logiquement
disparaître « à force de se casser la
gueule » ? Toujours est-il que le voir progresser
un pas en avant, deux en arrière, dans les touffes d’Alfa
quand il tente d’en escalader les tiges est un spectacle
désolant. Tout comme celui de ces Caméléons, stimulés par
un rafraîchissement de fin de saison, qui avaient escaladé
début octobre les piquets d’une clôture de périmètre en
défends (plantation d’Atriplex)
dans la région d’Enjil. Une pluie de fin d’été ne suffit
pas à reconstruire la forêt perdue ! Nous en avions
« décrochés » une vingtaine de ces ersatz
d’arbustes, chacun semblant tourner en haut de son piquet
comme un animal de cirque. Trois années plus tard, les gens
du coin ne croyant plus ni au futur, ni à la régénération,
avaient démoli la clôture, reconverti les piquets en
calories dendro-énergétiques (!), récupéré les barbelés,
pour se réapproprier l’espace et les Caméléons n’avaient
plus d’ascension possible. Faut pas rêver !
Un Boa au Maroc ?
Rien de bien
constricteur chez ce Boa des sables dont la taille fort
modeste est d’une cinquantaine de centimètres et qui mène
une vie souterraine dans le sol meuble d’où il n’en sort
que le soir pour chasser les petits Rongeurs. Le Boa
javelot (Eryx
jaculus) est rarissime
dans l’Oriental (les seules stations connues en sont :
Outat-Oulad-el-Haj, Tigri et Zaïao), tout comme en général
en Méditerranée (Afrique du Nord, Balkans, Asie Mineure,
Proche-Orient).
Des racines et des ailes...
Avec un modeste
inventaire d’une quarantaine d’espèces nidificatrices, les
Oiseaux de ce monde uniforme tout en bromes, en touffes et
en racines sont évidemment spécialisés et en sont d’autant
plus intéressants. Pour la steppe à Alfa, on peut
citer : l’Outarde houbara (nicheuse régulière, tout
autant « protégée » que pourchassée par une
chasse acharnée), le Hibou grand-duc, le Courvite isabelle,
le Sirli du désert, le Traquet à tête grise, le Pluvier
guignard (en hiver) et le Sirli de Dupont qui est un
habitant fidèle de cet écosystème. Dans les zones à
Armoises (Artemisia
spp.), tel le
secteur de Fouchal-Matarka, sur des sols plus riches que
ceux où se développe Stipa
tenacissima, on note
aussi : la Perdrix gambra, le Sirli de Dupont,
l’Alouette de Clot-Bey, l’Alouette bilophe, ainsi que des
espèces propres au biome saharien comme : l’Ammomane
du désert, l’Ammomane élégante, le Bouvreuil githagine que
viennent compléter bien des espèces communes aux espaces
alfatiers. Les Gangas unibande et cata sont signalés comme
potentiellement abondants, avec des pics d’invasions
épisodiques pouvant réunir 100.000 Gangas catas et 1000
Gangas unibandes.
Savoir tremper sa plume
L'apparition des plumes dans la lignée reptilienne qui est
à l'origine des Oiseaux demeure énigmatique. Dans l’échelle
évolutive, l’homéothermie ayant devancée l’acquisition du
vol, leur fonction initiale semble avoir été plutôt cette
régulation thermique du corps par le maintien d’une couche
d’air isolante. Les compétences à voler seraient advenues
ultérieurement, précédant encore les remarquables
transformations des plumes des ailes et de la queue à
l’usage des contraintes aérodynamiques. Pour exemple les
Manchots, inaptes au vol mais excellents nageurs, dont le
corps est recouvert de plumes écaillées. Production cutanée
de kératine minéralisée, en dépit des apparences la plume
ne pousse qu’en des zones bien précises que l’on nomme les
ptyrélies. Le plumage fait office de couche protectrice
contre le froid, de moyen de communication visuel et de
plan de sustentation dans l'air. Correspondant à 5 % du
poids d’un Oiseau, il y a 1000 plumes sur le corps d’un
Rouge-gorge et 25.000 sur celui d’un Cygne. Le nombre de
rémiges et leur longueur étant invariable à l’intérieur de
chaque espèce, cette formule alaire tient lieu de critère
identitaire et distinctif en ornithologie. Deux substances
permettent la toilette et l'imperméabilisation : une poudre
cireuse issue de plumes déterminées et une huile secrétée
par la glande uropygienne.
Parmi les nombreuses plumes spécialisées, les plumes
ventrales des Gangas des zones arides assurent le transport
de l'eau pour abreuver les poussins. Sur le Plateau de
l’Oriental, ces colombiformes grégaires vivent parfois à
plusieurs dizaines de kilomètres des points d'eau qu’ils
regagnent un bref instant matin et soir pour y tremper
leurs plumes ventrales qui absorbent spontanément le
liquide comme des éponges, puis s’en retournent ravitailler
leurs petits.
Sortes de Pigeons des sables, granivores et essentiellement
sédentaires, il existe au Maroc cinq espèces de Gangas aux
robes variées comme le Ganga cata (Pterocles
alchata), le Ganga
unibande (Pterocles
orientalis), le Ganga
couronné (Pterocles
coronatus), le Ganga
tacheté (Pterocles
senegallus) et la Ganga de
Lichtenstein (Pterocles
lichtensteinii).
Des limicoles dans un désert
Les limicoles sont les Oiseaux qui vivent et se nourrissent
sur la vase, grâce à leurs pattes et à leurs becs adaptés à
ce milieu humide. On les rencontre donc sur les rivages.
Pourtant, la steppe alfatière de l’Oriental abrite deux
limicoles du désert, peut-être victimes d’un mirage
prolongé ! Il s’agit du Pluvier guignard
(Charadrius
morinellus), petit
Échassier dont le trait le plus remarquable est constitué
par les lignes blanches qui partant des yeux se rejoignent
en « v » sur la nuque. Il a choisi les Hauts
Plateaux comme aire d’hivernage et sur cette steppe il se
nourrit d’Insectes. L’autre, nettement plus répandu dans
toutes les zones arides marocaines où il est sédentaire,
est l’élégant et véloce Courvite isabelle
(Cursorius
cursor), de couleur
sable (jaune isabelle), la face inférieure de ses ailes
noire quand il vole.
Les Arthropodes de la steppe : une faunule tenace
La faunule s’en tire à bon compte car elle n’est guère
repérable. Celle de la steppe à Alfa se tient tapissée,
terrassée, enfouie sous couvert des croûtes et des rochers,
pour ne sortir qu’à la faveur des moments de fraîcheur que
peuvent apporter la nuit ou la pluie. Quelques Scorpions
(Androctonus
aenas liouvillei est un Scorpion
noir connu de la région d’Oujda) et de nombreuses Araignées
en sont les symboliques représentants. Parmi les Insectes,
ce sont surtout des Coléoptères comme les Ténébrions, voire
quelques Carabiques spécialisés, qui hantent les trouées
d’Alfa et les oueds temporaires.
Les Papillons de la steppe
Les steppes même arides ne sont pas vides de vie comme
pourrait le croire le grand public mais leur monotonie
spécifique est réelle. Du point de vue entomologique et à
l’image des sombres futaies monospécifiques, le peu de
diversité floristique entraîne une version minimaliste du
cortège, laquelle n’est pas une banalisation car les
entités spécialisées y sont souvent de grande valeur. Il
est ainsi aisé de comprendre qu’une haute plaine
monospécifique à Stipa
tenacissima va n’engendrer
qu’une entomofaune tributaire de la grande Graminée et des
quelques plantes qui viennent s’y fourvoyer, à la faveur
notamment des rares accidents de terrain favorisant
l’établissement de précieux refuges.
Les Papillons de jour ayant les Poacées comme ressource
trophique de leur vie larvaire appartiennent à la
sous-famille des Satyrines (Nymphalidae
Satyrinae), Papillons
d’été généralement bruns, d’ordinaire avec des ocelles nets
au verso de l’aile postérieure, et un ou davantage, plus
visible, dans la zone apicale de l’aile antérieure. Ces
ocelles tendent à effrayer les Oiseaux et les Lézards
prédateurs, ou plus subtilement à préserver les parties
vitales du corps en détournant l’attention sur les ailes.
Fuyant la lumière, leurs chenilles sont nocturnes et comme
les Graminées sont pauvres en protéines, la croissance
larvaire est à longue échéance (plusieurs mois).
Berberia
abdelkader (Le Grand Nègre
berbère) est l’indicateur prioritaire et presque universel
des nappes alfatières d’Afrique du Nord, exception faite
des trop vastes platitudes de terrain car ce grand volateur
ne s’établit que sur des versants ou des systèmes
collinéens où les courants d’airs dynamisent son vol
ascensionnel. C’est toujours un étonnant spectacle que de
contempler l’élégante chorégraphie d’un groupe de ces noirs
Papillons monter et descendre inlassablement au vent leur
pan d’Alfa, à la recherche de leurs femelles indolentes et
blotties dans les immenses touffes, un peu comme le font
les blancs apollons des montagnes alpines. A la première
alerte, au moindre nuage, ou une fois accompli le temps de
vol, ils s’abattent à l’unisson dans l’océan d’Alfa et y
disparaissent. Compte tenu de l’insolation extrême de
l’habitat, c’est tôt le matin puis aussi en fin de journée
qu’ont lieu les vols. L’animal doit se protéger des trop
fortes ardeurs solaires et l’effet sciaphile de la grande
Graminée est alors très efficace. La parade nuptiale
des Berberia
est
assez raffinée : le mâle poursuit au sol la femelle
dénichée et prétendue, laquelle fait d’abord fi de la
persécution ; puis le couple virevolte, les ailes
frémissantes, avec parfois l’appui d’un second mâle comme
rabatteur de la femelle récalcitrante ; ce ballet peut
durer de très longues minutes, après quoi le couple enfin
soudé s’immobilise un certain temps. La femelle ne pond ses
oeufs que sur des jeunes tiges, tendres et consommables par
les chenilles néonates. Une grande race (la ssp.
taghzefti)
habite les collines alfatières les plus occidentales,
depuis la Moulouya jusqu’à l’écotone intra-atlasique, entre
le versant méridional du Moyen Atlas central et le Haut
Atlas oriental (région de Missour et Midelt). A l’est de la
Moulouya, on retrouve la forme nominative algérienne,
notamment dans les steppes alfatières du sud d’Oujda. Une
trop forte pression du pastoralisme ou une suite d’années
de stress hydrique biffe le Grand Nègre berbère du paysage
de l’Oriental.
La mise à sac de la steppe à Alfa
tenacissima
par sa surexploitation entraîne irrémédiablement le recul
puis l’extinction du Papillon.
Quelques autres
Satyrines d’une même biologie et aux exigences similaires
peuvent être les compagnons de vol de l’emblématique
Berberia.
Il s’agit de la Fausse Coronide (Hipparchia
hansii), plus rupicole
et tardive (septembre), cantonnée aux modestes
affleurements et calottes pierreuses dominant la plaine
alfatière ; et surtout du Grand Hermite
(Chazara
prieuri kebira), Lépidoptère
rare et sensible, chaque fois plus exceptionnel, dont
l’aire marocaine se limite à la moitié ouest de l’Oriental
(bien qu’il existe en Algérie).
Une grande Fabacée se rencontre parfois au cœur de la nappe
alfatière : c’est Coronilla
juncea, très prisée
par le cheptel et donc d’un maintien toujours hypothétique.
Elle entraîne la présence de deux fines espèces de Zygènes
endémiques, indicatrices d’un bon équilibre :
Zygaena
excelsa (seulement
quelques colonies marocaines sont connues, toutes limitées
à l’Oriental) et Z.
algira qui peut
présenter des effectifs très fournis. Ces splendides
Hétérocères volent dans la région de Midelt, de Missour et
de Jerada. La dernière localité semble avoir été détruite
il y a une dizaine d’années par un broutage excessive de la
Coronille en jonc.
Menaces et état des lieux
Des
Oiseaux et des émirs
« Que peuvent
les lois, là où ne règne que
l’argent ? »
Pétrone
Tous les observateurs et acteurs de ce milieu s’accordent à
constater que l’impact anthropique irraisonné, notamment le
surpacage des parcours collectifs, est à l’origine de la
régression des habitants les plus emblématiques des
systèmes steppiques de l’Oriental marocain. C‘est notamment
le cas de l’Outarde houbara (ou Petite Outarde huppée)
(Chlamydotis
undulata), ce bel Oiseau
d’Afrique du Nord (et des Iles Canaries) à la parade
nuptiale extraordinaire et dont l’écologie est par ailleurs
encore assez méconnue. Sédentaire, se nourrissant
d'Insectes et de graines, cet Otididé habite des zones
ouvertes, semi-désertiques, plus ou moins plates ou
ondulées, la steppe alfatière constituant au Maroc son
meilleur réservoir. Outre le dérangement dans les lieux de
nidification par les troupeaux, l’anéantissement parfois
irrémédiable de l’habitat, voire le petit braconnage comme
le prélèvement d’œufs, il faut aussi désigner la surchasse
comme facteur majeur de la raréfaction de l’Oiseau, tout
autant proie de prédilection des chasseurs fortunés des
émirats arabes, que strictement protégé par des textes
nationaux et internationaux. Mais que peuvent les lois là
où sévit la fortune ? Qui parcourt les hautes plaines
depuis Missour jusqu’à Aïn-Benimathar va immanquablement
croiser des postes d’assistance installés à l’année par
certains émirats ayant jeté leur dévolu sur l’Oiseau. De
telles unités sont officiellement en place sur tout le
territoire concerné pour veiller sur l’univers convoité. Il
est fréquent de croiser une escouade de ces chasseurs, se
déplaçant en cortège d’une dizaine de véhicules tous
terrains et de camions, souvent immatriculés en Arabie
Saoudite. Une véritable économie locale vit des retombées
de cette activité pour le moins équivoque puisque
officiellement tolérée et favorisée par des décideurs
nationaux, nonobstant des critères tant diplomatiques
qu’économiques bien compréhensifs dans le cadre des aléas
politiques. Il en va de même dans les steppes algérienne et
tunisienne où les mêmes émirs exercent une semblable
pression, l’Outarde arabique ayant été éradiquée dans leurs
propres pays. Des tableaux de chasse affligeants de
plusieurs centaines, voire milliers d’Outardes sont
rapportés d’Algérie et les tueries marocaines sont
censément du même ordre. Cette prédation effrénée est due à
la prédilection bien connue des émirs fauconniers pour cet
Oiseau. C’est un paradoxe et l’avenir de l’Outarde houbara,
partout décimée pour les mêmes raisons, semble tout autant
compromis au Maroc où sa protection rigoureuse reste à
l’ordre du jour dans les couloirs de certains ministères,
tandis que d’autres sont chargés de l’accueil des
« braconniers officiels ». L’un de ces intrépides
chasseurs y a même laissé la vie en Algérie :
« L'émir
qui avait été accidentellement blessé par un militaire dans
le sud algérien est décédé. Le défunt était venu avec une
grande délégation de son pays braconner l'outarde et la
gazelle nationales. Emporté par sa passion, il s'était
aventuré dans une zone militaire. L'un de nos braves
djounoud voyant un homme en kamis arriver sur lui n'a pas
réfléchi longtemps. On ne réfléchit pas quand on croit
avoir un terroriste en face de soi. L'émir a finalement
succombé à ses blessures. » (Le Matin,
Alger, 17 janvier 2004).
Pour faire amende honorable, un Emirates Center for
Wildlife Propagation (ECWP) fut créé en octobre 1995 par le
Président des Émirats Arabes Unis avec l’initiative
d’élever l’Outarde houbara pour en assurer une
réintroduction et un repeuplement dans tout l’Est marocain.
Il s’agit en fait et sans euphémisme d’acquérir un
potentiel de reproduction pour assurer des lâchers destinés
à la chasse, ainsi qu’on le fait ailleurs pour les Perdrix
ou les Faisans. Un premier centre d’élevage apte à gérer
40.000 km2 est opérationnel dans la région de Missour, un
autre est en cours de finalisation dans la vallée d’Enjil.
La production annuelle est encore
expérimentale puisqu’en dépit des efforts, elle n’a
atteint que 793 oisillons en 2002. L’objectif escompté pour
2008 consiste en un lâcher annuel de 5000 spécimens. Ce qui
serait un minimum pour suppléer au carnage supputé par les
observateurs de ce « sport ». En Arabie Saoudite,
l’Autruche, l’Outarde arabique et l’Houbara bénéficient de
tels projets et il est dit que le programme de reproduction
des deux premières espèces citées a donné de si bons
résultats qu’on les relâche maintenant dans certaines zones
« protégées ». Il est à espérer soit que la chasse
puisse reprendre à domicile ou bien que de pareils
résultats soient obtenus au Maroc pour faire de l’Outarde
houbara un trophée de chasse non sauvage.
Dans ce cas, comme dans celui de l’extinction finale, c’est
dans l’éthique naturaliste exactement synonyme d’une même
perte pour la biodiversité sauvage.
Le beurre et l’argent du beurre
ou
la politique de l’Autruche au service de l’Outarde
De toute façon, la pantomime n’a guère séduit l’institution
protectrice (IUCN) qui n’est pas dupe. En voici pour preuve
l’une des dernières résolutions :
« CONSTATANT avec vif regret qu’en dépit de la
Recommandation 1.27 Protection
de l’outarde houbara, adoptée par le
Congrès mondial de la nature à la 1ère Session (Montréal
1996), l’outarde houbara (Chlamydotis
undulata) continue à
être chassée illégalement sur l’ensemble de son aire de
répartition en Afrique ;
PRÉOCCUPÉ par la chasse illicite et non durable, y compris
l’utilisation de moyens perfectionnés, qui met de plus en
plus en péril l’outarde houbara et d’autres espèces rares,
menacées d’extinction ;
NOTANT que la plupart des pays de l’aire de répartition, en
Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, notamment en
tant que Parties à la Convention sur le commerce
international des espèces de faune et de flore sauvages
menacées d’extinction (CITES), à la Convention sur les
espèces migratrices (CMS ou Convention de Bonn) et à la
Convention sur la diversité biologique (CDB) se sont
engagés à protéger l’outarde houbara ;
RAPPELANT que selon la communauté scientifique
internationale, il existe deux espèces d’outarde
houbara : une espèce nord-africaine
(Chlamydotis
undulata) et une espèce
asiatique (Chlamydotis
macqueenii) ;
Le Congrès mondial de la nature, réuni du 4 au 1 octobre
2000 à Amman, Jordanie, pour sa 2e Session :
PRIE instamment les États d’Afrique du Nord et d’Afrique
subsaharienne :
a) d’honorer leurs engagements internationaux et
d’appliquer leurs législations nationales respectives en
n’autorisant plus la chasse des populations d’outardes
houbara aujourd’hui menacées d’extinction en Afrique du
Nord et en Afrique subsaharienne ; et
b) de mettre en oeuvre des plans de gestion pertinents dans
le but de développer l’utilisation durable de cette
espèce. »
Vœu
pieu.
L'Emirates Center for Wildlife Propagation communique...
présenté par
Frédéric Lacroix, Directeur exécutif.
« L’Emirates Center for Wildlife Propagation (ECWP) a
été créé en Octobre 1995 par Sa Majesté le Sheikh Zayed Bin
Sultan Al Nahyan, Président des Émirats Arabes Unis, avec
pour objectif prioritaire la définition et la mise en œuvre
d’une stratégie de gestion rationnelle de l’Outarde houbara
(Chlamydotis
undulata undulata) dans
l’Oriental marocain, stratégie associant la restauration et
la conservation de populations naturelles d’Outarde et le
maintien d’une activité de chasse traditionnelle au Faucon.
Contexte
L’Outarde houbara est un Oiseau adapté au milieu
désertique, vivant dans les plaines arides, les steppes,
généralement au couvert végétal pauvre et dont la
pluviométrie se situe entre 50 mm et 200 mm par an. Les
populations se reproduisant en Asie Centrale sont
migratrices alors que celles du Moyen Orient, d’Afrique, du
Pakistan et de l’Inde sont non migratrices mais effectuent
de petits déplacements en réponse aux variations de
ressources alimentaires locales.
L’Outarde houbara appartient à la famille des Otididés. On
distingue deux espèces : C.
undulata (plumes de
parade de cou noires, plumes de la huppe blanches), séparée
en deux sous-espèces : C. undulata
undulata dont l’aire de
distribution comprend toute l’Afrique du Nord jusqu’au
Sinaï et C. undulata
fuertaventurae dont l’aire de
distribution se limite aux Iles Canaries ;
C.
macqueenii (plumes de
parade de cou noires et blanches, plumes de la huppe
blanches avec un centre noir), espèce asiatique répartie
depuis le Sinaï jusqu’à la Mongolie.
L’Oiseau est de taille moyenne, mesurant 55-65 cm de
hauteur et 135-170 cm d’envergure. Le poids corporel des
mâles est de 1500-2300 g alors que celui des femelles est
de 900-1700 g. La face dorsale de l’Oiseau est de
coloration sable ponctuée de noir. Des plumes de
parade noires encadrent le cou. La face inférieure est
blanche. Le vol laisse apparaître les tâches noires des
ailes. L’Outarde houbara a la faculté physiologique de
pouvoir se passer d’eau libre et de se contenter de l’eau
contenue dans les aliments. Cette particularité, associée à
des capacités exceptionnelles de thermorégulation en milieu
extrême, font de cet Oiseau un modèle d’adaptation au
milieu désertique et une richesse naturelle irremplaçable
pour l’Oriental marocain.
L’Outarde houbara a toujours constitué le gibier de choix
pour la chasse traditionnelle au Faucon pratiquée par les
fauconniers arabes. Les récentes mutations sociales et
économiques provoquées dans ces pays par les revenus
pétroliers ont encore accentué, dans les années 70, le
caractère emblématique de l’Oiseau. La chasse au Faucon de
l’Outarde houbara revêt désormais un caractère culturel et
identitaire fort, et est vécue par beaucoup, princes ou
non, comme la célébration de traditions ancestrales.
Malheureusement, les revenus pétroliers ont aussi permis
une augmentation importante de l’effort de chasse. La
chasse intensive, conjuguée à une forte dégradation des
habitats causée par l’exploration pétrolière, le
surpâturage et les programmes d’aménagement agricole,
expliquent le rapide déclin, à partir des années 70, des
populations d’Outarde houbara dans toute leur aire de
distribution, depuis le Maroc au Sinaï pour l’espèce
nord-africaine et du Sinaï jusqu’en Mongolie en passant par
les steppes d’Asie centrale pour l’espèce asiatique.
Cette situation a poussé les organisations internationales
de conservation à réviser le statut de l’Oiseau pour
inciter les différentes parties concernées (pays et
chasseurs) à prendre des mesures garantissant une
utilisation durable de l’espèce. Ainsi, un certain nombre
de fauconniers arabes ont compris, à partir du milieu des
années 80, que l’avenir de la fauconnerie arabe passait par
la mise en œuvre effective de programmes de conservation de
l’Outarde. Plusieurs initiatives ont alors été lancées en
Arabie en 1986 avec la création du National Wildlife
Research Center (NWRC), à Abu Dhabi en 1990 avec la
création du National Avian Research Center (NARC), et en
Octobre 1995, au Maroc, avec la création de l’ECWP par Sa
Majesté le Sheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan.
Le projet ECWP résulte ainsi de la volonté commune des
autorités marocaines et du Président des Émirats Arabes
Unis de développer un programme visant à stopper le déclin
des populations d’outarde houbara dans l’Oriental marocain
tout en permettant à l’art traditionnel de la fauconnerie
arabe de se maintenir sur le long terme.
Organisation et objectifs
L’ECWP est basé à Missour, Province de Boulemane et gère
une zone de 40 000 km² répartie entre les Provinces de
Boulemane, Figuig et Taourirt, dans le nord-est du Maroc
(région de l’Oriental marocain). Le projet se compose de
deux stations d’élevage et de plusieurs stations de terrain
réparties sur l’ensemble du territoire d’étude.
Les premières années ont été utilement mises à profit pour
structurer les installations, développer les ressources
humaines, évaluer les potentialités locales et ont permis
de formuler, fin 1999, une stratégie de développement sur
10 ans, adaptée au contexte local, et permettant
d’atteindre l’objectif ultime énoncé précédemment.
Cette stratégie combine de front différentes
approches :
L’établissement d’un élevage en captivité capable de
produire annuellement et sur le long terme des surplus
d’Oiseaux pour assurer des opérations de renforcement de
populations naturelles. L’élevage de
l’Outarde houbara est un processus long et complexe. Seule
la reproduction par insémination artificielle d’Oiseaux
parfaitement imprégnés permet d’envisager des résultats de
production significatifs. L’ECWP a atteint un haut niveau
d’expertise dans les techniques d’élevage de l’Outarde
houbara. La production d’Oiseaux progresse régulièrement
depuis 1999 (151 poussins ont été produits en 1999, 2147 en
2004), l’objectif étant de produire 5000 Outardes par an à
partir de 2008.
L’étude écologique des populations naturelles d’Outarde
houbara afin de proposer des mesures pertinentes de
conservation et de gestion durable de l’espèce.
La
conservation des populations naturelles d’Outarde a été
reconnue, dés le début, comme une condition essentielle au
succès du projet. Cependant, les informations sur
l’écologie et la biologie de l’Outarde nord-africaine
restaient très limitées et, en particulier, les données sur
la situation des populations naturelles dans l’Oriental
marocain faisaient cruellement défaut. C’est pourquoi, dés
1996, l’ECWP a mis en place un ambitieux programme de
recherche visant : 1) à évaluer le statut, la
distribution et la dynamique des populations naturelles, 2)
à mieux comprendre l’écologie de cette espèce emblématique
des steppes désertiques. Des partenariats avec des
structures de recherche internationales ont été
conclus :
Avec le Muséum d’Histoire Naturelle (MNHN) de Paris, pour
étudier le domaine vital et l’utilisation de l’habitat afin
d’identifier les facteurs clés du milieu importants pour la
survie des Oiseaux,
Avec l’Institut Méditerranéen d’Écologie et de
Paléoécologie (IMEP) de Marseille, pour étudier, à
l’échelle du paysage, à l’aide d’un système d’information
géographique, la structure et l’évolution de l’habitat et
ses répercussions sur la distribution de l’outarde.
Une première zone de 1000 km² abritant une population
reproductrice importante a été totalement protégée dés
1997. Puis en Février 2002, sur la base des résultats du
programme écologique, un réseau complémentaire d’aires
protégées de 14 000 km² a été mis en place. De même, 4
sites principaux de relâcher ont été identifiés et équipés
d’installations à cette fin.
Parallèlement, des actions concrètes de protection de
l’environnement ont été initiées. Une pépinière de plantes
sauvages de l’Oriental marocain est développée depuis 2001.
Les plantes produites servent à la réhabilitation des zones
cultivées dégradées et abandonnées et au reboisement dans
le cadre d’un programme de mise en défens défini en
collaboration avec l’Administration des Eaux et Forêts
marocaine. Enfin, un programme d’éducation environnemental
destiné en priorité aux fauconniers et aux écoles locales
et expliquant les actions du projet mais aussi des enjeux
environnementaux plus généraux a été mis en place en 2002.
La conduite d’opérations de relâcher en différents endroits
de la zone gérée par l’ECWP et le suivi de ces
Oiseaux. L’ECWP a
développé des techniques d’élevage spécifiques aux Oiseaux
destinés au relâcher. Les exigences physiques,
physiologiques et comportementales propres à ce groupe
d’Oiseaux sont optimisées. De même, une attention
particulière est accordée aux contraintes génétiques et
sanitaires inhérentes à toute opération de retour à la
nature d’animaux issus d’élevage.
Un total de 598 Oiseaux a été relâché entre 1998 et 2003,
toujours en petits groupes afin d’ajuster les procédures.
Tous les Oiseaux ont été équipés d’émetteurs pour suivre la
survie, la dispersion et le succès reproducteur. Les
techniques sont désormais au point et garantissent une
survie comprise entre 50 % et 70 % à un an, selon la
période et le lieu du relâcher. De même, les premiers
succès reproducteurs ont été enregistrés en 2001 (une
femelle couvant un nid de 2 œufs et plusieurs mâles
observés en parade). Depuis, ces premiers résultats
encourageants n’ont pas été démentis : la saison 2004
a vu 35 femelles relâchées se reproduire en nature (132
œufs en 54 pontes et 35 poussins éclos ont été
comptabilisés).
Le programme d’élevage en captivité ayant atteint sa
maturité, les opérations de relâcher vont désormais
constituer une activité majeure du projet. 800 Oiseaux
seront relâchés en 2004.
Pour conclure
L’ECWP a un objectif environnemental prioritaire qui est la
conservation de l’Outarde houbara. La stratégie retenue
associe :
La restauration et la conservation de populations
naturelles d’Outardes au sein de vastes réserves
soustraites à la chasse ;
L’organisation de la chasse traditionnelle au Faucon en
priorité sur des Oiseaux issus d’élevage dans des zones
gérées spécialement pour la chasse.
Cependant, les retombées du projet débordent largement la
simple conservation de l’espèce : conserver l’Outarde,
c’est valoriser une ressource renouvelable, c’est aussi
gérer, conserver le milieu qui l’abrite, et donc conserver
les autres composantes de la faune sauvage ainsi que les
activités humaines qui dépendent de la qualité de ce
milieu. L’ECWP est donc un acteur à part entière du
développement local qui, par ses programmes et son
fonctionnement, contribue à l’effort de recherche global
sur le fonctionnement écologique, économique et social du
territoire. Son influence s’exerce essentiellement à deux
niveaux :
Impact économique direct par la création d’emplois et
indirect en sollicitant les acteurs économiques locaux.
Impact environnemental grâce à la mise en place d’outils
divers de surveillance continue de l’écosystème dont les
résultats sont diffusés auprès de tous les acteurs du
développement local.
Ainsi, le projet ECWP est un véritable projet intégré,
contribuant au développement socio-économique de la région
qu’il occupe grâce à la valorisation d’une ressource
naturelle, en l’occurrence l’Outarde houbara. Dans toutes
les régions du monde, certaines ressources naturelles,
faunistiques ou floristiques, peuvent faire l’objet d’une
mise en valeur en s’appuyant sur les exigences d’une
utilisation durable, pour peu que l’on prenne soin de s’y
intéresser. Ces espèces sont alors source de
diversification économique, mais aussi la garantie du
maintien des grands équilibres écologiques. En effet,
l’utilisation durable des espèces sauvages entraîne moins
de perturbation des écosystèmes et moins de perte de
diversité biologique que la transformation d’espaces
naturels en pâturages ou en terres agricoles. La
valorisation de la faune sauvage peut ainsi contribuer
significativement à la lutte contre la désertification dans
les régions aux écosystèmes fragiles. »
Revenons
à nos moutons : le pastoralisme...
« Voilà
ce que c’est que les moutons. Ils obéissent aux chiens qui
obéissent aux bergers qui obéissent aux astres. »
Charles Albert
Cingria
Sur un mode collectif de droit coutumier soumis au régime
pastoral national, le mode d’utilisation de ces terres se
résume aux pratiques de l’élevage sur les parcours. La
population en tire l’essentiel de son revenu.
Le pastoralisme est un système extensif d'exploitation de
grands espaces peu productifs ou peu habités, où la
tyrannie de l’eau est primordiale et qui utilise des
animaux se nourrissant d'une végétation naturelle spontanée
et dispersée. Cette végétation est en partie potentielle
puisqu’elle peut disparaître durant des ans ou des
décennies suite à une surexploitation ou à une succession
d’années sèches. Les conditions impliquent le déplacement
saisonnier (parcours d’hiver, parcours d’été) plus ou moins
long, régulier ou irrégulier, des animaux sous la garde des
bergers. Cette circulation du cheptel est planifiée pour
une ou plusieurs années et tient compte du type de
végétation et de son état, moyennant quelques distinctions
d’usage. Comme toute activité agricole, ces espaces
pastoraux et l’activité dont ils sont l’objet s’appuient
théoriquement sur une politique définie, avec des
interdits, mais aussi des aides sous forme de subventions
ou de diverses incitations (appuis techniques, crédits,
organisation de coopératives). Mais la pratique laisse
accroire que la société pastorale de l’Oriental se retrouve
soumise à une autarcie libertaire résultant d’une démission
de tutelle. Le mode de vie (tente, mobilité) et
l’organisation sociale (tribu, territoire collectif)
semblent bien adaptés à ce laxisme mais la conservation du
milieu pâti visiblement de l’absence de plans directeurs.
Surexploité, Stipa
tenacissima a déjà disparu
de vastes territoires et la mobilité des troupeaux est
accrue. L’interaction du pastoralisme avec l’environnement
est tel qu’il nécessite un plan de veille, a fortiori dans
le cadre d’écosystèmes aussi fragiles et capricieux.
Le pastoralisme est ainsi le moyen le plus efficace
d'utiliser les ressources sur des terres sèches, marginales
et impropres à l’agriculture, où sévit la rareté de
l’abreuvement, sans application de techniques agronomiques.
A toute chose malheur est bon et les pasteurs nomades, bien
qu’esclaves de la nature, sont souvent mieux nantis que les
agriculteurs sédentaires puisqu’en déplaçant leurs bêtes
pour suivre les pluies, ils fondent leur sécurité sur la
mobilité et peuvent ainsi rebondir dans l’échec. Mais ils
sont le plus souvent les premières victimes du stress
environnemental prolongé que représentent les périodes de
longue sécheresse propre à cette typologie de terres. Le
bétail est ici la base même de l’existence, mais base
précaire car les pertes en années sèches peuvent atteindre
50 % du troupeau. L’Orge, qui supporte mieux que le Blé les
affres de l’absence d’eau, est cultivé en terre sèche (bour
ou agriculture pluviale) de superficie limitée, après un
labour de semailles très superficiel effectué après les
pluies. Ne pouvant donc pallier les irrégularités des
précipitations, la céréaliculture, quand elle existe, est
ainsi totalement à la merci des aléas.
Comme on le voit et à l’instar de la pâture dans la forêt
de Cèdres, il s’agit de pratiques traditionnelles éloignées
de la moindre gestion concertée et dont la vacuité en
initiation au développement durable est totale. Bien que le
pâturage soit l’évident responsable de l’altération de la
végétation et de l’érosion de telles régions, on peut
affirmer que la méthode a jusqu’ici assez bien fonctionné
et que les bergers semi-nomades, champions d’usages
collectifs qui ne sont pas sans rappeler ceux de la vaine
pâture, autogéraient l’état de déséquilibre des parcours
résultant de l’amplitude des variations écoclimatiques. Il
n’en va plus de même depuis quelques décennies en raison de
la croissance démographique et de la naissance de nouveaux
besoins ayant évidemment entraîné un considérable
accroissement du nombre de têtes. Sous une forme ou sous
une autre, le consumérisme est aussi au seuil de la tente
berbère (thahvamt, rhaima) des transhumants et participe à
la perte des structures traditionnelles de plus en plus
sapées et dévoyées, à une moindre prépondérance des jemâa
(assemblée des anciens). Le durable est pour l’instant
l’affaire des administrations, des colloques protocolaires
en hôtels étoilés, d’une politique ambiguë, souvent
dédaigneuse et tout au moins froidement déconnectée des
réalités quotidiennes des agriculteurs et des bergers du
fin fond de l’Oriental.
L’âpreté du quotidien et l’analphabétisme les contraignent
à mille astuces dont l’effet global est de ronger le
biopatrimoine et de couper la branche sur laquelle est
assis leur semblant de devenir. Comment
affronter la mondialisation et ses marchés depuis l’an
1000... ? Quel est l’avenir d’un petit berger de 7 ans
qui ne connaîtra que la mer alfatière comme horizon
« balnéaire » ? Encore une fois la dualité
Nord-Sud bredouille et se répète : espaces pastoraux
sous-exploités sous bilans hydriques favorables en Europe,
niveau critique du surpâturage des steppes dans les pays du
Maghreb.
Pour tout un chacun, notamment observateur septentrional
accoutumé à la luxuriante biomasse des vertes vallées, il
n’est pas évident de découvrir la fine et inévaluable
chevelure d’annuelles ou les discrètes inflorescences
blotties au cœur de la touffe d’Alfa qui servent de
maigre pâture sur un sol scalpé ! Le drame devient
crucial quand en période de grande disette on assiste à
l’arrachement des touffes réalisé par le berger pour faire
pâturer les systèmes racinaires. Ces touffes sont par
ailleurs épisodiquement incendiées par les bergers, car les
jeunes pousses sont mieux consommées par le bétail. La
dégradation avancée des pâturages steppiques qui est la
conséquence de cette utilisation anarchique des ressources
pastorales est désignée par l’euphémisme de « tragédie
des communes ».
Les spécialistes la nomment disclimax, soit une
disparité entre les ressources et les besoins, et le
déséquilibre entraîne une spécialisation non productive par
l’installation d’un cortège de plantes envahissantes et non
appétables jusqu’au dénuement du couvert et à la complète
et irréversible érosion. Car le pouvoir de récupération a
des limites, même chez les végétaux de forte résilience.
Quand l’Armoise si appréciée des Ovins et qui couvrait le
plateau a disparu, pourquoi ne pas espérer revégétaliser en
la faisant repousser ? Il y a désormais des solutions
très viables pour remédier à certains de ces problèmes.
Depuis les années 70, il y a 120.000 ha gérés de façon
exemplaire dans la steppe syrienne où les droits de
pâturage et de culture de l’Orge sont assortis à
l’obligation de planter de l’Atriplex.
Et ça marche très bien ! Les Atriplex
(Pourpiers,
Arroches) sont de bonnes plantes fourragères. Deux espèces
sont bien adaptées à l’aridité : Atriplex
halimus (le Pourpier de
mer) et A.
glauca (le Pourpier
glauque). Une troisième, A.
nummularia, exige des sols
plus profonds.
Dans l’Oriental, le scénario qui se profile à l’horizon est
celui du renforcement d’une catégorie de gros éleveurs
(1000 à 3000 brebis), pour la plupart notables ruraux
adaptés au contexte et cultivant une année sur quatre ou
cinq sur les meilleures terres de grandes étendues
céréalières. Leurs fils s’exilent dans les agglomérations
et délèguent la conduite du troupeau à des bergers réduits
à l’état de salariés, éleveurs déchus qui n’auront pu
résister.
Et pour conclure ce thème, rappelons que l’élevage des
animaux domestiques repose sur la transformation de
matières organiques végétales en matières organiques
animales, réalisant un flux trophique entre des producteurs
primaires (les végétaux) et des consommateurs primaires
(les Herbivores) et que
personne n’a jamais répondu à la question de savoir si les
plantes avaient un quelconque intérêt à être mangées !
L’impact d’un sabot
Au niveau du
piétinement dont l’effet semble à prime à bord négligeable,
il n’est pas anecdotique de rapporter succinctement les
chiffres d’une récente étude concernant les Bovins et
le Burkina Faso, étude qu’il serait aisé de transposer aux
Ovins et au Maroc. Compte tenu de la surface d’un sabot de
Bovin et qu’en élevage extensif un animal parcourt quelques
5 km/jour, à raison de un pas par mètre, on obtient une
surface annuellement compactée de l’ordre de 22.000
m2/animal. Dans cet exemple du Burkina Faso qui compte 4
millions de têtes, la surface piétinée correspond alors à
32 % de la surface totale du pays et 88 % de celle des
pâturages permanents.
État des lieux
Il résulte de ce
qui vient d’être trop brièvement énoncé sur la
problématique actuelle du pastoralisme - devenu synonyme de
surpâturage - que l’activité est dorénavant en distorsion
avec les ressources de l’écosystème qui lui sert de
support.
Outre l’inestimable érosion du stock végétal par broutage
et piétinement, le pastoralisme outrancier est aussi
responsable du recul des grands animaux et de l’éradication
de la faune sauvage pour des raisons de concurrence
primaire (utilisation des sources trophiques, pollution des
eaux par les troupeaux et recouvrement des habitats), ainsi
que par effarouchement ou prédation (persécution du
Chacal).
Dans l’Oriental comme ailleurs, le pastoralisme et l’usage
des parcours sont toujours régis par des règles
coutumières. Cependant, le manque de respect croissant de
ces règles leur confère une caducité relative sans que cet
abandon ne conduise à l’adoption de nouvelles dispositions.
Des lois, codes pastoraux ou forestiers existent mais ne
sont pas appliqués.
Il en résulte une gestion non respectueuse et illégitime de
ces steppes, réservoirs de pâturages pourtant
irremplaçables pour la production animale. Les pouvoirs
publics détiennent la clé du drame de la terre dénudée mais
elle semble rangée au rayon des oubliettes.
Le bilan final est l’érosion hydrique et éolienne du sol
dépourvu du pouvoir d’absorption et protecteur que lui
confère la state végétale. La télédétection permet un
constat cartographique et approximatif de ces dégâts, et
une évaluation régulière de la désertification des terres
de parcours.
Les Monts de l’Oriental
Au nord des mornes hautes plaines surgissent quelques
massifs, refuges salutaires et protecteurs d’une flore et
d’une faune nettement plus riches et variées. Exception
faite de quelques périmètres en défends, le cheptel monte
hélas à l’assaut de ces « arches de Noé » plantés
au-dessus de l’horizon d’Alfa.
Le premier de ces reliefs, aux glacis largement entaillés
et aux escarpements spectaculaires, reçoit la réserve de
Chekhar où sur 10.000 ha irrégulièrement boisés (Thuya,
Chêne kermès, Chêne vert) en marge de la nappe à Alfa, la
Gazelle dorcas et l’Outarde houbara donnaient encore signe
de vie il y a quelques années. Surplombant au nord du
Plateau du Rekkam et à l’est de la plaine de Tafrata, le
Massif de Debdou (1615 m) et sa gaada (iliçaie,
tétraclinaie, pinède à Pin d’Alep, importantes
rosmarinaies) abrite un écocomplexe de grande valeur (dont
une herpétofaune remarquable) mais excessivement meurtri
par une pression pastorale où sédentaires et transhumants
s’associent pour le pire (nombreuses observations
personnelles de graves éradications de la flore et de la
faunule sur une décennie). Plus au nord-est, le petit
Djebel Kouali qui culmine à 1726 m semble d’un moindre
intérêt bioécologique en dépit d’une chênaie arbustive très
dense. Encore plus à l’est et jusqu’à la frontière avec
l’Algérie, le climat redevient sévère et l’unité
collinéenne formée par plusieurs petits djebels est alors
dépourvue tant de forêt que de matorral pour n’être
qu’investie par la steppe alfatière qui y reprend ses
droits, rarement arborée de quelques Arganiers tout autant
abroutis que relictuels (sud d’El-Aïoun), Genévriers,
Lentisques, doums
et
Pistachiers. Le Baguenaudier de l’Atlas ou
qboura
(Colutea
atlantica), rare
Légumineuse arborescente dont nous connaissions de beaux
pans aux abords du Djebel Bou-Keltoum (Jerada), a été
liquidé par les Caprins dans les années 90.
Plus au nord, au-delà du couloir Taourirt-Oujda qui recèle
des terres arables et où les secteurs les plus azoïques ont
été boisés d’Eucalyptus xérophyles (Eucalyptus
torquata,
E.
woodwardi,
E.
salmonophloia), s’élèvent les
Monts de Beni-Snassen, relief culminant de toute cette
région (1532 m à Ras-Fonghal). Enserré entre la Moulouya et
la plaine des Angad, le chaînon est favorisé par une
proximité maritime lui assurant une bénéfique
hygrométrie : il y a cinquante jours de pluie sur la
station d’Aïn-Almou. La plaine alluviale (basse Moulouya)
et fertile de Triffa, qui s’étale au pied du versant
méditerranéen, est le domaine d’une production agricole
irriguée assez intense dont l’agrumiculture est le fer de
lance. La ville de Berkane en est le centre de production.
Carrefour biogéographique très original entre les domaines
altlasique, rifain et oranais, sous bioclimats subhumide à
hiver frais ou froid selon les stations et leur exposition,
le massif calcaire jurassique des Beni-Snassen et le bassin
versant du Zegzel offrent une géomorphologie très
attrayante par la présence de gorges profondes et de hautes
falaises, de grottes, d’avens, de cascades et
d’escarpements boisés. C’est un panel de grande qualité
paysagère qui n’aurait rien pour déplaire à l’écotouriste
solidaire si une structure d’accueil adéquate pouvait être
imaginée dans le contexte. Mais l’imagination… Dans les
calcaires karstifiés, les gouffres et les grottes (Grotte
du Chameau, des Pigeons) sont des sites de première
importance préhistorique. Les spécialistes y déterrèrent
plus de 100.000 outils en pierre taillée, des restes
d'animaux et surtout 180 sépultures d'individus appartenant
à une race autochtone qui est à l'origine des populations
berbères actuelles. Leur rituel funéraire laisse supposer
que les Épipaléolithiques avaient des sentiments religieux.
L’« Homme de Taforalt » (12.000 ans) montre une
trépanation chirurgicale datant du Néolithique et ayant
permis la survie du sujet.
Au XVIe siècle, les Beni-Snassen étaient
« couverts de
nombreux bois qui produisaient une grande quantité de
caroube », à en croire
les écrits toujours très instructifs de Léon L’Africain
(Jean-Léon de Médicis, né vers 1490 à Grenade sous le nom
d’Al Hassan ibn Muhammad al Wazzan az Zaydite al Fasi, mort
probablement à Tunis aux alentours de 1554, fils adoptif du
pape Léon X et voyageur arabe). Rappelons au passage que ce
sont les graines du Caroubier (Ceratonia
siliqua),
kharroub
ou
karat,
qui, servant de mesures de poids en bijouterie, donnèrent
naissance à l’universel et toujours contemporain
« carat ». La lente dégradation du couvert
végétal semble s’accélérer à partir du XIXe siècle avec
l’accroissement des occupations humaines.
En ce début de XXIe siècle, çà et là dans le massif, on
peut encore contempler des formations assez dynamiques
à Tetracinis
articulata (il s’agit de
l’une des mieux conservées du Royaume), à
Quercus
rotundifolia, à
Q.
coccifera (en grave
régression au Maroc), à Ceratonia
siliqua, à
Arbutus
unedo, des
vigoureuses ripisylves et une flore hygrophile sur rochers
calcaires humides d’un intérêt majeur. En fin d’été et dès
les premières pluies même infimes, une remarquable
floraison de bulbeuses se manifeste un peu partout en
discontinu, entre cultures en terrasses et matorrals
dégradés. Dans cette erme ouverte à Urginée
(Urginea
maritima)
(âansal,
bsal
l-khenzir,
timzirt)
se mêlent parfois de splendides Safrans sauvages
(Crocus
salzmannii)
(zaâfran,
zedduti,
sektana),
suivis de Narcisses aux prémices de l’année nouvelle. Il
s’agit alors d’un décor floristique du plus bel effet.
D’autres bulbeuses comme les Asphodèles (sakkum)
relaient l’Urginée en fin d’hiver. Cette remarquable
phytocénose reçoit un non moins négligeable monde animal,
le tout déjà très étudiée par les spécialistes, ce qui
donne l’occasion d’en développer le thème. Sur une
amplitude de plus de 7000 ha, c’est le seul paysage
sylvatique de qualité de tout l’Oriental recelant une telle
mosaïque de formations. On y choisira la tétraclinaie comme
écosystème d’identification.
Le Thuya de Berbérie
Tetraclinis
articulata (ârâar,
azuka,
amelzi),
résineux de la famille des Cupressacées (incluant au Maroc
les Genévriers et le Cyprès), vicariant du genre
Callitris
de
l’hémisphère sud (Australie, Nouvelle Calédonie, Afrique du
Sud), est confiné en Méditerranée occidentale. Le Maroc en
abrite les derniers peuplements importants (600.000 ha),
lesquels se développent ça et là et sur tous substrats dans
les régions nord-atlasiques. Arbre à large spectre
associatif puisqu’il organise de multiples cortèges
spécifiques (on en connaît une quinzaine d’associations)
depuis les rives atlantiques des Haha et des Ida-Outanane
jusqu’aux Monts de l’Oriental, en passant par les vallées
du Haouz. C’est une essence propre aux basses altitudes et
au semi-aride tempéré et chaud. Dans l’Oriental, les
Massifs de Beni-Snassen et de Debdou en sont les mieux
lotis. Les tétraclinaies sont souvent préforestières et
rarement pures, garnies de taillis assez denses. En futaie,
le Thuya peut atteindre une vingtaine de mètres. Il offre
un tronc rectiligne habillé d’un rhytidome gris plus ou
moins clair, un feuillage diffus, aux rameaux formés de
petites branches aplaties, vertes et articulées selon la
disposition du feuillage en aiguilles bleutées. La graine
est petite, contient des poches de résine et présente deux
ailes latérales.
Espèce à forte résilience, sa régénération naturelle est
assez spontanée si bien que son écosystème peut renaître
des affres de son dur vécu, car l’Homme ne l’a guère
épargné. Sa faculté de souche est unique chez les Conifères
et, une fois coupé, l’arbre rejette avec vigueur. C’est un
végétal sans rancune, peut-être parce qu’il ne connaît
guère d’ennemis naturels ! Le Thuya est un arbre à
large spectre d’utilisations. Le bois moucheté, chatoyant
et pratiquement imputrescible, qui développe de grosses
excroissances appelées « loupes », est très prisé
en ébénisterie traditionnelle. C’est à des fins
d’ébénisteries que les vieilles souches sont hélas
détruites. Il est aussi très utilisé en bois de service, à
l’usage du charbon de bois, du goudron végétal, de la gomme
sandaraque (fabrication de vernis). Ses feuilles sont
appréciées en tannerie et en médecine traditionnelle :
décoction abortive, contre le torticolis, les maux
d’estomac et le Choléra (avec du petit lait !)
Les
communautés végétales des Beni-Snassen
Les groupements
forestiers et préforestiers, les matorrals et les ermes des
Beni-Snassen ont fait l'objet de nombreuses études
phytosociologiques, phytoécologiques, écophysiologiques et
éthnobotaniques. La synthèse de ces documents permet d’y
reconnaître les formations végétales dominantes énumérées
ci-après. Leur recouvrement et leur densité s’avèrent
variables :
Ceratonio siliquae-Tetraclinetum articulatae :
Ceratonia
siliqua, Tetraclinis articulata, Ampelodesma mauritanicum,
Genista tricuspidata.
Rosmarino tournefortii-Tetraclinetum articulatae :
Tetraclinis
articulata, Olea europaea, Rosmarinus tournefortii, Cistus
libanotis.
Lavandulo dentatae-Genistetum durieui : Tetraclinis
articulata, Olea europaea, Ceratonia siliqua, Lavandula
dentata, Genista durieui, Calycotome
intermedia.
Cytiso arborei-Quercetum cocciferae : Quercus
coccifera, Pistacia lentiscus, Cytisus arboreus,
Ampelodesma mauritanicum.
Euphorbio briquetii-Quercetum rotundifoliae :
Quercus
rotundifolia, Juniperus oxycedrus, Adenocarpus decorticans,
Euphorbia briquetii, Citisus ladanifer, Cytisus
arboreus.
Salixo pedicellae-Neriumetum oleandae : Salix
pedicellata, Nerium oleander, Tamarix amplexicaule, Juncus
acutus, Mentha rotundifolia.
Scrophulario aquaticae-Nasturtietum officinalis :
Nasturtium
officinale, Scrophularia aquatica.
La tétraclinaie
(ou callitraie), la chênaie verte (ou iliçaie), la
cocciféraie et les formations des ripisylves sont celles
présentant la meilleure dynamique. La chênaie verte et la
cocciféraie offrent les meilleurs taux de régénération par
semis et rejets, tout comme la ripisylve à saules, à
Laurier-rose et à Tamaris. La tétraclinaie accuse une
régénération moyenne et par endroit quasiment absente.
Aperçu botanique des Monts de l’Oriental
« Il y
a quelque chose de merveilleusement doux, dans cette étude
de la nature,
qui attache un nom à tous les êtres, une pensée à tous les
noms, une affection
et un souvenir à toutes les pensées, et l’homme qui n’a pas
pénétré dans les grâces de ces mystères,
a peut-être manqué d’un sens pour bien goûter la
vie. »
Charles Nodier
Ce catalogue de plantes vasculaires reprend
in
extenso l’inventaire
botanique des Monts de Beni-Snassen (Source
essentielle : MedWestCoast, 2002), très complété et
amplifié par certaines espèces d’autres massifs du Nord-Est
marocain, notamment du Debdou. Quand ils sont disponibles,
les noms vernaculaires français et marocains
(arabo-berbères souvent locaux) ont été mentionnés. L’ordre
est alphabétique par défaut.
PTERIDOPHYTES
POLYPODIACEAE :
Adiantum
capillus-veneris (Cheveux de
Vénus), Asplenium
petrarchae (Asplénie de
Pétrarque), A.
ruta-muraria (Rue de
muraille), Cystopteris
filix-fragilis (Fougère-femelle),
Ophioglossum
vulgatum (Réglisse des
bois), Polypodium
vulgare (Réglisse des
bois)
EQUISETACEAE :
Equisetum ramosissimum (Prêle très
rameuse)
CONIFEROPSIDES
ABIETACEAE :
Pinus
halepensis (Pin
d’Alep, snouber,
reboisé)
CUPRESSACEAE :
Juniperus oxycedrus (Genévrier
oxycèdre, tagga),
Tetraclinis
articulata (Thuya de
Berbérie, ârâar)
GNETOPSIDES
EPHEDRACEAE :
Ephedra fragilis (Éphèdre
fragile, toussaia)
ANGIOSPERMOPSIDES
AIZOACEAE :
Aizoon
hispanicum (Aizoon
d’Espagne, tarasult)
AMARANTHACEAE :
Achyranthes
sicula (Achyranthe de
Sicile)
AMARYLLIDACEAE :
Narcissus
papyraceus (Narcisse)
ANACARDIACEAE :
Pistacia lentiscus (Lentisque,
drou),
Rhus
pentaphylla (Sumac à cinq
feuilles, tizra)
APIACEAE :
Apium nodiflorum (Ache
faux-cresson), Bunium
fontanesii (Terre-noix de
Fontanes), Eryngium
ilicifolium (Panicaut,
zerriga),
Scandix
australis (Peigne de
Vénus, Scandix de midi, mhissa),
Thapsia
cinerea (Thapsia,
tofsa),
Tingarra
sicula (Athamanthe)
APOCYNACEAE :
Nerium oleander (Laurier-rose,
defla)
ARACEAE :
Arum
italicum (Arum d'Italie,
Gouet d'Italie, yerni,
aynri,
asbaba,
qazqaz),
Arisarum
vulgare (Capuchon de
moine, Gouet à capuchon, ayerni,
oudinat
el-kelb)
ARISTOLOCHIACEAE :
Aristolochia
baetica (Aristoloche
bétique)
ASTERACEAE :
Achillea ligustica (Achillée de
Ligurie), Anthemis
pedunculata (Camomille
pédonculée, nouara al
bida),
Bellis
rotundifolia (Pâquerette à
feuilles rondes, hallala),
B.
silvestris (Pâquerette
sauvage, hallala), Carduncellus
calvus (Chardon
chauve), Carthamus
pectinatus maroccanus (Chardon
pectiné, kabouch el
hamir),
Catananche
caerulea (Cupidone,
telmet
leghza),
Centaurea
involucrata (Centaurée
involucre), C. fragilis
subinermis (Centaurée
fragile), Crupina
intermedia (Crupine,
doumran),
Gnaphallium
lueo-album (Immortelle des
marais), Hyoseris
radiata (Hyoséris
rayonnant), Hypochoeris
laevigata (Porcelle
lisse), Jasione
rupestris (Jasione des
rochers), Onopordon
acaule (Chardon
acaule), Phagnalon
rupestre (Phagnalon des
rochers), Pulicaria
odora (Pulicaire
odorante), Sonchus
maritimus (Laiteron
mairitime),
BORAGINACEAE :
Cynoglossum creticum (Cynoglosse de
Crète, Langue de chien), Echium
modestum (Vipérine),
E.
plantagineum (Vipérine,
leçan el
tsour),
BRASSICACEAE :
Alyssum atlanticum (Alysson de
l’Atlas), Arabis
verna (Arabette
printanière), Biscutella
frutescens (Lunetière
buissonnante), Cronopus
didymus,
Kremeriella
cordylocarpus (Kremerielle),
Nasturtium
officinale (Cresson de
fontaine), Sinapis
alba (Moutarde
blanche)
BUXACEAE :
Buxus
balearica (Buis des
Baléares)
CACTACEAE :
Opuntia
ficus-indica (Figuier de
Barbarie, hendia,
zaâboul)
CAMPANULACEAE :
Campanula erinus (Campanule
érinus), C.
afra,
Trachelium
caeruleum (Trachelie
Bleue)
CAPRIFOLIACEAE :
Lonicera implexa (Chèvrefeuille,
zeher el
açel),
Viburnum
tinus (Laurier-tin,
meliless)
CARYOPHYLLACEAE :
Cerastium
glomeratum (Céraiste à
fleurs agglomérées), Dianthus
sylvestris (Oeillet
sauvage)(*), Herniaria
fontanesii (Herniaire de
Fontanes), Paronychia
capitata (Paronique),
Rhodalsine
geniculata,
Silene
patula (Silène
d’Afrique du Nord)
(*) Dianthus
sylvestris est une plante
présentant un système de reproduction peu commun : la
gynomoécie-gynodioécie. Dans les populations naturelles, on
retrouve trois types d'individus : des plantes
femelles et hermaphrodites présentant des fleurs femelles
et hermaphrodites, et des plantes dites mixtes produisant
des fleurs des deux sexes. Dans un tel système les femelles
doivent avoir un avantage reproductif ou écologique
compensant la transmission de leurs gènes par la seule voie
femelle face aux hermaphrodites qui dispersent pollen et
graines.
CESALPINACEAE :
Ceratonia siliqua (Caroubier,
kharroub)
CHENOPODIACEAE :
Chenopodium murale (Chénopode des
murs, Ansérine), Noaea
mucronata (Noea
mucronée, zireg)
CISTACEAE :
Cistus clusii (C. libanotis) (Ciste du
Liban, yasir
lahmir),
C.
creticus (C. villosus)
(Ciste de Crète, chtib),
C.
heterophyllus,
C.
ladanifer (Ciste à
résine, taouzla),
C.
salvifolius (Ciste à feuille
de Sauge, tuzzalt),
C.
sericeus (Ciste),
Fumana
thymifolia (Fumeterre),
Halimium
umbellatum (Hélianthème à
bouquets), Helianthemum
apenninum (Hélianthème des
Apennins), H.
cinereum (Hélianthème
cendré), H.
helianthemoides (Hélianthème),
H.
ledifolium (Hélianthème à
feuilles de Lédum), H.
polyanthum,
H.
syriacum (Hélianthème de
Syrie)
CONVOLVULACEAE :
Convolvulus
arvensis (Liseron
sauvage, alleg,
luwaya),
C.
cantabrica (Liseron de
Biscaye), C.
humilis (Liseron),
C. siculus
elongatus (Liseron),
C.
valentinus (Liseron,
luwaya)
CYPERACEAE :
Scirpus holoschoenus (Scirpe en
jonc), S.
lacustris (Scirpe des
étangs)
ERICACEAE :
Arbutus
unedo (Arbousier,
sasnou,
bakhannou),
Erica
arborea (Bruyère
arborescente, bou
heddad),
E.
multiflora (Bruyère à
fleurs nombreuses, khenej),
E.
scoparia (Bruyère à
balais)
EUPHORBIACEAE :
Euphorbia briquetii,
E.
characias (Euphorbe
characias), E. clementei
faurei (Euphorbe),
E.
hirsuta (Euphorbe
érissée), E.
serrata (Euphorbe
dentée), Mercurialis
annua (Mercuriale
annuelle), Ricinus
communis (Ricin,
kherwâa,
introduit)
FABACEAE :
Adenocarpus bacquei,
A.
decorticans (Adénocarpe,
ourzir),
Anthyllis
cytisoides (Anthyllide
faux-Cytise), A.
polycephalla, A. tetraphylla (Anthyllide
tétraphylle), A.
vulneraria (Anthyllide
vulnéraire, areg,
safir),
Astragalus
armatus (Astragale
épineuse), A.
bourgaeanus,
A.
caprinus (Astragale des
Chèvres), A. faurei,
A. geniculata (Astragale
genouillée), A.
lusitanicus
(Astragale du
Portugal), Calycotome
villosa intermedia (Calycotome,
gandoule),
Colutea
atlantica (Baguenaudier,
qboura),
Coronilla
scorpioides (Coronille
Queue-de-Scorpion), Cronanthus
biflorus,
Cytisus
arboreus (Cytise,
Genêt), Ebenus
pinnata (Ébénier,
jibana),
Genista
cephalanta demnatensis (Genêt),
G.
erioclada (Genêt
chabrague), G. hirsuta
erioclada (Genêt,
chabrague),
G.
ramosissima (Genêt très
ramifié), G.
spartioides pseudoretamoides (Genêt
balai, hait el
atrous),
G.
tricuspidata duriaei (Genêt,
guendoul),
Lotus
collinus (Lotier),
Onobrychis argentea (Sainfoin
argenté), Ononis
laxiflora (Bugrane à
fleurs lâches), O.
reclinata (Bugrane à
fleurs renversées), O.
natrix (Bugrane
gluante, Bugrane jaune, Coquesigrue, l’henna),
Scorpiurus
sulcatus (Queue de
Scorpion), Trifolium
arvens (Trèfle
commun, nefel),
T.
campestre (Trèfle des
champs, nefel),
Ulex
parviflorus (Ajonc à petites
fleurs), Vicia
onobrychioides (Vesce faux
sainfoin), V.
vicioides
FAGACEAE :
Quercus
coccifera (Chêne
kermès, kermez,
kouriche al
hallof),
Q.
rotundifolia (Chêne
vert, kouriche
bouhar,
kerrouch
tassaft,
ballout)
GERANIACEAE :
Geranium atlanticum (Géranium,
ibrat el
raai),
G.
lucidum (Géranium
luisant), G.
molle (Géranium mou)
GLOBULARIACEAE :
Globularia alypum (Globulaire,
tsselgha)
IRIDACEAE :
Iris tingitana (Iris de Tanger)
JUNCACEAE :
Juncus acutus (Jonc,
smar),
J.
articulatus (Jonc à fruits
luisants), J.
bufonius (Jonc des
Crapauds)
LAMIACEAE :
Ballota hirsuta (Marrube
hirsute), Lavandula
dentata (Lavande
dentée, khzama),
L.
multifida (Lavande,
kohhayla),
L.
stoechas (Lavande
stoechade, Lavande Papillon, halhal),
Marubium
vulgare (Marrube,
mrrioua),
Mentha
rotundifolia (Menthe à
feuilles rondes, timarssat),
M.
pulegium (Menthe
pouillot, fliou),
Nepeta
multibracteata (Nepeta,
gouzeia),
Rosmarinus
officinalis (Romarin
officinal, azir),
R.
torunefortii (Romarin de
Tournefort, azir),
Salvia
argentea (Sauge
argentée), Satureja
briquetii (Sariette,
menta),
S.
calamintha (Calmenthe,
menta),
Sideritis
incana (Crapaudine,
majja),
Stachys
saxicola laxa (Épiaire,
m’soufa),
Thymus
ciliatus munbyanus,
Teucrium
capitatum (Germandrée,
goutiba),
T.
polium (Germandrée
dorée)
LILIACEAE :
Anthericum liliago (Phalangère,
Herbe à l'araignée, Fleur de Lis), Allium
flavum (Ail
jaune,
busela),
Aphyllanhtes
monspeliensis (Aphyllante de
Montpellier), Asparagus
albus (Asperge
blanche, sakkum),
A.
acutifolius (Asperge à
feuilles aigües, sakkum),
A.
stipularis (Asperge),
Asphodellus
acaulis (Asphodèle,
azzida),
A. cerasiferus
(Asphodèle
porte-cerises), A.
fistulosis (Asphodèle
fistuleux), A.
microcarpus (Asphodèle à
petits fruits), A.
tenuifolius (Asphodèle à
feuilles étroites), Gagea
durieui (busela),
Ornithogalum
tenuifolium (Aspergette),
Merendera
filifolia (Mérendère à
feuilles filiformes), Ruscus
aculeatus (Petit
Houx, mourjal),
Smilax
aspera (Salsepareille,
luwâya,
uchba),
Urginea
maritima (Scille
maritime, Urginée, âansal,
bsal
l-khenzir,
timzirt)
LYTHRACEAE :
Lythrum junceum (Salicaire,
sabun
l-ma)
MALVACEAE :
Lavatera
olbia (Mauve royale,
Lavatère d’Hyères, l’khobbiza,
beqqula),
Malope
tripartita,
Malva
parviflora (Mauve à petites
fleurs, l’khobbiza,
beqqula),
M.
sylvestris (Grande Mauve,
Mauve sylvestre, l’khobbiza),
MORACEAE :
Ficus
carica (Figuier,
karmosse)
OLEACEAE :
Jasminum
fruticans (Jasmin,
ghoul al
ghaba),
Olea europea
sylvestris (Oléastre,
zebouge),
Phillyrea
angustifolia (Phillaire,
qtam),
ORCHIDACEAE :
Ophrys
ciliata (Ophrys miroir)
PALMACEAE :
Chamaerops
humilis (Palmier
main, doum)
PAPAVERACEAE :
Papaver
pinnatifidum (Pavot
penné)
PLANTAGINACEAE :
Plantago
albicans,
P.
amplexicaulis (Plantain
amplexicaule, l’yâlma),
P.
coronopus (Plantain corne
de Cerf), P.
major (Plantain à
larges feuilles), P. serraria,
POACEAE :
Agrostis
semi-verticillata (Agrostis),
Ampelodesma mauritanicum (Ampélodesme,
diss),
Aristida
caerulescens (Aristide
bleue), Arundo
donax (Roseau,
qsob),
Stipa
barbata (Stipe
barbu), S.
fontanesii,
S.
lagascae,
S.
tenacissima (Alfa)
POLYGALACEAE :
Polygala
rupestris oxycoccoides (Laitier des
rochers)
POLYGONACEAE :
Rumex
vesicarius (Oseille
vésiceuse)
PORTULACACEAE :
Montia
fontana (Montie des
sources)
POTAMOGETONACEAE :
Potamogeton
natans (Potamot
nageant), P.
nodosus (Potamot
noueux), P.
pectinatus (Potamot
pectiné), P.
trichoides (Potamot
filiforme)
PRIMULACEAE :
Anagallis
monelli (Élide mouron
des champs), Samolus
valerandi (Samole de
Valérand)
PUNICACEAE :
Punica
granatum (Grenadier,
romane,
apport phénicien)
RANUNCULACEAE :
Clematis
cirrhosa (Clématite,
louwaya),
C.
flammula (Clématite,
masouaka),
Ranunculus
paludosus (Renoncule des
marais), R. spicatus
rupestris,
RHAMNACEAE :
Rhamnus
alaternus (Alaterne,
Nerprun, ambîles),
R.
lycioides
ROSACEAE :
Crataegus
laciniata (Aubépine
commune), C.
oxyacantha monogyna (Aubépine
épineuse, admame),
Eriobotrya
japonica (Néflier,
lamzah,
introduit), Potentilla
reptans (Potentille
rampante, Quintefeuille), Prunus
amygdalus (Amandier,
louz), Rosa
canina (Eglantine,
Rosier des chiens, ward,
âisus,
tihfert,
nesrin),
R.
sempervirens (Rosier toujours
vert, ward),
Rubus
ulmifolius (Ronce,
setif),
Sanguisorba
minor (Petite
Pimprenelle)
RUBIACEAE :
Asperula
hirsuta (Aspérule
hirsute), Crucianella
angustifolia (Crucianelle à
feuilles étroites), Gallium
mollugo (Gaillet
mou), G.
verticillatum
(Gaillet),
G.
viscosum (Gaillet
visqueux), Putoria
brevifolia (djefna),
Rubia
perigrina (Garance
voyageuse)
SALICACEAE :
Populus alba subintegerrima (Peuplier
blanc, sefsaf),
Salix
pedicellata (Saule,
al
âma),
SAXIFRAGACEAE :
Saxifraga
globulifera (Saxifrage
globuleuse), S.
granulata (Saxifrage
granulée)
SCROPHULARIACEAE :
Antirrhinum majus (Muflier Gueule
de loup), Linaria
heterophylla (Linaire),
L.
simplex (Linaire
simple), L.
tristis (Linaire
terne), Scrophularia
aquatica (Scrofulaire
aquatique), Veronica
anagallis-aquatica (Mouron
d’eau), V.
catenata (Véronique
aquatique), V.
praecox (Véronique
précoce)
SOLANACEAE :
Solanum
nigrum (Morelle
noire, eneb
addib),
Withania
frutescens (chejrat
l’hbîla,
irremt)
TAMARICACEAE :
Tamarix
amplexicaule (Tamaris,
bou-âriche)
THYMELAEACEAE :
Daphne
gnidium (Garou,
azaz)
VALERIANACEAE :
Fedia
graciliflora snassenorum (Fédia,
helhalet en
naadja),
Valerianella
carinata (Doucette,
Boursette, Mâche à carène,
Valérianelle
carénée),
VERBENACEAE :
Verbena
officinalis (Verveine
officinale), V.
supina (Verveine
rampante)
ZYGOPHYLLACEAE :
Peganum
harmala (Rue de Syrie)
Zoocénose
Le
peuplement mammalien
Quelques
extraits encyclopédiques pour un peu d’humilité...
« Nul ne sait
si l'homme préhistorique était sensible aux senteurs des
fleurs. »
Alain Gullino
Étymologiquement, « Mammifère » signifie
« qui porte des mamelles » : ce caractère, parmi
d'autres, sépare cette classe du règne animal des autres
Vertébrés. L’Ornithorynque, ovipare, est une exception
primitive ! Les premiers Mammifères sont apparus il y
a 220 millions d'années, ce qui semble donner à l'Homme,
Mammifère le plus évolué entré en scène il y a 3 millions
d'années, le rôle d'un tout nouveau figurant dans
l'histoire de la biosphère. Les Mammifères descendent des
Reptiles, animaux « à sang froid » et au corps
couvert d'écailles, datés du commencement de l'ère
paléozoïque, il y a 400 millions d'années. Vers la fin de
cette période, certains d'entre eux, dont le squelette
ressemblait grossièrement à celui des Lézards actuels,
acquirent progressivement des caractères nouveaux, qui se
sont perpétués chez les Mammifères. L'ancêtre commun à tous
les Mammifères fait partie de ces Reptiles dits
« mammaliens », également appelés Synapsidés.
Capables de vivre sous toutes les latitudes grâce à leurs
mécanismes de régulation thermique, les Mammifères ont pu
s'implanter dans tous les grands milieux naturels : milieux
fermés tels que les forêts et les montagnes ; milieux
ouverts comme les savanes et les steppes, les déserts
chauds ou les étendues glacées, jusqu'aux océans et au
milieu aérien, en peuplant toutes les niches écologiques.
Cette dispersion écologique a été corrélative de
spécialisations en rapport avec les contraintes de
l’environnement. Le facteur initial de la diversification
des Mammifères a sans aucun doute été l'exploitation des
ressources alimentaires. À partir du moment où, devenus
suffisamment nombreux, ils entrèrent en concurrence, ils
passèrent de la consommation d'Insectes, de vermisseaux ou
d'autres petites proies à celle de végétaux, graines et
fruits, racines et tubercules, herbes et feuillages, et
certains commencèrent à consommer leurs semblables. Cette
recherche de la nourriture les mena de la vie terrestre à
un mode de vie arboricole ; des espaces fermés, où il est
plus facile d'échapper aux dangers, à la conquête des
espaces ouverts ; des rivages littoraux aux océans, que les
ancêtres de leurs ancêtres reptiliens avaient quitté des
millions d'années auparavant ; et des arbres enfin, ils
prirent leur envol. La plupart des Mammifères ont un
domaine vital, qu'ils parcourent jour après jour en quête
de nourriture. Les limites en sont indiquées aux congénères
par des marques odorantes, dépôts d'excréments, sécrétions
glandulaires ou visuelles, voire encore par grattage des
arbres ou du sol. Chez les espèces grégaires, le domaine
des individus est celui du groupe. Le territoire est
généralement beaucoup plus petit que le domaine. Il est
défini au moment de la reproduction et son propriétaire le
défend farouchement contre les intrus ; c'est aussi le lieu
des rituels qui accompagnent la reproduction.
Hominidé : Mammifère Primate de la super-famille des
Hominoïdes tel que le Gorille, les Chimpanzés et l'Homme
actuel ainsi que ses ancêtres fossiles les plus proches.
Homininé : Mammifère Primate tel que l'Homme actuel et les
espèces fossiles les plus voisines considérées comme des
ancêtres possibles de notre espèce. Les Homininés forment
une sous-famille de la famille des Hominidés.
Hominoïde : Primate supérieur dépourvu de queue. La
super-famille des Hominoïdes comprend les trois familles
des Hylobatidés (Gibbon, Siamang), des Pongidés
(Orang-outan) et des Hominidés (Gorille, Chimpanzés, Homme
actuel et ses ancêtres fossiles les plus proches).
Homme : Mammifère de l'ordre des Primates, doué
d'intelligence et d'un langage articulé, caractérisé par un
cerveau volumineux, des mains préhensiles et la station
verticale. Les étapes de l'évolution de l'Homme se marquent
par l'accroissement de la capacité crânienne, le recul du
trou occipital, la réduction de la mandibule, l'adaptation
croissante à la bipédie.
L'université d'Etat de Wayne, à Détroit (États-Unis) a
analysé les 97 gènes fonctionnels de l'Homme et du
Chimpanzé. La coïncidence entre les deux génomes est
de 99,4 %. Devant
tant de ressemblance, les chercheurs ont proposé de classer
les Pan
troglodytes et les
Pan
paniscus dans le genre
Homo ! Pour mémoire, l'Homo
sapiens est actuellement
l'unique représentant du genre !
Sur le site des Beni-Snassen, ce Mammifère qu’est l’Homme
est finalement assez peu distribué puisque la population
légale recensée en 1994 sur les communes rurales qui
composent le bassin versant du site des Beni-Snassen
n’était que de 52.000 personnes, dont seulement 15 %
résident sur le secteur le plus sensible, toutes occupées
par l’agropastoral. L’indice de fécondité est de 2,77 et
les jeunes générations se préparent résolument à rejoindre
les villes marocaines proches ou à émigrer en Europe...
pour devenir « Robot sapiens » !
D’autres viennent d’entreprendre la culture des
Nèfles... ! A noter donc que les dégradations
constatées de ce bel environnement sont le fait de
visiteurs.
Cette montagne était jadis célèbre non seulement pour ses
grands Rapaces, mais aussi pour ses populations d’Hyène, de
Lynx, de Gazelle de Cuvier et de Mouflon. Ces représentants
climaciques en ont été vidés par la prédation humaine. La
Zorille (Poecelitis
libyca) n’y a jamais
été repérée mais est pressentie. Les Mammifères
régulièrement contactés sont : le Chacal
(Canis
aureus), le Renard
roux (Vulpes
vulpes), le Chat ganté
(Felis
libyca), la Mangouste
(Hepestes
ichneumon), la Genette
(Genetta
genetta), la Belette
(Mustela
nivalis), le Sanglier
(Sus scrofa
barbarus), le
Lièvre (Lepus
capensis), le Lapin de
garenne (Oryctolagus
cunuculus),
le
Hérisson d’Algérie (Erinaceus
algirus), la Musaraigne
de Whitaker (Crocidura
whitakeri),
la
Musaraigne musette (Crocidura
russula), le Pachyure
étrusque (Suncus
etruscus), le Rat à
trompe (Elephantilus
rozeti), le Porc-épic
(Hystrix
cristata), l’Écureuil de
Barbarie (Atlantoxerus
getulus), la Grande
Gerboise (Jaculus
orientalis), la Gerbille
champêtre (Gerbillus
campestris), le Mérione de
Shaw (Meriones
chawi), le Mulot
(Apodenus
sylvaticus), le Rat rayé
(Lemnoscomys
barbarus), le Surmulot
(Rattus
norvegicus), le Rat noir
(Rattus rattus), la souris grise (Mus
musculus), la Souris
sauvage (Mus
spretus), le Lérot
(Eliomys
quercinus), le Grand
Rhinolophe fer à cheval (Rhinolophus
ferrumequinum), le Petit
Rhinolophe fer à cheval (Rhinolophus
hipposideros), le Rhinolophe
euryale (Rhinolophus
euryal), le Rhinolophe
de Mehely (Rhinolophus
mehelyi), le Rhinolophe
de Blasius (Rhinolophus
blasii), le Murin à
oreille échancrée (Myotis
emarginatus), le Murin de
Capaccini (Myotis
capaccinii), le Petit
Murin (Myotis
biythi), la
Pipistrelle commune (Pipistrellus
pipistrellus), la
Pipistrelle de Kuhl (Pipistrellus
kuhli), la
Pipistrelle de Savi (Pipistrellus
savii), la Sérotine
(Eptesicus
serotinus), l’Oreillard
gris (Plecotus
austriacus), le Minioptère
(Miniopterus
schereibersi).
L’avifaune
« Dieu aima
les oiseaux et inventa les arbres.
L'homme aima les oiseaux et inventa les
cages. »
Jacques Deval
Voici l’inventaire des espèces contactées sur le chaînon
des Beni-Snassen, ainsi que plus généralement sur les Monts
de l’Oriental à formations similaires comme le Djebel
Debdou. Pour ce qui concerne les unités collinéennes non
boisées et à prédominance alfatière, tels tous les massifs
du secteur de Jerada, l’avifaune est alors plus affine à
celle de la steppe herbacée, plus spécialisée et ainsi de
moindre diversité. A cette liste d’observations, quelques
Oiseaux très potentiels ont été ajoutés.
Cigogne blanche, Cigogne noire (de passage), Héron
gardeboeufs, Aigrette garzette, Héron cendré, Héron
bihoreau, Milan noir, Milan royal (au moins en hivernage),
Élanion blanc, Percnoptère d’Égypte (de passage), Vautour
fauve (de passage et peut-être en hivernage), Circaète
Jean-le-Blanc, Épervier d’Europe, Autour des palombes (de
passage et hivernant rare), Buse féroce, Buse variable (de
passage et hivernante rare), Bondrée apivore (de passage
régulier), Aigle botté, Aigle de Bonelli (probablement
sédentaire), Busard des roseaux (de passage), Busard
Saint-Martin (hivernant), Busard cendré (hivernant),
Faucon crécerellette, Faucon crécerelle, Faucon pèlerin,
Faucon de Barbarie (sédentaire rare ?), Faucon lanier
(sédentaire ?), Faucon hobereau, Perdrix gambra,
Caille des blés, Grue cendrée, Oédicnème criard, Bécassine
des marais, Bécasse des bois, Chevalier sylvain, Culblanc
(?), Guignette (?), Petit Gravelot (?), Pigeon biset,
Pigeon ramier, Tourterelle des bois, Tourterelle turque,
Coucou-geai, Coucou gris, Chevêche d’Athéna, Chouette
hulotte, Hibou moyen-duc, Engoulevent d’Europe, Engoulevent
à collier roux, Martinet noir, Martinet pâle, Martinet à
ventre blanc, Martinet des maisons (ou à
croupion blanc), Martin-pêcheur, Guêpier d’Europe, Rollier
d’Europe, Huppe fasciée, Pic de Levaillant, Pic épeiche,
Torcol fourmilier (de passage), Cochevis huppé, Cochevis de
Thékla, Alouette lulu, Alouette des champs, Hirondelle de
rivage, Hirondelle de rochers, Hirondelle rustique (ou de
cheminée), Hirondelle rousseline, Hirondelle de fenêtre,
Bergeronnette printanière, Bergeronnette des ruisseaux,
Bergeronnette grise, Pipit farlouse, Pipit des arbres,
Pipit rousseline, Bulbul des jardins, Troglodyte mignon,
Agrobate roux, Rouge-gorge familier, Rossignol philomèle,
Rouge-queue noir (de passage et
hivernant), Rouge-queue à front blanc (de passage et
peut-être hivernant exceptionnel), Rouge-queue (=Rubiette)
de Moussier, Tarier des prés (seulement de passage), Tarier
pâtre, Traquet motteux (passage), Traquet de Seebohm,
Traquet oreillard, Traquet rieur, Monticole de roches,
Monticole bleu, Merle noir, Grive musicienne
(de
passage et hivernante), Grive mauvis (de passage et
hivernante), Grive draine, Bouscarle de Cetti, Cisticole
des joncs, Rousserolle effarvatte, Phragmite des joncs,
Hypolaïs obscure, Hypolaïs polyglotte, Fauvette pitchou,
Fauvette passerinette, Fauvette à lunettes, Fauvette
mélanocéphale, Fauvette orphée, Fauvette grisette, Fauvette
à tête noire, Pouillot de Bonelli, Pouillot véloce,
Pouillot fitis, Pouillot siffleur, Pouillot ibérique,
Gobe-mouches gris, Gobe-mouches noir, Mésange charbonnière,
Mésange bleue, Mésange noire, Loriot d’Europe, Pie-grièche
méridionale, Pie-grièche à tête rousse, Geai des Chênes,
Grand Corbeau, Crave à bec rouge, Choucas des tours,
Étourneau unicolore, Étourneau sansonnet, Moineau
domestique, Moineau espagnol, Moineau soulcie, Pinson des
arbres, Serin cini, Verdier d’Europe, Chardonneret élégant,
Tarin des aulnes, Linotte mélodieuse, Beccroisé des sapins,
Grosbec casse-noyaux, Bruant zizi, Bruant fou, Bruant
ortolan, Bruant striolé, Bruant proyer.
L’herpétofaune
« Quand
une tortue a mangé un serpent, pour ne pas en mourir,
elle doit immédiatement manger de
l’origan. »
Aristote
Bien documenté, l’inventaire des Amphibiens et des Reptiles
des Monts de Beni-Snassen est parmi les plus exhaustifs du
Maroc. Il comprend les espèces suivantes :
La Salamandre tachetée (Salamandra
algira), le
Discoglosse peint (Discoglossus
pictus scovazzi), le Crapaud
commun (Bufo
bufo spinosus),
le Crapaud de Maurétanie (Bufo
mauritanicus), le Crapaud
vert (Bufo
viridis), la Rainette
méridionale (Hyla
meridionalis), la Grenouille
verte d’Afrique (Rana
saharica), la Tortue
grecque ou mauresque (Testudo
graeca), l’Émyde
lépreuse (Mauremys
leprosa), la Tarente
commune (Tarentola
mauritanica), le
Sténodactyle de Maurétanie (Saurodactylus
mauritanicus), le
Saurodactyle de Maurétanie (Saurodactylus
mauritanicus), le Caméléon
commun (Chamaeleo
chamaeleon), l’Agame de
Bibron (Agama
impalearis), le Lézard
ocellé d’Afrique du Nord (Lacerta
pater) (présence
pressentie), le Psammodrome algire (Psammodromus
algirus), l’Érémias
d’Olivier (Mesalina
olivieri),
l’Acanthodactyle-panthère (Acanthodactylus
maculatus),
l’Acanthodactyle rugueux (Acanthodactylus
boskianus), le Seps
ocellé (Chalcides
ocellatus), le Seps strié
(Chalcides
minutus), l’Eumécès
d’Algérie (Eumeces
algeriensis), le
Trogonophis jaune (Trogonophis
wiegmanni), la Couleuvre
fer à cheval (Coluber
hippocrepis), la Couleuvre
à capuchon (Macroprotodon
cucullatus mauritanicus), la Couleuvre
à capuchon du Maghreb (Macroprotodon
abubakeri) (nouvelle
espèce décrite des Beni-Snassen en 2001), la Couleuvre de
Montpellier (Natrix
maura), la Couleuvre
de Montpellier (Malpolon
monspessulanus), la Couleuvre
de Schokar (Psammophis
schokari), la Vipère de
Mauritanie (Macrovipera
mauritanica).
Quelques Reptiles non signalés dans les Monts de
Beni-Snassen mais présents sur quelques autres massifs de
l’Oriental ou sur des sites littoraux sont : le Lézard
à lunettes (Scelarcis
perspicillata) (Debdou), le
Lézard hispanique (Podarcis
hispanica), le
Psammodrome de Blanc (Psammodromus
blanci),
l’Acanthodactyle de Duméril (Acanthodactylus
dumerili) (?), le Seps à
deux doigts (Chalcides
mauritanicus),
Chalcides
ghiarai (seulement connu
au Maroc des alentours de l’embouchure de la Moulouya), la
Couleuvre girondine (Coronella
girondica), la Vipère de
Lataste (Vipera
latasti gaditana).
Panorama entomologique
Le panel des niches écologiques étant assez varié, la
richesse entomologique de cette chaîne ne l’est pas moins.
En voici un aperçu d’abord pour les seuls Coléoptères dont
le mérite est, avec les Lépidoptères, d’être toujours les
mieux connus puisque matières à passion maximale de la part
des entomologistes. Une cinquantaine d’espèces de
Carabidae
a
été recensée sur place, dont un Calosome,
Calosoma
olivieri, deux
Carabes : Carabus
favieri (ssp.
locale lepelletieri)
et C.
morbillosus (restreint aux
Gorges du Zegzel et à protéger !), deux Nébries
ripicoles (Nebria
andalusa et
rubicunda),
ainsi que des représentants des genres Techidae,
Pterostichidae,
Harpalidae,
Callistidae,
Masoreidae,
Brachinidae.
Les Scarabaeoidea
sont
représentés par quelques Trox ; un riche cortège de
coprophages comme : des Geotrupidae,
de très nombreux Aphodius,
Scarabaeus
variolosus,
Gymnopleurus
flagellatus,
Copris
hispanus,
Bubas
bison,
Onitis
numida et
O.
ion, six espèces
d’Onthophagus ;
puis trois espèces de Glaphyridae,
plusieurs « Hannetons », une Hoplie
(Hoplia
peroni) et quatre
espèces de Cétoines. Trente espèces pour une vingtaine de
genres de Ténébrions se partagent le site. Parmi les
Cerambycidae
(Longicornes),
on peut citer : Strangalia
approximans,
Deilus
fugax,
Penichroa
fasciata, Hesperophanes griseus,
Trichoferus
fasciculatus,
Phoracantha
semipunctata,
Semanotus
laurasi,
Plagionotus
scalaris,
Purpuricenus
barbarus, Parmena pubescens
algirica,
Niphona
picticornis,
Stenidea
troberti,
Eupogonochaerus
perroudi,
Calamobius
filum,
Conizonia
detrita,
Opsilia
coerulescens,
Opsilia
molybdaena. Au moins trois
espèces de Buprestes hantent les Beni-Snassen :
Acmaeodera
pulchra,
Anthaxia
nigritula et
Meliboeus
amethystinus. Une dizaine
d’espèces de Chrysomèles et une trentaine de Charançons
sont à joindre à ce tableau des Coléoptères. L’entomofaune
d’autres massifs comme celui de Debdou compte quelques
variantes, notamment la présence massive certaines années
favorables du Bupreste Julodis
onopordi.
Les Arthropodes d’eau douce sont des Coléoptères
hydrocanthares, de nombreuses entités parmi les Odonates
dont le stade larvaire est aquatique (riche cortège en
raison du réseau hydrographique, de l’existence de sources
et d’eaux dormantes), des Hétéroptères nageurs, de nombreux
Mollusques et Crustacés. Les cortèges d’Orthoptères, de
Diptères, d’Hémiptères, etc., auxquels il convient
d’ajouter une longue liste d’Arachnides réalisent un bilan
de faunule très édifiant comme preuve d’une biodiversité
méritante.
On pourrait aussi parler des Poissons : il existe, par
exemple, une source thermale chaude jaillissant au pied de
la Grotte du Chameau et cette station constitue une frayère
pour divers Poissons, notamment pour un Barbeau local
(bouri)
(Barbus
moulouyensis).
Avis de recherche
En 1849,
l’entomologiste Lucas décrivait d’Algérie occidentale
(Djemmaa) un fabuleux Carabe à la sculpture obsolète
et fortement cychrisé (rostre allongé) :
Carabus
aumonti, forme
unanimement apparentée à Carabus
morbillosus, dont
C.
aumonti n’est qu’un
aspect prodigieusement adapté. En 1895, Bedel en nomma une
race marocaine, la ssp. maroccanus,
capturée dans la plaine des Angad d’Oujda (le type porte
l’étiquette « Lalla Maghrnia »). Dans les années
60, Antoine, coléoptériste alors résident, signalait la
raréfaction de cet énorme (plus de 4 cm de longueur) et
spectaculaire Insecte prédateur d’Escargots, arguant de la
mise en valeur agricole de cette plaine des Angad. Les
derniers spécimens observés communément le furent dans les
années 60... à l’hippodrome de Melilla. On est depuis sans
aucune nouvelle – ou presque – du Carabe d’Aumont…
Compter les Papillons...
Sans atteindre la qualité du Rif ou des Atlas, les Monts de
l’Oriental présentent un certain intérêt lépidoptérique,
notamment par la présence d’entités propres à l’Algérie. 35
espèces de Rhopalocères, agrémentées de quelques Zygènes
remarquables, volent au sein des refuges de ces petits
massifs dont elles sont évocatrices du stade plus ou moins
compromis de conservation.
L’association la plus riche est celle des Monts de
Beni-Snassen, notamment identifiée au tout premier
printemps par la Proserpine (Zerynthia
rumina) où pousse
l’Aristolochia
baetica, plante-hôte de
la chenille. Les meilleures niches sont rudérales,
mitoyennes des cultures extensives et des terrasses ou en
rives des oueds, uniquement dans la partie orientale du
versant méditerranéen. C’est un isolat très intéressant
pour cette espèce. Le Pacha à deux queues
(Charaxes
jasius) et la Thécla
de l’Arbousier (Callophrys
avis), sont les
sentinelles de l’arbouseraie, le premier s’en éloignant
fort loin et jusque dans les vergers de Berkane pour y
déguster le suc des fruits jonchés au sol.
Pyronia
bathseba,
Coenonympha
lyllus,
C.
arcanioides et
surtout C. (dorus)
austauti, tous tributaires
des petites Graminées, sont les habitants du matorral quand
il est bien stratifié et assez indemne (comme aux alentours
de Taforalt). Le dernier Papillon cité, dont l’aire se
superpose à l’Atlas Tellien (Nord-Ouest algérien), ne
possède que les Monts de Beni-Snassen comme station
marocaine. La présence, sur les peuplements de
Baguenaudiers qui subsistent au sud-est de Berkane et juste
au nord de Taforalt, du grand Lycène l’Azuré de l’Oranie
(Iolana
debilitata), qui ne compte
au Maghreb occidental que trois ou quatre implantations,
devrait impliquer une mise en défends intégrale de tout
l’habitat, pour l’instant en bon état. Le même Papillon a
disparu des alentours du Col de Jerada où sa plante
nourricière arborescente fut la proie de prédilection des
insatiables Caprins. D’autres Rhopalocères peuvent être
cités comme Anthocharis
belia,
certains Euchloe,
Argynnis
pandora seitzi,
Melitaea
didyma,
Hipparchia
hansii,
H.
fidia, etc. Très à
l’ouest (secteur de Mechra-Hammadi), quelques collines
d’Alfa abritent une colonie de Berberia
abdelkader et une petite
biocénose de transition à la steppe des Haut Plateaux. Deux
Zygènes éminemment sténoèces et de très grand intérêt
volent dans les Monts de Beni-Snassen où elles sont
étroitement localisées et très sensibles à
l’altération du milieu : Zygaena
marcuna tlemceni (larve
sur Ononis
natrix) et
Z. favonia
sebdouensis (sur
Eryngium
sp.). Notons ici
que bien des taxons sont baptisés de noms évocateurs de
l’Ouest algérien.
Le cortège est bien plus modeste sur le Djebel Debdou où
les Rhopalocères ne comptent aucune espèce d’intérêt
spécial mais deux Zygènes (Hétérocères) remarquables s’y
trouvent. Il s’agit de Zygaena
marcuna ahmarica, en voie
d’extinction car par un mauvais hasard ses stations sont
ponctuellement victimes du piétinement intensif d’un
cheptel ovin sédentaire (maison forestière d’Aïn-el-Kbira
où les alentours sont livrés à un pacage sans le moindre
discernement, Gaada de Debdou) et de la rare
Zygaena
loyselis loyselis. Quant à la
faune des Papillons du Djebel Kouali, elle est désormais
d’une réelle banalité.
Dans l’unité collinéenne de Jerada, ainsi qu’au sud
d’El-Aïoun, on retrouve l’entomofaune de la steppe à Alfa
et son fidèle Berberia,
avec quelques bémols sur les reliefs comme
Hipparchia
aristaeus,
H.
hansii et
H.
powelli, ainsi
que Coenonympha
fettigii au Col de
Jerada. Là encore, le spécialiste y reconnaîtra bien des
transfuges de la faune algérienne. Colotis
evagore nouna, la Piéride du
Câprier, y vole ça et là, fidèle à son Câprier-hôte les
années d’équilibre, et surnuméraire loin de l’arbuste natal
les années pluvieuses de pics opportunistes. Ce n’est pas
là une espèce vraiment bioindicatrice de la qualité des
lieux, mais plutôt d’une certaine steppisation.
Papillonnites : les invasions de
Nymphagogues
Chaque été que Dieu fait, depuis qu’une créature diabolique
du nom d’Homme a « salopé » les précieux
écosystèmes qui sont pourtant son unique cadre de vie, la
majeure partie du Maroc peu ou prou campagnard ou
montagneux connaît une invasion apocalyptique d’une Likénée
du Chêne (Heterocera
Noctuinae Catocalinae) :
Catocala
nymphagoga. C’est un
Papillon défoliateur des Chênes sclérophylles et le moindre
taillis de Chênes verts fait l’affaire. L’émergence des
adultes a lieu en fin de printemps et ils se propagent
alors par nuées, parfois très loin de la plante-hôte.
D’activité crépusculaire et nocturne, le moindre
dérangement les fait s’envoler de jour par myriades. Aucun
marocain n’ignore cette plaie, bien que très peu de gens
sachent vraiment de quoi il retourne. Traverser en voiture
certaines zones boisées en fin de journée est chose
périlleuse car les imagos s’abattent en grand nombre sur le
pare-brise dont l’essuie-glace fait alors office de
collectionneur de Papillons. Mais c’est aussi une manne
pour des compagnies marchandes de biocides et chaque année
aux alentours de juin, les « Monsanto & Co »,
toujours à l’affût de la juteuse méconnaissance populaire,
se frottent les mains ! La grande majorité des
agriculteurs, notamment arboriculteurs, voyant leurs
vergers ployer sous les masses de Likénées, craignent le
pire... Et ce ne sont pas les agents pourvoyeurs de
produits phyto-sanitaires qui vont les rassurer en leur
expliquant que le verger n’est qu’un refuge de repos et que
ces vilains Papillons sont sans danger pour les fruitiers,
ne dévorant que les Chênes à feuilles persistantes !
Tout commerce est affaire d’opportunité et miracle du
marketing sur la cible ignorante : la Likénée se fait
ennemie du Pommier ! Les bons de commande se
remplissent allègrement et les ouvriers agricoles toussent
(le masque est inconnu ou « ne fait
pas viril »
(sic !)
Les Monts de Beni-Snassen, entre-autres, peuvent servir de
laboratoire naturel pour une édifiante démonstration. Vous
en traversez à l’époque idoine un secteur sous protection,
ou pour le moins peu pâturé, là où la chênaie verte
conserve une strate végétale assez drue et bien
diversifiée : la Nymphagogue y est discrète car
l’écosystème est en équilibre. Les parasites et les
prédateurs : Hyménoptères, Calosomes, Oiseaux,
Reptiles, etc. sont là pour « faire la peau » au
plus grand nombre. C’est juste la providence, le temps d’un
festin ! Vous vous rendez ensuite dans une même
iliçaie mais dégradée cette fois (il n’y a que l’embarras
du choix !), une formation dont le sol est scalpé par
la pression des parcours en sous-bois, où décline lentement
une ossature de bois au feuillage rabougri sur une croûte
de terre desséchée. Ce sont là des centaines de milliers
de Catocala
ravageuses qui
volent éperdues en tous sens. Car il y a belle lurette que
le moindre Insectivore a pris la tangente d’une telle
« nature morte ».
Les forêts au sol érodé et démunies de sous-bois induisent
non seulement tous les indices préliminaires de la plus
dramatique désertification et de son corollaire le
lessivage pluvial (dont inondations meurtrières désormais
monnaies courantes), mais l’écosystème déstabilisé est en
outre la proie des ravageurs qui trouvent leur compte dans
cet univers monospécifique démuni du moindre contrôle
biologique. Faute de frontière, ces foyers
infestés représentent aussi une grave menace pour les
îlots mitoyens miraculeusement encore sains ou en défends,
et en vertu des menaces récurrentes de tels acmés
démographiques envahissants, le compte à rebours est en
marche.
Une telle démonstration contrastée avec l’outil
« Catocala
nymphagoga » entre
habitats en équilibre et habitats dégradés, peut être
répétée partout et notamment dans les massifs atlasiques,
pour peu qu’il reste encore çà et là quelques îlots peu ou
prou originels pour faire la différence. Car dans bien des
cas, l’infestation est continue sur les vastes périmètres
où ne règnent plus que des formations misérables de
Quercus
rotundifolia. C’est
notamment le cas dans tout l’écotone intra-atlasique entre
le Moyen Atlas central et le Haut Atlas oriental, ainsi que
dans le Haut Atlas occidental.
Les
forêts climaciques ne connaissent pas de pullulations. Fin
du sermon.
Des projets de réintroduction
En raison de ses dynamisme et configuration écologiques,
voire de sa modeste démographie, les Monts de Beni-Snassen
représentent un fort potentiel de transformation pour des
opérations de restauration tant de flore que de faune. Le
repeuplement en Chênes-liège sur les sites d’Aïn-Almou et
de Ras-Foughal, où sont réalisées les conditions
bioclimatiques (sud-humide nébuleux) et édaphiques (sol
siliceux) favorables, reste à l’ordre du jour. Avec un
programme de réhabilitation des biocoenoses et une
politique rigoureuse de veille, la réintroduction d’espèces
comme le Mouflon à manchettes (projet adopté), le Lynx, la
Gazelle de Cuvier et le Vautour est susceptible de rendre à
ce massif une partie de la richesse biologique qu’il
possédait encore il y a une trentaine d’années.
Vicissitudes et désagréments
Le
poubellien supérieur ou quand restent les restes...
« Nous sommes
les seuls animaux au monde
qui
acceptent de vivre au milieu de leurs
déjections. »
Charles Melman
« Le déchet le
plus facile à éliminer est celui que l'on n'a pas
produit.»
Anonyme
Une
forte fréquentation anthropique ne va pas sans
inconvénients pour l’écosystème amphitryon.
Durant les beaux
jours, les alentours de Taforalt, les Gorges du Zegzel et
autres niches fraîches et dépaysantes du coin deviennent
chaque week-end des espaces touristico-récréatifs pour les
familles des villes d’Oujda et de Melilla. La flore souffre
du piétinement, du déchaussement des racines, de
l’arrachage des plantes, de la souillure des eaux, par sa
simple présence le public s’oppose à la régénération. Mais
le top est ici la pollution par les ordures dont le niveau
est vraiment inimaginable, telle une couche géologique.
L’incommensurable envahissement d’une infecte strate
poubellienne du plus misérable effet est ici la signature
sans appel d’un degré zéro de citoyenneté et d’un total
dédain pour la nature. Ainsi donc, les
visiteurs de ces lieux enchanteurs sont des pollueurs
devant l’Éternel. Même affligeant constat à l’endroit de
certaines activités « récréatives » comme celle
très « m’as-tu-vu » qui consiste à laver
« sa belle voiture » dans le lit d’un oued.
« Quand ça
sent la merde, ça sent l’être. » (Antonin
Artaud). A chacun son type de « loisir »... Tout
ceci oblige à conclure en l’absence de la moindre
surveillance et du non-souci de gestion du capital vert. Il
ne s’agit pas ici d’une problématique insurmontable du type
surpâturage ou encore agrumiculture rongeant l’arganeraie,
ou d’une diplomatique vénalité pour les devises
(fauconniers du Golfe) mais « tout bêtement » et
comme en d’autres niches récréatives comparables
(voir : Source Vittel à Ifrane, Vert-Galant à
El-Ksiba, Vallée de l’Ourika, etc.) de lutter prosaïquement
contre un certain « laisser-aller ». Si
aucune infrastructure d’accueil n’est envisagée en ces
lieux de pèlerinages dominicaux, si aucun garde local n’est
susceptible de pourvoir à cette fonction, comment ne pas
qualifier d’imparable par faiblesse intellectuelle (ou
politique) le processus de dégradation du biopatrimoine à
l’échelle nationale ? Mais l’exemple ne viendrait-il
pas d’un peu plus bas... ? Visiter la petite ville de
Berkane dont les Beni-Snassen en constituent l’écrin vert,
est un réel voyage au pays des ordures.
« Quand
cesserat-on de penser qu'on peut fabriquer des citoyens de
demain en éduquant les enfants avec de simples slogans sans
rien modifier à l'environnement pestilentiel dans lequel
ils évoluent ? »
Taslima Nasreen
Berkane, petite
cité riche de son agrumiculture, de l’exportation de ses
Mandarines et de tout un panel agricole dynamisé par des
partenariats européens, est littéralement mangée par ses
poubelles, comme le sont d’ailleurs la plupart des
agglomérations de l’Oriental, avec Taourirt comme perle du
genre (à ne pas manquer !) Des détritus à tous les
coins de rue prouvent un manque d'éducation
environnementale et une démission communale qui
confèrent à la non assistance à populations en danger.
Quand il ne camoufle plus les achats (discrétion qu’oblige
une forte disparité sociale), le célébrissime sac plastique
noir qui recouvre la ville et ses alentours s’anime au
vent. Pour se débarrasser de leurs ordures, les gens y
mettent le feu, ce qui dégage des fumées toxiques. D’autres
plus « futés » achètent 15 ou 20 dirhams des
contenus de camion poubelle pour nourrir leur bétail
(viande « bio » avec ingestion de métaux
lourds...) Notre vocation naturaliste nous détourne quelque
peu du genre humain et nous n’avons guère enquêté sur les
retombées d’une telle prééminence des déchets au niveau de
la santé publique. Les lits d’oueds étant intégralement
investis par des décharges officielles ou sauvages
(chercher la différence car toutes incontrôlées...), dont
l’immense lit de l’Oued Cheraâ sur 40 ha en plein cœur de
Berkane, la contamination de la nappe doit être maximale.
Cette pollution phréatique par infiltration du lixiviat
est, on le sait, redoutable car pernicieuse. Le lixiviat
est le jus résiduel provenant de la percolation de l'eau à
travers les déchets et se chargeant de polluants
organiques, minéraux et métalliques, par extraction des
composés solubles. Outre la qualité bactériologique
exécrable, qu’en est-il des polluants inaltérables ?
Par places, on y effectue des remblais et s’y installent
alors sans plus attendre de coquets lotissements et leurs
potagers (!) Ces déchets solides se déclinent en déchets
domestiques, hospitaliers, industriels, matériaux de
construction…, qui offrent chacun un menu différent de
nuisances et de pollutions. La décharge de Berkane
recueille ainsi les déchets de l'hôpital (ceux des
abattoirs sont quant à eux enfouis dans une forêt...) et
l’on peut imaginer les risques encourus par les
« enfants orpailleurs » qui prospectent les tas
d’ordures. Quant à ceux mieux nantis et scolarisés, leur
chemin des écoliers est ainsi balisé de cet univers, ce qui
ne les prépare guère à l’écoconcience dont on se gargarise
dans les corridors des capitales. On a simplement
l’impression qu’ici, tout un chacun fait ce qu’il peut (et
l’on peut « beaucoup ») pour apporter sa
contribution, populations bien mentalisées par les papes de
la consommation et visiblement séduites par l’argument
« jetable ». Parce qu’enfin, ces déchets ne peuvent
être proportionnels à la consommation locale d’une si
modeste ville ? Ou alors c’est la richesse
absolue puisque ces 90.000 habitants produisent chaque
jour plus de 60 tonnes de déchets solides, score un peu
plus « performant » que la moyenne pondérée qui
est donnée pour les Provinces de l’Oriental (0.87
kg/hab/j). La proximité de Melilla, enclave espagnole où
les marchandises sont moins chères et d’où les familles
reviennent chargées de brassées de sacs plastiques noirs,
apporte une contribution hypertrophique à cette religion du
bonheur poubellable.
L'embouchure de la Moulouya est située à une vingtaine de
kilomètres au nord de Berkane. C'est une zone
écologiquement riche (consulter plus après son inventaire
floristique), escale migratoire de pas moins de 180 espèces
d'Oiseaux, biodiversité ayant justifié son classement comme
site d'intérêt biologique et écologique. Eh bien l’Oued
Cheraâ qui éponge tant le filtrage de l’incommensurable
décharge que les eaux usées de la ville (sans le moindre
traitement en amont) est un affluent de la Moulouya !
Ces eaux très polluantes contenant des détergents, des
urées et des bactéries, induisent une incontestable
eutrophisation, responsable de graves perturbations dans
les écosystèmes. Quand il existe au Maroc des stations
d’épuration (ce qui n’est pas le cas ici) (le coût moyen
pour une ville de 50.000 habitants est de l’ordre de 20
millions de dirhams), elles sont dans la plupart des cas
non fonctionnelles.
Rappelons que
l’Homme est sur Terre la seule espèce productrice de
déchets (la production
quotidienne d’un Occidental est supérieure au kilo), les
déjections de toutes les autres espèces étant naturellement
recyclées. L’avènement de l’ordinateur connectif individuel
va sous peu poser le problème de son élimination puisque
tout un chacun va en changer aussi souvent qu’il change de
chemise. Drôle de nouvelle ordure !
Autres choses...
L’Oriental est une région de richesses minières (plomb,
argent, fer, charbon, barytine, etc.) et le milieu naturel
de nombreux sites exploités en souffre évidemment. Ouvrir
ici le dossier très sensible de la cité minière de Jerada,
Germinal des temps modernes où 80 % du personnel est
atteint de silicose, sortirait du cadre des écosystèmes. La
fermeture des mines d’anthracite, devenue nécessaire pour
la simple raison d'extinction du gisement et des conditions
sanitaires très dangereuses, va de pair avec l’abandon des
déchets et les risques des poussières pour tout
l’environnement humain et naturel (biocénose du Djebel
Bou-Keltoum).
On pourrait aussi parler du charbon de bois, aux dégâts
incommensurables pour un profit dérisoire et qui était une
activité assez intense sur les massifs boisés de
l’Oriental, comme dans de nombreuses régions atlasiques.
Mais la filière est en déclin.
Laver plus blanc que vert...
Rien
n’est plus « sale » qu’une lessive !
Surtout non
biodégradable. Dans tout le Maroc rural et évidemment pas
par plaisir mais par nécessité, les femmes lavent encore
leur linge dans les eaux courantes (et parfois plutôt
dormantes ou résiduelles) des cours d’eau. Les paquets
vides de Tide et autres labels détergents président donc
aux berges des oueds et des asifs. Mais ce n’est plus ici
le contenant-ordure qui présente le danger mais bel et bien
le contenu-propre, une fois répandu dans l’eau. L’eau qui
sert à laver est aussi l’habitat de tout un microcosme qui
en atteste la qualité. Les détersifs vendus dans les
capitales occidentales, où l’on lave à la machine et où
toutes les eaux sont traitées et épurées avant rejets, sont
– dit-on – biodégradables. La belle affaire si les
détergents des campagnes et des montagnes du Sud ne le sont
pas ! Où est alors la conscience des
transnationales ? Une preuve de plus s’il en fallait
que cette fausse éthique n’est que la conséquence des
contraintes imposées. L’appât du gain s’exerce au détriment
du respect pour la santé humaine ou pour celui des
écosystèmes. On le sait.
Dans les Beni-Snassen, la prédominance calcaire, ajoutée à
une pluviométrie appréciable (500-600 mm), sont à
l'origine d'une grande nappe phréatique, correspondant à la
plus importance réserve d'eau souterraine de la région.
Principalement régi par l’Oued Zegzel et son affluent
l’Oued Moulay Idriss, le bilan hydrologique est excellent.
Parmi les nombreux affluents de ce réseau, dont les sources
sont presque toutes captées, seul le cours supérieur du
Zegzel proprement-dit est permanent. L'oued Zegzel est une
artère de l'Oued Cheraâ, principal affluent de la Moulouya
en aval du barrage Mechra-Homadi. Son bassin versant se
situe entièrement à l'intérieur du massif des Beni-Snassen.
Cours d’eau, sources, résurgences, mares, réservoirs,
partout l’on lave, partout le détergent pollue. La
survivance d’éléments fragiles comme le sont certains
Amphibiens, les Poissons, les Insectes hydrocanthares, les
larves de Libellules, les Mollusques et les Crustacés d’eau
douce, les Oiseaux tributaires de ces milieux, les
formations de végétaux hygrophiles et hydrophytes, est
absolument hypothéquée par cette pratique. Si l’on veut
continuer à compter la Salamandre tachetée ou le
Discoglosse peint dans les inventaires sponsorisés par des
entités conservationnistes internationales, il faut aussi
leur lancer un SOS pour
contraindre les fabricants à ne distribuer dans le bled que
des lessives biodégradables. C’est une
revendication qui vaut pour l’essentiel du territoire
marocain.
Le cloaque
Le
développement du cloaque durable ou le retour aux Écuries
d’Augias.
« Augias,
le fils du dieu soleil Hélios, fera partie des Argonautes
et attaquera ensuite Pylos. Il possédait, tout comme son
père, de nombreux troupeaux qu'il faisait paître dans son
royaume d'Elis. Ses écuries étaient encombrées par une
telle épaisseur de fumier qu'elles étaient devenues
inaccessibles. Eurysthée ordonnera à Héraclès les nettoyer
en une seule journée. »
C’est l’effroyable situation dans laquelle se trouvent
quelques sources et zones marécageuses du massif de Debdou,
dont les anciennes biocénoses riches en espèces
hygrophiles, ripicoles et fontinales (appartenant notamment
à l’entomofaune) ont été récemment éradiquées, qui nous
inspire ici ce chapitre, matière à réflexion. Mais
l’observation est hélas universelle à bien des régions.
Outre le surpâturage que plus personne ne conteste (pas
plus que la surpêche dont sont victimes les écosystèmes
marins !), une autre grave dégradation du milieu par
le cheptel est celle des points d’eaux, lesquels sont très
souvent des habitats de grande valeur. Ces zones humides
continentales comprennent des écosystèmes variés :
lacs et mares naturels permanents ou temporaires, lacs de
barrage, tourbières, pozzines d’altitude, cours d’eau de
diverses catégories, sources, fontaines. Leur diversité est
plus ou moins variée, le plus souvent remarquable par la
présence d’espèces sensibles et endémiques.
La flore s’y manifeste par la végétation spécifique d’eau
douce ou saumâtre : espèces de Phragmites,
Juncus,
Mentha,
Cyperus,
Scirpus,
Potamogeton,
Equisetum,
etc., ainsi que par le peuplement des
ripisylves : Fraxinus,
Salix,
Populus,
Tamarix,
Vitex
agnus-castus, etc. Les
merjas, lagunes, sebkas sahariennes, estuaires, marais
salants ont leurs types de végétations particulières :
herbiers submergés, écosystèmes à halophytes comme les
Salicornes, etc. Enfin, le plancton et les Algues sont le
premier échelon de la pyramide trophique en eau douce,
notamment celle des lacs naturels permanents fortement
minéralisés.
La faune y est diversifiée :Crustacés, Mollusques
représentés par des Gastéropodes et des Lamellibranches,
Coléoptères hydrocanthares comme les Dytiscidés, formes
nageuses d’Hétéroptères, Patineurs d’eau ou
Gerris
(Hémiptères
Gerridés), stades larvaires de Diptères et d’Odonates
(pauvres Libellules !), d’autres Invertébrés comme les
sangsues, quelques Poissons dont de rares endémiques,
Batraciens et Reptiles (Grenouilles, Rainette, Discoglosse,
Crapauds, Pélobate, Cistude, Émyde, Couleuvre vipérine),
une avifaune considérable (Palmipèdes, Échassiers, Rapaces,
Passereaux).
Les dayas du Moyen Atlas central, notamment celles de
modeste surface, ont été vidées de leur biocénose par le
saccage réitéré du bétail. En montagne, les tourbières à
Laîches et les pozzines ne sont pas davantage épargnées.
Sous tous leurs aspects et sous toutes latitudes, les
milieux humides ont toujours constitué un met de
prédilection pour la destruction. C’est ainsi que dans
l’Oriental, dans les Monts de Debdou, l’environnement
immédiat de certaines sources, avec parfois d’importantes
zones marécageuses, ont été transformées en cloaques et ne
recèlent plus la moindre vie. Toutes les mares transitoires
ou permanentes à Isoétacées sont profondément perturbées et
devenues de misérables bourbiers ou ont été définitivement
anéanties par la surfréquentation ovine.
La moindre précaution serait une gestion protectrice des
lieux et l’aménagement d’un équipement mitoyen idoine à
l’usage de l’abreuvement des troupeaux. Quand on constate
la bienveillance potentielle d’une maison forestière sur le
site même, comme c’est très souvent le cas dans le Djebel
Debdou, on se demande alors quelles peuvent être la
fonction et les compétences du garde contemplant chaque
jour des milliers d’Ovins patauger dans la nappe et en
déprécier tout l’équilibre.
Res nullius,
res
publica,
res communis
omnium
« Il pleut
aussi sur la mer. »
Saint-John Perse
L’industrie artisanale d'extraction des huiles essentielles
existe au Maroc depuis la conquête musulmane (VIIe siècle).
Le camion a remplacé l'âne et les distillateurs parcourent
toujours la campagne, achetant modestement les plantes aux
particuliers (statut res
nullius), ou plus
ambitieusement et en accord avec le gestionnaire du domaine
forestier (res
publica), voire avec
les collectivités locales (res communis
omnium), organisant
alors des récoltes à grande échelle. Cette filière, connexe
à celle du ramassage sans transformation des plantes
médicinales et aromatiques, concerne des plantes spontanées
(Romarin, Thym, Myrte, Menthe pouliot, Verveine, Mauve,
Armoise Absinthe, racines de Sarghine). Le traitement se
fait sur place, à l’aide d’un ou de plusieurs alambics à
feu nu, équipement précaire le plus souvent obsolète et
lent, ayant aussi une fâcheuse tendance à surchauffer, à
endommager les plantes et à réduire la qualité des huiles
extraites. Une partie de cette huile est en plus gaspillée
lors de sa collecte. Créer une technologie répondant aux
normes internationales rendrait ces produits plus
concurrentiels et plusieurs projets d’amélioration sont en
marche.
Pour ce qui concerne le Romarin, il développe d’importantes
formations sur les Haut Plateaux et dans certains massifs,
notamment celui de Debdou, et il se trouve présentement
surexploité et surtout coupé n’importe comment, à n’importe
quelle hauteur et n’importe quand. Une rosmarinaie bien
conservée peut compter de véritables arbustes de deux
mètres de hauteur, si ligneux que les paysans s’en servent
comme bois de chauffe.
Il faut voir ce qu’il en reste après le passage d’une
campagne de récolte ! Le Maroc en
exporte annuellement 60 tonnes d’huile essentielle,
laquelle quantité nécessite de couper, de rassembler et de
distiller de mai à octobre 15.000 tonnes de matière
végétale. Même chose pour d’autres plantes aromatiques et
médicinales subissant trop souvent un même massacre. Ce
n’est pas rien et l’ampleur mérite bien qu’on se préoccupe
de la meilleure façon d’agir. Depuis le protectorat de
1912, les sociétés spécialisées dans l'exportation des
huiles essentielles appartiennent principalement à des
ressortissants français et encore aujourd'hui, toute la
production est exportée à l'étranger. Une exploitation plus
rationnelle et durable de cette ressource aromatique exige
des techniques mieux appropriées et surtout une gestion
plus attentive des ressources actuellement vulnérabilisées
par une coupe sauvage et dépourvue du moindre souci de
régénération.
Telle qu’exercée, cette activité contribue localement à la
banalisation des paysages, à l’appauvrissement de la flore
et de la faune intrinsèque. Le romarin est
par ailleurs une plante mellifère, souvent la seule source
disponible pour les Abeilles dans ce type d’écosystème peu
varié.
La Moulouya : une frontière
L’Oued Moulouya prend sa source dans la partie méridionale
du Moyen Atlas central pour se jeter, après un parcours de
520 km, en Méditerranée entre le Cap de l’Eau et la
frontière algérienne. Formée de la capture de trois
bassins, la Moulouya conserve le type de rivière sans grand
étiage et est soumise à un climat sub-aride lui procurant
un régime très irrégulier (de 5 m3 à 5000 m3) qui en fait
l’un des cours d’eaux les plus redoutables du Maroc, avec
des crues aux effets catastrophiques. C’est par ailleurs
une frontière biologique (et historique) et au-delà de son
cours on pénètre dans des biocénoses fortement teintées
d’influences oranaises.
Relevé floristique de l’embouchure de la Moulouya
La
végétation des dunes de sables
La zone des laisses de mer est réduite et l’on passe
ipso
facto à une zone plus
vaste occupée par l'ammophylaie à Ammophila
arenaria arundinacea investissant les
microdunes de sable mobile et le cordon dunaire exposé au
vent maritime. En retrait et à l'abri de l'action éolienne
et des embruns marins se développe une formation mixte
à Retama
monosperma,
Pistacia
lentiscus,
Ephedra
fragilis,
Lycium
intricatum,
Phillyrea
angustifolia media et
Juniperus
lycia.
La végétation de la plaine saline de Sareg
Cette
végétation est bien développée au niveau de l'embouchure de
la Moulouya. Les groupements végétaux y diffèrent selon le
degré de salinité du sol, son humidité et sa structure
granulométrique (limon, sable, argile). Elle se décrypte en
trois groupements : le premier à Salicornia
fruticosa et
Suaeda
fruticosa, le second
à Limonium
gummiferum cymuliferum
et
Inula
crithmoides, et un
troisième à Lycium
intricatum et
Atriplex
halimus.
La végétation des milieux humides : marécages et
berges de la Moulouya
Ce groupement est celui d’un site excessivement humide en
été et à submersion épisodique durant plus de six mois. Il
est sujet à disparition si intervient un assèchement
estival trop prolongé. C’est une ripisylve dominée
par Tamarix
boveana,
Phragmites
communis et
Thypha
angustifolia.
Extrait d’inventaire
Quelques noms
vernaculaires, parfois d’origine régionale, ont été inclus
(Source : MedWestCoast, 2002.)
CONIFEROPSIDES
CUPRESSACEAE :
Juniperus
phoenicea (Genévrier
rouge, arar)
GNETOPSIDES
EPHEDRACEAE :
Ephedra
fragilis (Ephèdre
fragile, azrem)
ANGIOSPERMOPSIDES
AIZOACEAE :
Mesembryanthemum
acinaciformis (Figue
marine), M.
cristallinum (Ficoïde
glacial, lessan el
hamr,
ghassul
kebir),
M.
eludis (Figue des
Hottentots), M.
nodiflorum (Ficoïde à fleur
nodale, rhoulane)
AMARYLLIDACEAE :
Pancracium
maritimum (Lis mathiole)
ANACARDIACEAE :
Pistacia
lentiscus (Lentisque,
drou)
APIACEAE :
Daucus
hispidus (sennayrïa),
Eryngium
maritimum (Panicaut
maritime, lahiet el
maaza),
Ferula
communis (Férule, Faux
Fenouil, kechbour)
APOCYNACEAE :
Nerium
oleander (Laurier-rose,
defla)
ARACEAE :
Arisarum
simorrhinum
ASTERACEAE :
Anacyclus
valentinus dissimilis,
Artemisia
herba-alba (Armoise
blanche, chîb),
Asteriscus
maritimus (Astérolide
maritime, kerkeba,
tafsa),
Bubonium
aquaticum (fekrouna),
Calendula
algeriensis (Souci
d’Algérie, djamir),
Centaurea
involucrata,
C.
sphaerocephala,
Inula
crithmoides (Inule
perce-pierres, kesbane),
Inula
viscosa (Inule
visqueuse, amagramane),
Lactuca
saligna (Laitue à
feuilles de Saule), Launaea
arborescens (bou
chlaba,
um
lbeina,
iferskil),
Mantisalca
salmantica (Centaurée de
Salamanque), Reichardia
tingitana (Reichardie de
Tanger, berhim),
Senecio
leucanthemifolius (Séneçon,
rabiât
jmel),
Sonchus
oleratus (Laiteron),
Sonchus
tenerrimus (Laiteron
délicat)
BRASSICACEAE :
Cordylocarpus
muricatus,
Diplotaxis
virgata (Roquette,
chart’am),
Lobularia
maritima (Alysson
maritime), Malcolmia
arenaria (Malcomie des
sables), M.
littorea (Malcomie
littorale)
CAPRIFOLIACEAE :
Lonicera
biflora (Chèvrefeuille
de rivière, juher-ed-dar)
CARYOPHYLLACEAE :
Silene
colorata (Silène rose,
Silène colorée), Spergularia
diandra (Spergulaire
arrondie), S.
embergeri (Spergulaire
d’Emberger), S.
marginata (Spergulaire
marginée, Spergulaire intermédiaire), S.
rubra (Spergulaire
rouge)
CHENOPODIACEAE :
Anabasis
prostrata,
Arthrocnemum
macrostachyum (Salicorne,
rjem,
hardjem),
Atriplex
glauca (Arroche
glauque), A.
halimus (Arroche marine,
Pourpier de mer, lagtaf),
Beta
macrocarpa,
Salicornia
fruticosa (Salicorne
ligneuse, belbel),
S.
perennis (Salicorne
pérenne, belbel),
Salsola
kali (Salsovie,
Soude, Soude brûlée, quali),
S.
oppositifolia,
Suaeda
fruticosa (Soude
arbustive), S.
vera (adjerem)
CONVOLVULACEAE :
Cressa
cretica (Cressa de
Crète, melliha)
CYNOMORIACEAE :
Cynomorium
coccineum (Cynomorium
écarlate Éponge de Malte , tartous)
CYPERACEAE :
Carex
divisa (Laîche
divisée), Cyperus
kali (Souchet
faux-choin), Scirpus
lacustris glaucus (Scirpe des
lacs, merja),
S.
maritimus (Scirpe
maritime, debcha)
DIPSACACEAE :
Scabiosa
rutifolia
EUPHORBIACEAE :
Euphorbia
paniculata (Euphorbe
paniculée, ngess),
E.
paralias (Euphorbe
maritime, ngess),
Ricinus
communis (Ricin,
kherwâa)
FABACEAE :
Benedictella
benoistii,
Calycotome
villosa intermedia (Gandoule),
Lotus
creticus (Lotier de
Crête, goureaïne),
Medicago
litoralis (Luzerne des
rivages, fassa),
M.
marina (Luzerne
maritime, nefel
bahari)
Ononis
natrix (Bugrane,
Coquesigrue), Psoralea
bituminosa (Herbe au
bitume, Psoralier, adna),
Retama
monosperma (Genêt
blanc, rtem),
Scorpiurus
muricatus sulcatus
FRANKENIACEAE :
Frankenia
laevis (Frankénie
lisse, roukal)
GERANIACEAE :
Erodium
chium (Bec de
Grue), E.
malacoides (Bec-de-grue
fausse mauve, Érodium à feuilles de mauve)
IRIDACEAE :
Iris
pseudo-acorus (Flambe
d’eau, soçane el
asfeur),
I.
sisyrinchium (Iris
faux-Sisyrhynque)
JUNCACEAE :
Juncus
acutus, (Jonc
aigu, smar),
J.
maritimus (Jonc
maritime, azemaï)
LAMIACEAE :
Stachys
hirta (Épiaire
hérissée)
LILIACEAE :
Asparagus
stipularis (Asperge,
chebrog),
Smilax
aspera (Salsepareille,
asref)
LYTHRACEAE :
Lythrum
salicaria (Salicaire,
rihan el
ma)
MIMOSACEAE :
Acacia
cyanophylla (Mimosa,
talha)
OLEACEAE :
Olea europea
sylvestris (Oléastre,
zebouge),
Phillyrea
angustifolia (Phillaire,
qtam)
OROBANCHACEAE :
Cistanche
violacea (Cistanche
violet)
PALMACEAE :
Chamaerops
humilis (Palmier
nain, doum)
PLANTAGINACEAE :
Plantago
albicans (Plantain
blanchâtre, heulma),
P.
coronopus (Plantain
corne-de-cerf, boudjenah)
PLUMBAGINACEAE :
Limonium
asparagoides (Statice fausse
Asperge, ouden el
hallouf),
L.
delicatilum,
L.
gummiferum (Statice gomme)
POACEAE :
Aeluropus
littoralis,
Ammophila
arenaria arundinacea (Oyat, Roseau
des sables, seboth),
Arundo
donax (Roseau, Canne
de Provence, qsob),
Bromus
rubens (Brome
rougeâtre), Cynodon
dactylon hirsutissimum
(Chiendent),
Dactylis
glomerata (Dactyle,
nedjma),
Koeleria
phleoides (Koelérie fausse
Fléole), Pholiurus
incurvatus,
Lygeum
spartum (Sparte,
sennaq),
Phragmites
communis (Roseau
commun, ksab),
Schismus
barbatus,
Scirpus
lacustris glaucus (Scirpe des
étangs, Jonc des chaisiers), S.
maritimus (Scirpe
maritime), Sphenopus
divaricatus
POLYGONACEAE :
Emex
spinosa (bou
semmar),
Polygonum
aviculare (Renouée des
Oiseaux, gerda),
P.
maritimum (Renouée
maritime, sboul el
far)
POTAMOGETONACEAE :
Zostera
noltii (Zostène naine)
PRIMULACEAE :
Anagallis
arvensis (Mouron des
champs, l’wid
l’hmar)
RHAMNACEAE :
Rhamnus
lycioides (Nerprun,
boutefiche)
RUBIACEAE :
Rubia
peregrina (Garance
voyageuse, fouaou)
SOLANACEAE :
Lycium
intricatum (Lyciet de
Barbarie), L.
europaeum (Lyciet
commun, aoucedj),
Withania
frutescens (bennour)
TAMARICACEAE :
Tamarix
boveana (Tamaris,
larich)
THYMELEAEACEAE :
Daphne
gnidium (Saint-bois,
azaz)
THYPHACEAE :
Typha
angustifolia (Massette à
feuille étroite, berdi),
T.
latifolia (Massette à
feuille large, berdi).
Aperçu Zoologique
Ce complexe estuarien de la plus longue rivière de la
façade méditerranéenne maghrébine, est un milieu essentiel
pour la migration de nombreux Poissons en raréfaction,
ainsi qu’une aire de transit, d’hivernage et de
nidification pour de nombreux Oiseaux d’intérêt
mondial : jusqu’à 1200 individus du Goéland d’Audouin
(awwa)
et jusqu’à 200 couples de Sarcelle marbrée
(ch’hiba).
C’est enfin une mosaïque d’habitats où subsistent de
nombreux endémiques de toutes catégories. S’y développent
la sansouire de meilleure amplitude d’Afrique du Nord, une
des plus remarquables plages sableuses de la Méditerranée,
un lit fluvial en permanence inondé et une tamariçaie
alluviale exceptionnelle et seulement égalée par celles de
l’Oum-Er-Rbia et du Bas Drâa. Le bilan ornithologique de
cette zone correspond aux deux tiers de l’échelon national.
Parmi les espèces fauniques endémiques ou rares (toutes
classes confondues), il faut citer la Loutre
(kelb el mae,
akzin n’ouaman) (une vingtaine
de spécimens en tamariçaies, berges et zones marécageuses),
le Chacal doré (eddib,
ouchchen) (tamariçaies
les plus denses et périphérie), le Chat ganté
(mouch
aberrane), la Mangouste
(sebseb)
(tamariçaies denses), le Busard cendré (marais et bras
morts, junipéraies littorales), le Butor étoilé (sansouires
et bras morts), le Râle de genêts (sansouires), l’Avocette
élégante (colonies nidificatrices d’une centaine de
couples), la Bécassine sourde, le Bécasseau de Temminck, le
Chevalier stagnatile, le Goéland cendré, la Mouette
tridactyle, la Sterne caspienne, la Sterne royale, la
Sterne voyageuse, la Sterne naine, le Crabier chevelu, le
Héron pourpré, le Discoglosse peint (addifdaâ
munakkat) (en jonçaie),
le Seps rifain (al hniech al
maghribi) (tamariçaies,
salicornaies), le Carabe Macrothorax
morbillosus (dunes et
sansouires), le Calosome Campalita
maderae, les Cicindèles
halophiles Lophyridia
lunulata et
littoralis,
Taenidia
litorea goudoti et
trisignata,
Megacephala
euphratica, une foule de
Carabiques (dont Scarites
eurytus),
sporadiquement et erratique le Petit Monarque
(Lépidoptère Danaus
chrysippus), et un long
etc. Le Cochon sauvage (ahallouf)
abonde.
Une notule quant à la portion marine de l’estuaire et à
cette région côtière pour citer trois Tortues
marines : la Tortue verte (Chelonia
mydas), la Caouanne
(Caretta
caretta) et la
Tortue-luth (Dermochelys
coriacea), ainsi que le
Phoque moine (présence au Cap des Trois Fourches) dont les
derniers sujets sont en grand danger de disparition, sans
passer sous silence un précieux bivalve à perle : la
Grande Nacre de la Méditerranée, un distingué coquillage
qui peut atteindre un mètre et dont les derniers
exemplaires sont menacés par l’action des pêcheurs (filets
trémail) et par l’anéantissement de l’herbier à Posidonies,
son refuge électif. Cet ouvrage ne traite pas des
écosystèmes marins mais un bref regard dans cette direction
prouve que l’état des lieux n’est guère meilleur que...
dans la steppe à Alfa !
L’alarmisme tous azimuts est donc de rigueur.
La femelle chante, l’espèce déchante...
Le Turnix d’Andalousie (Turnix
sylvatica) est une espèce
sédentaire et solitaire, de petite taille (15 cm), très
semblable à la Caille des blés (ce qui lui valu d’être
chassé par confusion), remarquable par le fait que c’est la
femelle qui chante ! Et quel chant puisqu’il
rappel le mugissement d'une Vache ! Dans le passé, il
hantait les ermes et les pâturages ponctués de palmiers
nains dont les massifs constituaient son refuge électif. Il
s’est désormais replié dans des habitats côtiers, surtout
les lagunes.
Cet Oiseau rare fut localisé il y a plus de dix ans dans
les sansouires et les marais à Salicornes, Scirpes et Joncs
de l’embouchure de la Moulouya. Il faisait partie de ce
splendide cortège aviaire riche en espèces nicheuses tels
la Poule sultane, le Héron pourpré, le Busard cendré,
l'Élanion blanc, nombreuses espèces de Rallidés et de
Fauvettes aquatiques. Les eaux et les sables de cette
embouchure font aussi office de reposoir pour de multiples
Laridés et le Goéland d’Audouin y est fidèle. Revoir le
Turnix d’Andalousie sur ce site relève peut-être désormais
de l’utopie eu égard au panel de dysfonctionnements qu’on y
enregistre : drainage, empiètement des activités
agropastorales, contamination par les biocides agricoles
dont le traitement drastique des dortoirs à Moineaux, coupe
des Roseaux et des Joncs en période de nidification,
dérangements dus à la fréquentation de l’arrière plage,
sans oublier l’envahissement d’ordures ménagères (constante
du paysage dans la région).
De quoi faire déchanter pour toujours le Turnix
d’Andalousie, qui a déjà le triste privilège de figurer au
sein de la liste européenne des Oiseaux les plus en danger,
avec moins de dix couples subsistants.